Aux récalcitrantes, aux passionnées,

À celles qui en ont ras-le-cul de se faire emmerder, harceler, de jour, de nuit, au travail, dans la rue ou par « leur » mec. À celles qui veulent embrasser leur copine dans le bus. À celles qui ne se satisfont pas de l’univers cloisonnant du couple. À celles pour qui les relations sexuelles ne sont ni obligatoires ni sacrées. A celles qui décident de se contrefoutre des normes de beauté. Aux « garçons manqués ». À celles qui se battent contre les médecins pour être avortées et/ou stérilisées. À celles qui ne se laissent pas imposer fringues, horaires et mode de vie. À celles qui aiment regarder les étoiles. À celles qui refusent d’ être réductibles à ce qu’elles ont subi. À celles qui sont contre toutes les prisons. À celles qui s’organisent pour riposter aux agressions en dehors de la médiation de l’État. À toutes celles qui se croyaient fragiles et se surprennent régulièrement de leur force. A celles qui ne laissent à personne, homme ou femme, la possibilité de parler en leur nom (parti, syndicat, association).

À toutes celles qui ne veulent pas s’intégrer dans cette société, ses casernes, ses usines et ses supermarchés.
Aux survivantes, aux trop vivantes, qui ne veulent pas l’égalité mais la réciprocité des rapports. À celles qui sont pleines d’envies mais qui n’osent pas. A celles qui décident de prendre la thune là où elle se trouve. À celles qui ne reconnaissent aucune forme d’_autorité, d’où qu’elle provienne (patron, État, religions, famille, mec). À toutes celles qui ne sont pas et ne seront jamais flics, matonnes, ou présidentes de la République. À toutes celles qui ne se ressentent pas être « femme ». À celles pour qui ne plus être dominée ne signifie pas devenir chef mais combattre tous les rapports de dominations. À celles pour qui ne pas gagner ne signifie pas être vaincue. À toutes celles qui pensent que la liberté des unes étend celle des autres.
Aux anti-autoritaires ET à celles qui sentent qu’il y a plus d’aventure à vivre dans la tentative passionnée de détruire ce qui nous détruit que dans ces vies moroses…

assez de vains soupirs immondes,
finissons-en avec ce monde.

[Tract trouvé dans les rues de Paris, mai 2012]

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Lucioles n°6 – février/mars 2012

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Pour lire le bulletin texte par texte sur ce site: Numéro 6

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En bref…

Début février, une cinquantaine de détenus à la maison d’arrêt de Nanterre se rebellent, refusant dans un premier temps de rentrer en cellule. Ils passent ensuite à la vitesse supérieure, en saccageant un bureau des matons et en défonçant du matériel informatique. Il a fallu l’intervention des ERIS (bourreaux chargés de mater les révoltes en prison) afin de ramener un semblant de calme, tandis que des cohortes de flics se positionnaient autour de la taule au cas où. Quelle que soit la cause précise (chauffage défectueux, refus d’activité) ayant entraîné ce mouvement, tous les dégâts portés à ces foutus mouroirs sont une bonne chose.


Vers la mi-janvier, un ou plusieurs inconnus boutent le feu une première fois à une école maternelle à Suresnes (Hauts-de-Seine). Les pompiers s’amènent mais doivent intervenir sur un autre lieu, grâce à une fausse alerte, ce qui laisse le temps aux premiers d’achever leur bel ouvrage. L’école en question est inutilisable jusqu’à la prochaine rentrée. Il paraît que «s’attaquer à une école revient à porter atteinte aux valeurs mêmes de la République». Précisément…


Décidément, il ne fait guère bon porter l’uniforme à Grigny. Après les assauts incendiaires dont nous parlons plus loin dans le journal, voilà que les agents en redemandent. Le 15 février, alors qu’elle tente d’arrêter deux personnes dans la cité de la Grande-Borne, la flicaille se prend une belle volée de caillasses sur la tronche, et doit rebrousser chemin en grand désordre, jusqu’à se planquer dans un hall d’immeuble et appeler des renforts afin de s’en tirer indemnes. L’un des pandores aura toutefois l’arcade sourcilière amochée par les pierres.


Dans la nuit du 31 décembre 2011 au 1er janvier 2012, des gens se rassemblent devant la prison pour étranger de Vincennes aux cris de « Liberté pour tous ! ». De nombreux feux d’artifices sont lancés pour illuminer un peu la nuit et des retenus montent sur les grilles du CRA pour crier et communiquer. La même nuit, au moins deux feux ont été allumés à l’intérieur du centre. Un peu plus loin au même moment, à la Maison d’Arrêt de Fresnes, des feux d’artifices ont explosé devant le quartier des hommes et le mitard puis devant le quartier des femmes. Les cris de « Liberté » ont retenti de toutes part ! Dans le monde entier, des actions anticarcérales ont été réalisées devant des prisons, pour en finir avec toutes les prisons et donner un peu de courage à ceux qui la subissent.


La taule de Val de Reuil est le plus grand centre de détention d’Europe. 820 places et environ 200 surveillants. Deux agressions visant ces derniers ont eu lieu depuis le début du mois de février. Le 2 février, un gradé de l’AP a été attaqué par un détenu, frappé au visage. Le 6 février, un autre maton a été agressé. Des choses qui arrivent quand on enfile l’uniforme des assassins.


139 caméras permettent à la police municipale de garder un œil sur la ville de Meaux jour et nuit. Quatre de ces caméras de vidéo-surveillance ont été défoncées dans la nuit de dimanche à lundi 9 janvier 2012, dans le quartier A de Beauval. Les caméras ont été la cible de tirs d’arme de petit calibre. Un des appareils s’est retrouvé complètement hors service. À cette occasion, on apprend que la semaine précédente déjà, deux caméras à proximité du bâtiment Auvergne avaient été foutues hors d’état de nuire. Pour la municipalité de Meaux, ces attaques sont la preuve de l’efficacité du dispositif qui empêche les voyous de commettre leurs trafics et délits ; pour nous ces attaques montrent tout simplement que l’on aura beau tirer sur la corde, des individus finiront toujours par se révolter et détruire ce qui les détruit, comme ces maudites caméras (dont nous parlons plus loin dans ce numéro).

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24 397 coups de poignards !

[NB: Le 29/02/11, le Parlement a adopté le projet de loi dont nous parlons ici.]

Il y a peu de temps, l’assemblée a voté un projet de loi sur l’exécution des peines. Sous ce nom un peu obscur, se trouve en fait une nouvelle étape de l’enfermement en France. Le pouvoir nous envoie un message clair, les années 2010s seront brutales et carcérales. La volonté de fond de ce projet de loi est d’arriver d’ici quelques années à 100 000 places de prison en France contre 60 000 aujourd’hui, presque le double donc.
Essayons donc d’y voir un peu plus clair pour savoir à quelle sauce ils vont essayer de nous manger si nous ne parvenons pas à en finir avec l’État, ses flics et ses prisons.

Examinons donc ce projet de loi : Les députés ont voté la création de 24 397 places de prison supplémentaires d’ici 2017, dont une partie sera construite dans le cadre de partenariats public-privé (PPP). « C’est une nécessité absolue aujourd’hui », affirme le député Ciotti qui avait remis avant l’été un rapport au président sur l’inexécution des peines pénales. Il s’agit de réduire de 35 000, sur 87 000 actuellement, le nombre de peines en attente d’exécution (en raison de la surpopulation carcérale) d’ici 2017.
Avec ces nouvelles « places », l’État prévoit aussi, théoriquement, d’embaucher 15 000 nouveaux matons, dont 7 000 dans l’immédiat. Il prévoit également la création de 120 postes de magistrats et de 89 emplois de greffiers dans les services de l’application et de l’exécution des peines. Aussi, la création de 88 emplois au sein du SPIP (services pénitentiaires d’insertion et de probation) dès 2013 et de 103 postes de psychologues.

Le texte révise également le classement des établissements pénitentiaires: « sécurité renforcée », « normale », « adaptée » et « à sécurité allégée ». Ces dernières, 6 000 au total, seront destinées aux « courtes peines », soient inférieures ou égales à un an.
A aussi été adopté la création de 20 nouveaux centres éducatifs fermés (comprendre prisons pour enfants) pour une « meilleure prise en charge des mineurs délinquants », une mesure qui s’accompagne de la création de 120 postes d’éducateurs/matons.

Par ailleurs, a été adopté un volet destiné à « mieux évaluer le profil des personnes condamnées » afin de mettre en place « un régime de détention adapté ». Trois nouveaux centres nationaux d’évaluation, pour les condamnés à une longue peine présentant « un degré de dangerosité supérieur » ont été créés. Dans la même veine, le texte prévoit d’augmenter le nombre d’experts psychiatres judiciaires, notamment via des incitations financières (des bourses) pour les internes en psychiatrie.

A une autre époque, le fait d’être enfermé dans une cellule individuelle était perçu comme une punition dans la punition. Aujourd’hui, alors que certaines cellules sont remplies de quatre détenus pour 9m² sans séparations et que l’administration pénitentiaire n’hésite plus à rajouter des matelas de fortune comme on enfile des perles, l’encellulement individuel est un privilège et les listes d’attente sont interminables. Ce nouveau projet de loi prétend répondre à la question de la surpopulation en construisant de nouvelles places. Il va de soi qu’il ne s’agit pas de réduire la population carcérale, mais bien de faire prendre une dimension supérieure à la surpopulation qui ne baissera pas en pourcentage.

La petite Agnès, le petit Kevin, la petite Laetitia , la petite joggeuse, le petit poucet… à chaque fait divers une nouvelle loi et les nouvelles peines de prison qui vont avec. Il fallait bien que le serpent arrête de se mordre la queue, car à force de bourrer les prisons à craquer, c’est à se demander s’il restera assez d’oxygène pour tout le monde à l’intérieur. Les peurs créées par les politiciens par le biais des médias comme les hordes de violeurs d’enfants, la multiplication inquiétante des serial-killers pédophiles à dents pointues, les multi-recidivistes de la décapitation de vieilles et autres ogres de contes de fées (en fait, environ 0,1 % de la population carcérale) servent en fait à justifier l’incarcération massive de dizaines de milliers de personnes, et plus fort encore, à ne plus se poser la question de la misère et de son lot de pratiques de survie qui fabrique l’énorme majorité de la population carcérale. Plutôt pratiques, les cadavres d’enfants dans des lacs, pour faire accepter aux plus cons cette vie de merde et de barbelés jusque dans nos esprits. L’instrumentalisation médiatique et politicienne des faits divers et l’arsenal répressif qui va avec, et qui dans les faits s’éloigne largement, lui, du domaine du spectacle, participe à une manne financière, un puits législatif et économique sans fond.

Ce projet de loi, c’est plusieurs milliards d’euros en plus dans les poches des vautours habituels de la machine à enfermer : Bouygues, Eiffage,Vinci, Suez, Eurest et tous les autres… Des constructeurs aux fournisseurs , de ceux qui s’engraissent en empoisonnant les prisonniers de leur bouffe malsaine que l’on ne donnerait pas à un rat d’égout, des architectes qui répondent à un cahier des charges bien particulier (empêcher les évasions, protéger les matons, isoler les prisonniers, les briser) à tous les salauds qui profitent de l’esclavage carcéral à moindre coût (GEPSA, Orange, Haribo, Bic, 3M, Renault, Yves Rocher, Dior etc.).

A l’heure où la misère gagne du terrain à une vitesse inédite, voilà donc la solution proposée par le pouvoir, la construction de milliers de nouveaux logements, mais en taule.
Les choses sont très claires, alors qu’est-ce qu’on attend ?

Mort à tous ceux qui enferment et à leurs défenseurs.

[in italiano]

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Hiver brûlant à Fleury

Pour rappel, la taule de Fleury-Mérogis est une maison d’arrêt située dans l’Essonne. Achevée en 1968, c’est en 2010 avec 2 855 places le plus grand centre pénitentiaire d’Europe. Avec les taules de la Santé et de Fresnes, Fleury est l’un des trois principaux établissements pénitentiaires de la région parisienne. Environ 40 % des détenus y sont employés dans les ateliers à la confection de pièces industrielles. Ils travaillent pour des miettes (à peine 4€ de l’heure) dans des conditions particulièrement pénibles et dangereuses (le contrôle technique des machines de travail est au bon vouloir de la matonnerie). Bien sur, ces bagnes modernes souffrent de nombreuses contestations intérieures. Et si de nombreux détenus isolés et sans soutien extérieur sont acculés à se livrer en pâture à cet esclavage pour avoir de quoi survivre un peu (manger autre chose que les gamelles saturées de graisse et remplies de calmants, cigarettes, matériel de toilette etc.) d’autres cèdent sous la force de l’irrésistible révolte contre l’horreur viscérale de l’enfermement et de l’esclavage.

En avril 2003, par exemple, une mutinerie à la taule de Clairvaux éclate, parmi les nombreux actes de courage des mutins, un incendie détruisit les ateliers. Un des inculpés, Pascal Brozzoni, revendique d’avoir mis le feu pour détruire ce qui le détruisait, dans son texte On n’est pas venu en prison pour travailler, ou pourquoi j’ai mis le feu aux ateliers de la prison de Clairvaux.

Pas plus tard que le 2 janvier dernier, un nouvel incendie a ravagé un atelier situé dans le bâtiment D5 de la maison d’arrêt de Fleury. Environ 150 détenus y travaillaient au reconditionnement de « bijoux fantaisie ». Des traces d’accélérateur sont trouvées sur le lieu du départ d’incendie. Un message tout aussi clair qu’en 2003, aucune arrestation et 400 000 € de dégâts dans la gueule de l’Administration Pénitentiaire et à travers elle, l’État.

Le 10 janvier, dans la petite bourgade de Fleury-Mérogis, c’est onze véhicules qui partent en fumée. Les médias ne croient pas nécessaire d’évoquer d’éventuelles vengeances contre la matonnerie, dans ce petit bled consacré à faire tourner le plus gros employeur de la région, l’Administration Pénitentiaire.

Toujours à « Matonville », le 31 janvier, deux matons se font tabasser en bas de chez eux par plusieurs personnes, ils sont blessés au visage et aux oreilles tandis que quatre des agresseurs supposés sont arrêtés et sont reconnus par les deux matons comme des personnes déjà croisées en prison. Personne ne doutait du fait que de toute façon, dans un village où sur 600 logements, quatorze sont attribués par la préfecture, 107 par la commune, 350 par l’Administration Pénitentiaire et le reste à d’autres fonctionnaires, que l’attaque de deux matons soit un geste limpide de vengeance contre la fonction d’enfermeurs.

Quelques jours plus tôt, le 27 janvier, un autre maton de la taule de Fleury est agressé chez lui à Corbeil-Essonnes. Un syndicat de maton raconte : « un collègue s’est fait séquestrer, bâillonner, rouer de coups par trois individus cagoulés qui sont rentrés chez lui » et comme l’affirme une source pénitentiaire aux médias, « Cela s’apparente à un guet-apens directement lié à son identité professionnelle, puisqu’il y a eu des pressions par rapport à son métier ».

Ils peuvent toujours parler, reformer, humaniser ou déshumaniser encore plus la taule… L’enfermement ne cessera jamais d’engendrer la vengeance.

[in italiano]

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Même pas peur – Bref retour sur l’enfermement des mineurs en France

Que la société doit aimer ses enfants pour les châtier avec autant d’application ! Depuis l’ordonnance de 1945 qui créait les tribunaux pour enfants et avec eux la notion modernisée de « délinquance juvénile », l’État n’a eu de cesse de créer des structures ayant pour but d’encadrer, d’éduquer et surtout de mater ceux que ses différentes institutions, en premier lieu l’école, n’avaient pas réussi à mettre sur le « droit chemin ». Certes on ne pouvait plus alors, dès le plus jeune âge, se retrouver au contact de prisonniers majeurs ou être envoyé au bagne mais il était toujours possible d’être placé dans des quartiers spécifiques des maisons centrales ou maisons d’arrêt ou encore dans des établissements combinant suivi psychiatrique, emplois du temps fixes et sanctions punitives pour les plus récalcitrants. Le pouvoir prétend alors vouloir venir en aide à ces « jeunes désemparés » dans le cadre de ce qui s’appelait l’Éducation Surveillée. Ainsi se succédèrent pendant plus de 40 ans une pelletée d’institutions, répondant toutes à une glorieuse mission éducative qui refuse de s’admettre comme une « punition » mais se voit au contraire comme une seconde chance donnée à ces « délinquants » incompris : les Institutions Spéciales d’Éducation Surveillée (ISES), les Centres d’Observation Publique de l’Éducation Surveillée (COPES), les Centres d’Observation des Mineurs (COM), les Centres Fermés d’Observation (CFO), les Unités Éducatives à Encadrement Renforcé (UEER), puis les Centres Éducatifs Renforcés (CER). Autant de structures répressives/éducatives qui tout en changeant de nom gardèrent la même fonction, et qui finirent par être placées au début des années 90 sous la tutelle de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) qui dépend du ministère de la Justice.

Au début des années 2000, le gouvernement promulgue la loi Perben dite « d’orientation et de programmation de la justice ». Celle-ci permet entre autre de retenir et de prendre des sanctions pénales à l’encontre de mineurs de 10 à 13 ans et de les placer à partir de 13 ans en détention provisoire. C’est dans le cadre de cette loi que sont créés les Centres Éducatifs Fermés (CEF) qui « accueillent », en d’autres mots enferment, des mineurs de plus de 13 ans qui font l’objet d’une mesure de placement doublée d’une décision de mise sous contrôle judiciaire ou d’un jugement prononçant une peine d’emprisonnement assorti d’un sursis avec mise à l’épreuve. Quarante-quatre de ces centres voient ainsi le jour (pour un total de 500 places) où sont envoyés en priorité les « multirécidivistes », auteurs de vols, de trafics de drogue ou d’agressions sexuelles ainsi que ceux qui n’ont pas réussi à « s’adapter aux moyens éducatifs ». Bien qu’il soit assorti d’une peine d’emprisonnement, le placement dans ce genre de centres se présente comme une alternative à celle-ci. L’école obligatoire et l’encadrement permanent par des éducateurs dans un environnement clos se veulent encore une preuve de la bienveillance de l’État à l’égard de ses chères têtes (rarement) blondes.

Quant à ceux pour lesquels la vieille hypocrisie du modèle éducatif « classique » semble être une réponse trop douce, l’État leur mettra les points sur les i. Avec la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et la mise en place des Établissements Pénitentiaires pour Mineurs (EPM) qui s’en est suivie, l’État ne laisse aucun doute concernant la manière dont il entend traiter ces « délinquants juvéniles ». Ainsi, il est maintenant possible de prononcer des peines de prison à l’encontre de mineurs de 13 à 16 ans qui peuvent valoir jusqu’à la moitié de la peine encourue par les majeurs et de ne pas appliquer« l’excuse de minorité » pour les mineurs de plus de 16 ans, notamment ceux accusés de violence avec récidive, donc de leur faire subir des peines similaires à celles des adultes.
Le pouvoir s’appuie également, comme il a l’habitude de le faire, sur quelques affaires très médiatisées. Le 21 novembre dernier, les charognards du gouvernement ont profité du « scandale » suscité par un énième fait divers sordide ayant eu lieu en 2010 pour faire en sorte que tout mineur soupçonné de « crimes graves » soit maintenant systématiquement placé en Centre Éducatif Fermé. Peu de temps après, ils ont en plus annoncé la mise en place de 20 nouveaux CEF d’ici 2015. Le PS, toujours prêt à surenchérir au banquet de l’horreur, préconise quant à lui d’en doubler carrément le nombre.
Pour en revenir aux EPM, il s’agit d’établissements gérés conjointement par la PJJ et l’Administration Pénitentiaire (AP), appelés à remplacer les Quartiers pour Mineurs (QM) des Maisons d’Arrêt. Il existe actuellement sept de ces établissements, comptant chacun soixante places, dans lesquels sont dispensés des cours à travers des ULE (Unités Locales d’Enseignement), permettant de passer des diplômes jusqu’au BAC. L’emploi du temps y est soigneusement segmenté entre cours, activités destinées à apaiser les tensions et à faire passer la pilule de l’enfermement, et bouclage en cellule. Il existe aussi plusieurs régimes permettant de dompter les prisonniers et de s’assurer du maintien de la discipline. Ils vont du « régime de contrôle », où le prisonnier est privé d’activités et doit rester en cellule, au « régime de responsabilité », qui permet en cas de « bonne » conduite de disposer d’ordinateurs, de consoles de jeu, ou d’une salle de projection. Les entrevues régulières avec des éducateurs et des psychologues et la surveillance permanente des gardiens et des caméras remplissent les fonctions de contrôle, censées prévenir tout type de rébellion. Si les détenus sont finalement jugés trop récalcitrants, ils sont envoyés au mitard.
Au final entre les mesures de placement « classique » : Foyers et Centres d’Action Éducative (FAE et CAE), Centres Éducatifs Renforcés et « l’accueil » en CEF qui se veut un intermédiaire entre celles-ci et l’incarcération en EPM ou en Maison d’Arrêt, c’est un ensemble gradué de sanctions qui a été mis en place, chacune de ces taules représentant un palier dans la sainte croisade contre la « délinquance ». Dernièrement la loi a instauré un nouveau dispositif, à savoir le placement de mineurs (pour une durée de six mois à un an) au sein d’un EPID (Etablissement Public d’Insertion de la Défense), où ils doivent effectuer un stage de réinsertion sous l’encadrement de l’armée, avec la discipline qui va avec. Pour exprimer en chiffres cette croisade : autour de 800 mineurs se trouvent actuellement enfermés en France dont plus de 300 en EPM, ce qui signifie que les autres sont incarcérés dans les Quartiers pour Mineurs des Maisons d’Arrêt ; cela sans compter les quelques 500 placés en CEF qui ne sont pas officiellement considérés comme prisonniers. Ils sont ainsi en permanence contraints de subir la pression de cet univers de sanctions, de conseils de discipline et de formatage éducatif. Le rendement d’une telle machine à broyer s’estime d’ailleurs assez rapidement, pour en donner une idée : sur les 160 incarcérés en EPM en 2008, on dénombrait déjà 72 tentatives de suicides.

Tout cela n’a heureusement pas empêché des tentatives d’évasion d’avoir lieu. Certaines réussissent, comme à Marseille en février 2008 où deux détenus passent par les toits de l’EPM. D’autres resteront de belles tentatives comme à Lavaur le 13 juin 2009, où un adolescent disparaît au retour d’une activité en extérieur, ou encore le 2 mai dernier à Marseille où quatre détenus ont réussi à faucher les clés d’une matonne après l’avoir assommée et ligotée. Tout cela n’a pas non plus empêché la rébellion de s’exprimer, aboutissant parfois à de véritables mutineries comme ce fut le cas le 18‎ ‏juin‭ ‬2007‭ à l’EPM de Meyzieu ou le 7‎ ‏‭ ‬mai‭ ‬2011 à celui de Lavaur. Au cour de cette grosse révolte, à laquelle presque tous les détenus participent, des dizaines de cellules sont saccagées, des membres du personnel sont agressés, et des tentatives d’incendie ont lieu à plusieurs reprises. Le pouvoir n’a d’ailleurs pas hésité, pour mater pareil désordre, à faire appel aux ERIS (Équipes Régionales d’Intervention et de Sécurité), corps spécialement formé à l’intervention en milieu carcéral, dont la brutalité n’est plus à démontrer.

Mais la contestation ne s’exprime pas forcément que dans une opposition entre les détenus et leurs geôliers. Des actes de solidarité contre l’enfermement des mineurs ont aussi eu lieu à l’extérieur, comme l’occupation en 2006 du futur chantier de l’EPM d’Orvault,‭ ‬accompagnée d’une semaine d’actions,‭ ‬tractage massif,‭ ‬banderoles,‭ ‬affichages,‭ ‬tags.‭ ‬Les locaux de la PJJ ont été plusieurs fois cadenassés et repeints. Aussi, l’occupation rapide du chantier de l’EPM de Lavaur la même année au cour de laquelle des dégâts matériels sont causés. En juillet‭ ‬2007,‭ deux engins incendiaires sont déposés sur le chantier de l’EPM de Chaucaunin dont l’un détruit partiellement la cabine d’une grue. On se souvient aussi de l’entartage en novembre 2008 de la sous directrice de l’EPM de Lavaur alors qu’elle participait‭ ‬à une table ronde à Toulouse dans le cadre ‬de la Journée Nationale Prison. Ou alors de nombreux tags, notamment sur la mairie de Porcheville en 2007 après un rassemblement devant l’EPM de cette ville ou début 2011 sur les murs de celui d’Orvault, à la suite du suicide d’un détenu, où l’on pouvait lire « L’EPM tue ». ‏

Plus récemment, le 5 juillet 2011, une dizaine de personnes pourrissent les locaux de la direction inter-régionale de la PJJ de Labège, recouvrant les murs, les bureaux et le matériel informatique d’un liquide composé d’urine et d’excréments. Le 15 novembre, suite à cette action, les gendarmes perquisitionnent sept lieux d’habitation dans la région de Toulouse, saisissant ordinateurs, téléphones portables, livres, affiches et bien d’autres affaires. Quatre personnes soupçonnées d’avoir participé au saccage sont placées en détention provisoire, une est mise sous contrôle judiciaire et une autre est tenue de rester à disposition du juge en tant que « témoin assisté ». Plusieurs actions de solidarité ont alors lieu ici et là dont une manif à Toulouse le 17 décembre ainsi que divers rassemblements, attaques visant la PJJ , ballades et tags (voir les communiqués reproduits ci-après) notamment à Poitiers, Lyon, Bordeaux, Montpellier, Milan, Bruxelles et Paris. Le 20 janvier dernier, une première personne emprisonnée dans le cadre de cette affaire est libérée, puis deux autres le 8 février, toutes trois placées sous contrôle judiciaire.

Jusqu’à ce que toutes les prisons soient rasées.

[Nb: Les 4 personnes incarcérées depuis l’intervention policière du 15 novembre 2011 ont été « libérées » (une le 20 janvier, deux autres le 8 février, et la quatrième le 16 février 2012.) Elles sont toutes les quatre sous contrôle judiciaire.]

[in italiano]

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Saccage ta cage !

Saccage-ta-cage-211x300Partout, chaque jour, des multitudes de personnes de tous âges sont jugées ingérables et inadaptées à la société et sont enfermées dans toutes sortes de bagnes. Des hôpitaux psychiatriques aux foyers, des maisons de retraite aux centres de rétention, des prisons aux camps de réfugiés… Les plus jeunes d’entre nous n’échappent pas à ce traitement : Établissements Pénitentiaires pour Mineurs, Centres Éducatifs Fermés, Établissements de Réinsertion Scolaire, Centres Éducatifs Renforcés, foyers pour « mineurs délinquants », gérés indifféremment par l’Éducation Nationale, l’Administration Pénitentiaire, la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), la DDASS ou encore l’Église. Loin de constituer une mesure d’exception, l’enfermement fait déjà partie intégrante du processus éducatif et normatif dont le but est de former les individus à devenir au choix citoyens, supplétifs de la police, soldats parmi les soldats de la grande armée du travail, domestiques au service des riches, etc.
Dans tous les cas, des esclaves.

On trouve déjà à l’école les conseils de discipline, les sanctions et les punitions, les exclusions, les bulletins de notes, les surveillants, la carotte et le bâton, les balances, les heures de colle, la hiérarchie, la morale, les grillages, les caméras et les haut-parleurs. La fausse opposition qu’on veut nous faire avaler entre éducation et enfermement des mineurs, entre écoles et prisons pour mineurs n’est qu’une carotte idéologique, une de celles qui sont vitales au bon fonctionnement de la domestication démocratique et capitaliste. Instruction et répression sont les deux faces du même dressage social.

Pas étonnant, face au sombre horizon imposé par la puissance normative de cette pédagogie autoritaire, qu’il se trouve des réfractaires à cette mise au pas. C’est ce qui s’est passé, parmi de nombreux exemples, en mai 2011 à la prison pour mineurs (EPM) de Lavaur (Tarn), où la quasi-totalité des détenus s’est mutinée et a commencé à saccager les cages avec rage. En appui à cette révolte à l’intérieur, à l’extérieur un groupe de personnes a décidé deux mois plus tard de se rassembler pour saccager les locaux de la PJJ (gestionnaire des EPM conjointement avec l’Administration Pénitentiaire) pour lui rendre un peu de sa violence.

Le 15 novembre, les sbires du pouvoir ont perquisitionné et saccagé en retour plusieurs logements à Toulouse à la recherche des auteurs de cette visite ravageuse. Quatre personnes ont été incarcérées dans le cadre de l’instruction. Qu’ils soient innocents ou coupables est le dernier de nos soucis, il est évident que le pouvoir a voulu frapper des personnes déjà connues pour avoir manifesté leur hostilité à ce système de mort. Ce qui importe, c’est de continuer la lutte, celle des mineurs enfermés comme celle de ceux qui tentent de la propager à l’extérieur. Ce qui importe, c’est de détruire cette société qui a besoin d’enfermer.

Feu à toutes les prisons
Solidarité avec les révoltés de la prison sociale
Dedans comme dehors.

Des anarchistes

[Tract trouvé dans les rues de Paris, décembre 2011]

[in italiano]

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Balade en solidarité avec les inculpé-es de Labège

Samedi 17 novembre à Paris, on était une trentaine de personnes bien décidées à exprimer notre solidarité avec les mutins de l’EPM de Lavaur, ainsi qu’avec les quatre compagnon-nnes incarcéré-es depuis la mi-novembre, accusé-es d’avoir trashé en écho à cette révolte, les locaux de la Direction Interrégionale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) à Labège, le 5 juillet dernier.

On a joyeusement diffusé le tract « les murs nous enferment, attaquons toutes les prisons« , qui a aussi été abondamment collé en affiche sur notre passage et, selon les moments, sorti une banderole (« de l’école à la prison : contre tous les enfermements« ).

On a également profité de cette balade pour laisser quelques souvenirs à différents flics sociaux rattachés à la PJJ (comme le Centre d’Action Educative de la PJJ, 25 rue Fontaine au Rois, Paris 11) et à la Direction Interrégionale de la PJJ (14 rue Froment, Paris 11). Ils ont pu découvrir leurs murs recouverts d’affiches et de tags (« PJJ=maton », « feu aux prisons », « crame ta geôle, saigne ton geôlier », « nik la taule », « matons, on vous aura », « de l’école à la prison liberté », « morts aux flics »).

Parce que leur justice est une machine à broyer les vies,
Parce que ce sont toutes les taules qu’il faut abattre,
Parce leurs murs n’arrêteront pas nos révoltes, liberté pour toutes et tous !

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Sabotage contre la PJJ et tous les enfermements

Parce qu’ils veulent nous enfermer, nous faire rentrer dans leurs normes, nous rendre dociles et rentables. Parce que nous sommes contre tous les enfermements. Parce que nous sommes solidaires de ceux qui luttent, à l’intérieur comme à l’extérieur, contre ce monde autoritaire et marchand.

Les nuits du 29 et 30 février nous avons voulu saboter le quotidien de différents charognards qui s’enrichissent grâce au business de l’enfermement et contribuent à lui donner un visage humain.

BLING ! La maison de la justice et du droit rue du Buisson Saint-Louis dans le 10ème a vu toutes ses vitrines défoncées.
PFFfffiii ! Les 32 pneus des camions et des voitures de l’association ATOUT BOIS avenue Anatole France à Pantin sont à plat. Des cadenas ont bloqué l’accès de l’ »Asso » quelque temps. ATOUT BOIS exploite des jeunes pris dans le collimateur de la PJJ en leur faisant faire du « Déménagement-Débarras-réhabilitation » dans le cadre de la « réinsertion par le travail ». Le foyer d’action éducative PJJ situé juste au-dessus, voie de la Résistance, qui accueille ces mêmes jeunes à vue sa porte bloquée ( serrures engluées et sa devanture taguée : « PJJ = MATON » et « LA REINSERTION C’EST L’EXPLOITATION ». On espère que « les jeunes en réinsertion » auront quelques jours de vacances !
Pshiiittt ! et au passage, rue Froment dans le 11ème, un des sièges de la PJJ à Paname, un tag  » LA PJJ ENFERME, CREVE LA TAULE » vient compléter un « PJJ=MATON » déjà inscrit sur le rideau de fer ; et de la bonne vielle colle dans les serrures !

Solidarité avec les inculpés de Labège !

des vilains petits k ’anars

Repris d’Indymedia

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Modeste contribution à la solidarité avec les inculpés de Toulouse – Contre toutes les prisons

Dans l’après-midi du jeudi 22 décembre, nous avons décidé/es d’amener la question de la prison dans la rue à l’endroit-même où se diffusent régulièrement des idées antiautoritaires depuis un bon moment maintenant. Une grande banderole a été posée sur le mur de grillage et de barreaux de la place du métro Belleville à Paris, sur laquelle était écrit « Détruisons toutes les prisons (A) » et des tracts ont été diffusés sur l’enfermement des mineurs, la situation de camarades incarcérés à Toulouse, la prison et la société carcérale en général. Une petite contribution facilement reproductible à toutes les échelles.

L’occasion aussi de discuter un peu de tout ça avec pas mal de passants curieux et intéressés, malgré la horde habituelle de zombies se rendant d’une contrainte à une autre sans même lever les yeux de leurs pieds d’automates.

Courage à toutes celles et ceux qui ne lâchent rien sur la planète maton.
Solidarité avec les révoltés de la prison sociale, dedans comme dehors.

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Bienvenue à Issy-les-Condés

Il faut croire que quelque chose les préoccupe, eux les garants de cette société putride. Depuis un moment, le béton qui coule à foison un peu partout a le mérite d’envoyer des signaux assez clairs sur les stratégies du pouvoir à l’œuvre. C’était le cas avec le nouveau super-ministère-de-la-guerre, ça l’était également avec le nouveau super-palais-de-justice, avec le super-plan-25 000-places-de-prison-supplémentaires, et avec le super-plan-1300 caméras…ça l’est encore avec cette nouvelle cellule cancéreuse qui vient de voir le jour : un nouveau super-QG-pour-les-gendarmes pour mieux nous en super-foutre-dans-la-gueule. Et on ne parle même pas ici de tout l’arsenal de lois votées pour renforcer le contrôle social, auquel toutes ces infrastructures ne sont qu’un accompagnement matériel et pratique.

Allez, faisons les présentations, même si certains personnages et leurs rôles nauséeux commencent à être connus: bon, à la pelleteuse et à la grue (en attendant la lanterne?) on retrouve, suspense…Eiffage, ou plus précisément sa filiale Eiffigen, assistée à la construction par la boîte Arte Charpentier Architectes. Alors que le commandement de ces pauvres pandores se trouvait entassé dans un modeste immeuble de la rue Saint-Didier dans le XVIe arrondissement, et éparpillé dans une multitude de poulaillers (Malakoff, Plessis-Robinson, Rosny-sous-Bois, Arcueil), voilà que ces matraqueurs assermentés vont pouvoir échafauder les détails de leur basse besogne depuis un seul et même quarter-général grand de 22 000 m2, situé juste à côté du Fort d’Issy-les-Moulineaux. Fort dont la construction avait été lancée par cette canaille patentée d’Adolphe Thiers, et où se déroulèrent en avril-mai 1871 de furieux combats entre les Versaillais et les combattants de la Commune de Paris. C’est notamment depuis ces nombreux forts périphériques que la ville insurgée se fera bombarder, en représailles de quoi la villa particulière de Thiers sera rasée au sol par les communards. Pour l’anecdote, c’est aussi sur ce site que se situait jusqu’à présent le bastion de la Direction Générale de l’Armement…Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à nos bergers à képi.

Au 1er février, ce sont donc 1300 gendarmes qui vont poser leur barda dans ce lieu symbolique, tous affectés à la direction générale d’une armée qui compte quelques 97 000 mercenaires, tandis que le directeur général restera dans ses bureaux situés au ministère de l’intérieur. Et une porte-parole de cette bande d’assassins de claironner, pas peu fière: «Le quartier du fort deviendra ainsi un des endroits les plus sûrs d’Île-de-France».

Outre les effets d’annonce, il s’agit d’une part de rassurer chaque petit soldat dont l’ensemble constitue le bras armé du pouvoir («voyez comme l’État s’occupe bien de vous, chers agents»), d’autre part de draguer une partie de la population encline à préférer la misère d’un taf de merde à celle du chômage (la gendarmerie recrute ainsi 10 000 agents pour 2012), et enfin de distribuer quelques bénéfices au secteur de la construction. Cette dernière place-forte sortant de terre constitue aussi une pierre de plus dans le vaste édifice répressif (que cette répression vise «l’ennemi étranger» ou «l’ennemi intérieur»), qui comme tout mécanisme a besoin de se renouveler et de fonctionner pour ne pas rouiller et continuer à s’engraisser.

Alors il faut bien comprendre ce slogan servi par les architectes du bunker :«Cette conception derrière sa façade futuriste symbolise la volonté de conjuguer le passé et la modernité» . Traduction : la perpétuation du vieux monde qui n’est que domination, se conjugue au présent, et avec des accents toujours aussi guerriers. Prenons-en acte.

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Feu et flammes à Grigny

Il serait harassant d’établir une chronologie exhaustive des multiples actes de conflictualité opposant les flics et les indésirables qui montrent les crocs dans le quartier de la Grande-Borne à Grigny (Essonne). Néanmoins, faisons un petit détour et regardons de plus près les traces d’une guerre sociale qui, là-bas comme ailleurs, fait rage.

En octobre de l’année dernière, une compagnie de CRS débarque dans la rue des Enclos, à la Grande-Borne donc, afin de protéger un chantier. Sur place, les schmits se font accueillir par une volée de balles de gros calibre, dont l’une avait laissé un bon trou dans leur véhicule blindé. Un avertissement clair: les forces d’occupation ne sont pas les bienvenues. Mais comme la police doit se sentir partout chez elle, le scénario était amené à se reproduire.

Le 24 décembre au soir, une équipe de la BAC de Juvisy en patrouille dans le même quartier se fait canarder par des tirs de plomb (fusil de chasse ou fusil à pompe). Début janvier, trois personnes soupçonnées par les flics d’avoir participé aux faits sont arrêtées, sans qu’on sache si elles ont été inculpées ou non.
Les hostilités reprennent autour du 10 janvier: au soir, un petit groupe bien motivé escalade les barrières en tôle qui entourent le chantier de démolition en cours place de la Carpe. Ils neutralisent ensuite le vigile accompagné d’un chien, et boutent le feu aux cabines d’une pelleteuse et d’une grue motorisée, pour des dégâts estimés à un million d’euros. Pas de chance pour les bétonneurs: les barrières en question avaient été spécialement conçues pour dissuader des intrusions. La flicaille débarque peu après, et reste sur place toute la nuit pour surveiller le chantier. Mais les heures sup’ ayant leurs limites, nos fonctionnaires quittent les lieux le lendemain matin. Manque de pot: juste après leur départ, c’est au tour d’une camionnette venue livrer une mini-grue de partir en fumée. Cette fois, les incendiaires anonymes son passés en mini-moto, balançant au passage quelques cocktails Molotov avec précision. Et comme on ne change ni une équipe qui gagne, ni des moyens efficaces, rebelote le jour d’après: en plein après-midi, les assaillants brûlent une bagnole de police censée sécuriser la zone, et parviennent à s’enfuir sans arrestation.

C’en est décidément trop pour nos urbanistes et leurs chiens de garde, qui sonnent la charge dans un journal parisien bien connu. Pour les premiers, il s’agit d’une «situation inédite […] Là, c’est la première fois que des engins brûlent. Le préjudice est très important», constate la directrice de Delair CFD (du groupe Vinci), l’entreprise en charge des travaux de démolition. Et d’ajouter: «Certes, il y a des assurances, mais la gêne est énorme, nous ne pouvons plus utiliser notre matériel, même si le travail continue. Cela fait partie des aléas dans les zones sensibles. Nous allons prendre des mesures.» Nous rafraîchirions volontiers la mémoire de cette crapule, en lui rappelant que ce n’est pas la première fois (ni la dernière, à n’en pas douter) que le Saint Outil de Travail mord la poussière dans le quartier. S’il n’en fallait qu’un exemple, le même type d’engin de chantier avait cramé dans le quartier en avril 2010, ainsi que des bus et pendant que la police se faisait caillasser, en réponse à une arrestation mouvementée.

Car les travaux dont il est question ici ne datent pas d’hier. Le quartier -construit en 1967 et classé en Zone Urbaine Sensible- est visé par un énorme plan de rénovation urbaine (PRU) établi en 2004, lancé en 2007 et prévu pour durer jusqu’en 2013. Il prévoit entre autres la démolition de quelques 350 logements afin de faciliter la construction d’une route permettant de traverser le quartier, dont le centre est aujourd’hui inaccessible en voiture. Tout ghetto étant par nature fermé, il peut être facile pour la police d’en contrôler les allées et venues depuis et vers l’extérieur, mais c’est une autre paire de manches que d’y pénétrer afin de s’en assurer le contrôle et la pacification. C’est ce que nous comprenons la plupart du temps que nous entendons les mots «désenclavement» et «ouverture sur le reste de la ville».

Il n’est pas inutile de rappeler le montant de 280 millions d’euros investi pour ces travaux pour comprendre l’inquiétude des flics et des urbanistes, dont les intérêts se rejoignent. Aussi un condé s’empresse de prendre le relais et de montrer les gros bras: « Ce chantier se déroule sur un point de trafic très connu de nos services. Ces voyous croient qu’en lançant des bouteilles enflammées ils vont empêcher un chantier voulu par l’État. Ils se trompent. Nous ne les laisserons pas faire et les travaux ne s’arrêteront pas, nous serons présents ». Notre commissaire insiste également pour préciser, en guise de réponse aux attaques incendiaires survenues les jours précédents: «Nous avons d’ailleurs interpellé cet après-midi un homme porteur de stupéfiants». Une belle prise Colombo !

À la création de la Grande-Borne, l’architecte définissait sa mission comme consistant à créer un «ordre caché derrière un désordre apparent». Gageons que le désordre offensif dont nous venons d’avoir un aperçu récent s’attache à détruire l’ordre apparent de tous les ghettos, qui sont autant de quartiers disciplinaires. Car ce n’est que sur les ruines et les cendres de leurs utopies urbaines que nous pourrons réaliser des vies vraiment libres.

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D’Aulnay à Clermont : nique la police

Mardi 10 janvier au soir, Abdel mourrait d’un arrêt cardiaque, suite à un énième contrôle policier au cours duquel il avait été menotté et mis au sol, lui et plusieurs autres personnes, dans le quartier Balagny à Aulnay. Les quelques déclarations pacificatrices du parquet et de la préfecture du 93, estimant «qu’il n’y avait pas eu usage de la violence au cours de l’interpellation» n’y ont rien changé, pas plus que la mobilisation de 80 flics sociaux (élus, agents municipaux, médiateurs, grands frères) afin de «restaurer le dialogue». La colère est là et bien là. Les nuits suivant le décès, la police est visée par des tirs de mortiers et des gros pétards, des poubelles et des voitures sont incendiées, jusque dans des cités proches à Aulnay et à Sevran (ville voisine). Plusieurs personnes sont arrêtées, la police se déploie en masse pour éviter une propagation de la révolte. Tout ça moins d’une semaine après la mort de Wissam El-Yamni à Clermont-Ferrand, tabassé à mort par les keufs lors de son arrestation pour jets de pierre. Là aussi, les poulets s’amènent à plus de 400, saturent le terrain avec deux hélicoptères en renfort, mais des dizaines de voitures et des engins de chantier partent en fumée en quelques nuits.

En plus du meurtre, le pouvoir y ajoute dans les deux cas le crachat par la voix des médias, fidèles laquais en toute situation: l’un des deux jeunes était «drogué et alcoolisé», l’autre «avait une malformation cardiaque». Tout est bon à prendre pour nier la responsabilité des flics, mais nous affirmons sans hésiter qu’il n’existe pas de contrôle policier se passant bien, ni d’arrestation sans violence, le contrôle étant en soi une violence mise en œuvre par l’État et ses mercenaires. De même nous sommes solidaires lorsque certains décident d’envoyer chier les appels «au calme et au recueillement» et passent à la vengeance, convaincus que ce ne sont pas de pieuses demandes de «justice et vérité» qui changeront quoi que soit à l’arrogance des flics ni à leur capacité bien réelle à contrôler et dominer nos vies, voir à les détruire. Rappelons-nous que la justice est l’institution qui nous condamne, nous incarcère, nous humilie, et qui couvre systématiquement les flics, demander la justice c’est donc donner le bâton pour se faire battre. S’il existe une «dignité» dans ces cas-là, elle ne consiste sûrement pas à organiser de gentils sit-in silencieux devant les commissariats, car c’est là que le pouvoir nous veut et nous attend, réclamant l’aumône à nos bourreaux, mais bien à se rebeller.

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Amiens : le choix des cibles

Nous nous permettons ici une petite et inhabituelle virée au-delà des murs délimitant la « banlieue parisienne » pour aller jeter un œil, pas très loin, sur un aspect de la conflictualité sociale amiénoise. Il serait en effet bien dommage de se priver bêtement de quelques faits riches en inspiration et en audace.

On commence donc par revenir un peu en arrière, mi-décembre pour être précis, à la prison d’Amiens. Un dimanche soir, un gros tas de matons (une vingtaine) s’apprête à pointer le nez dehors, leurs heures de travail devant être terminées. Tout à coup, c’est une volée de balles de gros calibre, probablement tirée avec un fusil à pompe, qui vient frapper la vitre blindée du poste de garde de l’entrée. Il s’en faut de peu pour que les geôliers ne se transforment en passoires, ce qui aurait été du plus bel effet, et le(s) tireur(s) s’en sort(ent) sans être interpellé(s). Aussitôt après, l’ensemble des syndicats de gardiens de prison condamnent l’attaque, en précisant au passage quelques faits intéressants : plusieurs semaines auparavant, une matonne s’était faite agresser à l’extérieur de la prison, puis sa voiture avait été incendiée, alors qu’elle était garée sur le parking situé au pied de la taule. Un autre gardien avait subi des menaces à l’extérieur des murs, venant de proches de détenus. Ces représailles faisaient suite à un changement de directeur à la prison d’Amiens, accompagné d’un resserrage de vis au niveau disciplinaire, et on peut dire qu’elles ont la pertinence du bon vieux dicton : œil pour œil.

Plus récemment, le 19 février, c’est une voiture de la police municipale qui est partie en fumée en plein dimanche après-midi dans le quartier d’Amiens-Nord, embrasant par ailleurs un break mitoyen. Les flics avaient laissé leur voiture sans surveillance pour aller patrouiller sur le marché d’à côté. Ni une ni deux, une quinzaine d’inconnus masqués boutent le feu à l’infâme véhicule, avant de chasser les flics à coup de pierres. Ces derniers ont du faire appel à des renforts, mais les joyeux incendiaires ont pu prendre la poudre d’escampette avant que la cavalerie lourde n’arrive. Les caméras de vidéo-surveillance avaient été détruites au préalable et des lampadaires avaient été mis hors d’état de fonctionner place du Colvert et square Gauguin.
En bref, un bien beau tableau, certainement loin d’être exhaustif…

[in italiano]

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Nouveaux coups de pression suite à un tract

Nous apprenons que deux procédures ont été ouvertes et confiées à la BRPD (Brigade de Répression de la Délinquance à la Personne, dans le XIIIe arr.) afin de trouver les auteurs du tract Correspondants de nuit : des agents de proximité de la guerre aux pauvres, diffusé depuis octobre 2010. Des menaces avaient déjà été proférées à ce sujet. Cette fois-ci, c’est le site « Retour à Belleville » (qui n’est plus mis à jour) qui est visé pour avoir repris le tract publié à l’origine sur Indymédia.

Après enquête, les flics ont décidé de convoquer le père d’un compagnon déjà mis en examen dans d’autres affaires, sous prétexte que celui-ci aurait transmis les identifiants wifi public Neuf à son fils, que ce dernier aurait utilisé pour publier le tract sur le blog.

Bien sûr, il s’agit d’emmerder le compagnon ; en s’attaquant à ses proches, les flics contournent ainsi son refus de collaborer à leur travail.

Le père du compagnon avait d’abord été convoqué par courrier. Puis les flics sont venus le déposer eux-mêmes dans la boite aux lettres, avant de passer aux coups de fil répétés, et en dernière instance, aux recommandés (rappelons qu’il n’est pas obligatoire d’aller retirer un recommandé à la poste).

Il a finit par se rendre à la convocation. Les flics lui ont posé un tas de questions sur ses connaissances de l’anarchisme, s’il se rendait sur le marché de Belleville, s’il y distribuait des tracts, etc…Puis ils lui ont fait lire le tract avant de lui demander son avis. Ils ont ensuite posé plusieurs questions sur son fils, auxquelles il n’a pas répondu. Suite à quoi les flics ont commencé les menaces : perquisitions à l’improviste chez ses amis (celui-ci ayant refusé de dire nominément qui utilise son ordinateur) et saisie du matériel informatique (« qu’ils ne sont pas prêts de revoir »), puis de s’attaquer au fils et à ses compagnons « déjà sur la sellette » dans d’autres affaires.

Depuis les flics ont appelé le compagnon sur son téléphone portable (en appel masqué), laissant un message : « Police judiciaire, convocation… »

Nous avons appris que la plainte venait nominativement des quatre correspondants de nuit qui apparaissent dans le tract et que l’accusation est « diffamation publique non suivie d’actes », du moins pour celle que nous connaissons.

Nous ne sommes ni paranos, ni apeurés, ni indignés par ces manœuvres politico-policières, finalement très banales. Il s’agit là d’une tentative d’isoler un compagnon, en essayant de faire le vide autour de lui, au sujet d’un tract qui à l’époque fut massivement diffusé, y compris dans la rue, par voie d’affichage et de tractage.
Cela ne doit pas empêcher tous ceux qui en partagent le contenu de continuer – ou de commencer – à diffuser ce tract toujours d’actualité, et de continuer à démasquer et à saboter le travail des correspondants de nuit, et de tous les agents de proximité de la guerre aux pauvres, chacun selon les moyens qui lui sembleront pertinents.

Quelques un-es des auteurs du tract.

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Patrick Huang a encore sauvé le monde

Jeudi 5 janvier, Patrick Huang, alias « Pat’ le vigilant » ou encore « Patou la justice » a encore sauvé Belleville d’une invasion barbare. Pour rappel, Huang est le patron du bar-tabac Le Celtic (20 rue de Belleville), contenant plus de caméras de vidéo-surveillance au M² que la banque de France, mais aussi vice-président de L’Association des Commerçants Bellevillois et organisateur d’émeutes racistes et réactionnaires à Belleville (cf. Lucioles n°4). C’est aussi lui qui recevait en juin dernier une délégation de costards-cravates de la préfecture de police pour discuter du renforcement policier dans le quartier.

Le jeudi 5 janvier donc, un de nos fins limiers, alors qu’il achetait des clopes, surprend une conversation secrète entre Patou Bronson et trois flics de la BST-Belleville appelés pour régler leur compte aux barbares. Celui-ci leur parle discrètement de ces « tunisiens et arabes » qui fument dans son bar (Patou a certainement oublié de leur mentionner que son bar possède une salle fumeur clandestine) et qui se battent tout le temps à l’intérieur de son troquet. Toujours là pour aider la police, qui le lui rend certainement très bien.

Mais rassure toi Patou, les balances finissent toujours par payer.

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Mutinerie sur le Paris-Lomé

Le 10 janvier, le ministre de l’intérieur annonçait, fier comme un coq tricolore, un record en matière d’expulsions de personnes dites «sans papiers», avec au palmarès des flics plus de 33 000 «reconduites à la frontière» pour l’année 2011. Ce monstre de Guéant se félicitait au passage des vertus de l’application de la dernière version de la loi en matière de politique migratoire, votée en juin dernier, qui augmente notamment la période d’enfermement en centre de rétention de 32 à 45 jours. Et il en profitait pour se fixer un nouvel objectif : atteindre les 35 000 expulsions en 2012…et donc augmenter encore la valse des rafles (à domicile, dans les transports, dans la rue et les administrations…), de jugements, de placements en CRA pour des durées de plus en plus longues, et de déportations par avion (avec le concours zélé d’Air France, Royal Air Maroc et compagnie).

Ce que ces chiffres n’évoquent pas, ce sont les multiples résistances qui viennent régulièrement enrayer la machine à expulser. Parmi les moyens d’action utilisables -et utilisés- se trouve le refus d’embarquer manifesté par des passagers lorsque les flics veulent utiliser l’avion comme une prison volante. C’est ce qui s’est passé le 6 janvier, à bord du Paris-Lomé qui devait décoller depuis Roissy. Les passagers voient les flics faire monter un homme, pieds et poings liés avec des cordes, ce que la police justifiera en disant que ce dernier s’était déjà rebellé. Devant la protestation de plusieurs d’entre eux, des renforts sont appelés (cinq cars remplis de flics de la police de l’air et des frontières-PAF), ce qui augmente encore la tension à bord. C’est ensuite le pugilat, échanges de coups entre les expulseurs et les quelques mutins, dont trois finiront arrêtés et jugés pour «entrave à la circulation d’un aéronef». L’avion est finalement parti avec du retard, et la personne expulsée. Mais ce type d’opposition concrète est loin d’être vaine, et les flics sont parfois contraints de renoncer. Qu’à cela ne tienne donc…

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Ça sent le brûlé : Chronologie de révoltes et évasions dans les prisons pour étrangers

Tandis que les frontières tuent chaque jour d’avantage, comme récemment au large de la Grèce et de la Libye, révoltes, évasions collectives ou individuelles et émeutes se sont multipliées dans les centres de rétention, en France, en Italie ou ailleurs encore.

Au centre de rétention de Vincennes, dans la nuit du 5 au 6 décembre 2011, une vingtaine de personnes s’enferme dans une chambre pendant plusieurs heures pour empêcher l’expulsion de deux d’entre elles. Condamnés à 3 mois de prison avec sursis et 3 ans d’interdiction du territoire français, l’une sera expulsée quelques jours plus tard et l’autre libérée. Le 4 novembre déjà un incendie avait brûlé une partie d’un bâtiment.

Malgré la répression, la situation reste conflictuelle dans de nombreux centres. À Turin (Italie) entre le 19 et le 20 décembre 2011, un retenu passe 48 heures sur le toit du centre d’identification et d’expulsion (CIE) pour résister à son expulsion. Pendant ce temps, la solidarité s’exprime dedans comme dehors.
Le 22 décembre, un incendie ravage totalement le local de rétention de Bastia. Un sans papiers qui y était alors enfermé est condamné à 6 mois de prison ferme. Il est actuellement au centre de détention de Borgos.
24 & 25 décembre 2011 : à Bologne (Italie) plusieurs personnes tentent de s’évader du CIE, mais une seule y arrivera, tandis qu’à Turin elles sont une vingtaine à y parvenir. Certaines seront malheureusement rattrapées. À Rennes, un sans papiers se fait aussi la belle du centre de rétention de Saint-Jacques-de-la-Lande.

Toujours à Turin, une émeute éclate et 6 personnes parviennent à s’évader du CIE la nuit du 31 décembre. Une est reprise par la police.

En cette nouvelle année le monde reste à changer : des feux d’artifice et des rassemblements devant les taules expriment la rage et le rejet des prisons dans des villes du monde entier.

Le 6 janvier 2012, en Ukraine, une soixantaine de personnes enfermées commence une grève de la faim pour demander leur liberté. Quelques jours avant, un sans papiers meurt dans la prison pour étranger de Barcelone (Espagne).

Le 13 janvier, les juges de la cour d’appel de Paris condamnent six personnes sans-papiers à des peines allant de 6 à 30 mois de prison ferme suite à la révolte, qui, le 22 juin 2008, a abouti à la destruction du centre de rétention de Vincennes. Le lendemain 150 personnes manifestent devant le centre aux cris de « Liberté ! ». (Cf. Texte suivant)

À Milan (Italie), une émeute éclate le 15 janvier dans le CIE et une aile entière est détruite par le feu. 27 personnes qui y étaient enfermées sont arrêtées et emprisonnées en attente d’un procès.

Une semaine plus tard, à Turin la justice condamne à des peines allant de 5 à 10 mois ferme les 10 harragas (ndr: sans papiers tunisiens) arrêtés suite à la révolte qui avait éclaté le 22 septembre 2011 dans le CIE et permis à une vingtaine de personnes de se faire la belle.

Le 20 janvier, plusieurs centaines de personnes manifestent à Barcelone contre ces prisons.
Enfin, dans la nuit du 21 au 22 janvier, au centre de rétention de Saint-Jacques-de-la-Lande, près de Rennes, un incendie se propage en détruisant une partie de la prison tandis que plusieurs personnes tentent de s’évader sans y parvenir. 4 personnes seront poursuivies et 3 condamnées à 5 et 2 mois de prisons ferme et 5 ans d’interdiction du territoire français.

Dans les centres, la durée de l’enfermement varie selon les pays : 45 jours en France, 18 mois en Italie… Le maintient de l’ordre se fait entre autre à grand renfort de tranquillisants et médicaments. Quel que soit le nom qu’elles portent (Centre de rétention administrative en France, Centre d’identification et d’expulsion en Italie, Centre d’internement pour étrangers en Espagne), ces prisons pour étrangers sont un des rouages de la machine à expulser. De lois en décrets, celle-ci ne cesse de se perfectionner, visant à nous soumette tous toujours un peu plus aux exploiteurs et aux chefs de tout poil.

Pour nous, il ne s’agit pas de demander des conditions d’enfermement plus justes. Parce qu’un jour passé en prison est toujours un jour de trop, nous ne voulons pas une durée d’enfermement plus courte : nous voulons que ces lieux disparaissent.

Parce que l’État cherchera toujours à entraver la liberté et la révolte, la critique de l’enfermement ne peut se détacher d’une attaque globale de ce monde pétri d’exploitation et d’oppression, quadrillé de frontières et de nations.

Solidarité avec les révoltés et les incendiaires […] !
Liberté pour tous & toutes, avec ou sans papiers !

[Texte d’un tract qui tourne depuis quelque temps, distribué à Belleville]

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Retour sur la manifestation contre le CRA de Vincennes

Le samedi 14 janvier 2012, environ 150 personnes se sont retrouvées à Vincennes pour aller manifester contre les centres de rétention. La veille, six personnes sans-papiers avaient été condamnées en appel à des peines allant de 6 à 30 mois de prison ferme suite à la révolte incendiaire qui, le 22 juin 2008, a abouti à la destruction de ce même centre de rétention.
Peu après le départ de la manif, qui s’installe sur toute la largeur d’une avenue, quelques flics en tenue anti-émeute essayent tant bien que mal de barrer le passage, en vain. Les manifestants les débordent et continuent leur marche pour se rapprocher au plus près possible de la prison pour étrangers, tandis que les flics se mettent à courir sur les côtés pour se regrouper plus loin et stopper l’avancée du cortège.

Une première halte d’une demi-heure sur le côté du centre de rétention situé le long de l’autoroute, le temps de s’époumoner: «Feu, feu, aux centres de rétention ! Feu à toutes les prisons !», «Flics, matons, assassins !», «Liberté pour tous, avec ou sans papiers !», «Pierre par pierre, mur par mur, détruisons toutes les prisons !», cris auxquels répondent les retenus. Pas mal d’enthousiasme, et après quelques retentissants pétards et quelques fumigènes lâchés, les manifestants repartent dans l’autre sens, suivis par une ligne de policiers.
La manif contourne la prison pour tenter de s’engouffrer sur le parking séparant le CRA de l’hippodrome. Les flics réagissent vite et empêchent la progression, entraînant au passage quelques coups de part et d’autre, puis barrent les voies de sortie. Alors que les slogans continuent de résonner, la nasse policière se resserre progressivement, tandis que des civils visionnent les vidéos prises par leurs collègues afin de trier les personnes à extraire et à arrêter en priorité. Les flics de la bac commencent alors de brutales entrées dans la nasse pour attraper les manifestants ciblés, à coup de gazeuses et de matraques. Malgré la solidarité et la détermination des autres, trois personnes sont extraites et embarquées à part.

Elles ont été placées en garde-à-vue, sous les chefs d’inculpation : «participation à un attroupement armé, violences sur agents et dégradations de biens privés.» Le reste du groupe, une centaine de personnes à ce moment-là, a été embarqué dans deux cars et emmené dans le nouveau commissariat situé rue de l’Évangile dans le XVIIIe arrondissement [commissariat dont nous avions parlé dans le texte «La pantoufle et le marteau» dans Lucioles n° 5]. Tout au long du transfert des discussions ont lieu pour imposer aux policiers de pouvoir sortir ensemble et de ne donner qu’oralement les identités, ce qui sera obtenu. Tout le monde se retrouve ensuite parqué dans une cour extérieure entourée de barbelés et séparée en deux. Ce commissariat, qui abrite la direction de la police ferroviaire, a déjà servi pour des opérations de contrôle d’identité massives (rafles, manifestation…).

Après cinq heures aux mains de la police, les manifestants peuvent sortir. Les trois personnes placées en garde-à-vue sont passées en comparution immédiate au TGI de paris le 16 janvier, puis ont été remises en «liberté» sous contrôle judiciaire, avec une date de renvoi en jugement au 27 février. A noter qu’un rassemblement de solidarité s’est tenu devant le tribunal, lui aussi dispersé par les keufs.

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Au royaume des aveugles…

Ainsi nous devrions nous habituer à vivre sous le regard inquisiteur des 1300 caméras qui sont actuellement en cours d’installation dans tous les arrondissements de Paris. Les 201 premières caméras de ce projet, poétiquement nommé le PVPP (Plan de vidéo-protection de Paris) adopté dès 2009 par le Conseil de Paris sont entrées en fonction depuis le 21 décembre dernier, inauguré en grande pompe par Fillon au commissariat central du XXe à Gambetta.

Pour rappeler brièvement les chiffres, en plus des 10 000 caméras dont disposait déjà le réseau de transport d’Ile de France (SNCF et RATP), les 1100 caméras du réseau de surface balayeront quasiment chaque coin de rue d’ici l’été 2012. Il faut encore y rajouter près de 2000 caméras privées appartenant à des sociétés sous contrat avec l’État (pour les citer : Forum des Halles, Palais des congrès, Parc des expositions, Carrousel du Louvre, Musée du Louvre, Stade de France, Parc des Princes et magasins Printemps). De plus, grâce à un énorme réseau de fibre optique, les images pourront maintenant être traitées depuis chaque commissariat d’arrondissement par des agents formés à cet effet. Elles iront évidement rejoindre aussi les salles de contrôle de chaque tentacule de la pieuvre étatique, à savoir les préfectures et différents services de police et de renseignement ainsi que la salle de crise du ministre de l’intérieur.

Aussi, comme on ne les désigne jamais suffisamment du doigt, signalons que le chantier colossal de ce projet a été effectué en partenariat avec un consortium privé constitué des sociétés INEO et CITELUM, respectivement filiales de GDF SUEZ et de VEOLIA pour un coût total de plus de 150 millions d’euros. Les véritables cannibales que sont ces multinationales salivent toujours abondement dès que l’État fait éclore quelques appels d’offre juteux, aussi ignobles soient les intentions du projet tant qu’ils sont rentables.

En ce qui concerne cette première vague d’installations ce sont surtout les quartiers riches qui sont placés sous surveillance, cependant à terme, il est prévu que la répartition soit à peu près égale entre tous les arrondissements. Que signifie donc d’avoir sur les épaules le possible regard d’un flic planqué derrière son bureau ? Déjà lorsqu’on en frôlait un de trop près, avec un air qui semblait ne pas lui convenir, il nous toisait suspicieusement, épiant l’infraction. Faudrait-il qu’on doive la sentir maintenant partout cette sale gueule puante, toujours aux aguets, attendant de nous prendre la main dans le sac ?

Voilà la société dont ils rêvent, même plus besoin de religion pour intimer aux consciences la bonne conduite, la surveillance y suffit. Certes les caméras ne datent pas d’hier, mais leur prolifération nous rapproche encore plus du rêve de ces grands utopistes du totalitarisme : vivre avec un flic dans la tête. Ce système voyeuriste sera également doté d’une bien meilleur mémoire. Dorénavant les images seront conservées pendant 30 jours et dans le cadre d’une enquête elles pourront aussi être stockées dans un coffre-fort électronique à la suite d’une réquisition judiciaire.

Des plans contenant les emplacements de toutes ces caméras sont disponibles sur le site de la préfecture. Il y a mille moyens d’échapper à leur contrôle et mille moyens de les défoncer. On pourra retrouver quelques techniques parmi d’autres dans Lucioles n°2.

Crevons les yeux de l’État.

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Vandalib’ !

Lancé en grande pompe début décembre pour assurer une large publicité au milliardaire Vincent Bolloré (concepteur et propriétaire du dispositif Autolib) ainsi qu’à la Mairie de Parie, qui désirait elle se trouver un nouveau gadget à agiter sous les yeux abêtis de nouveaux -et potentiels nouveaux- habitants, il semble que le comte de fée rêvé par les canailles sus-nommées ne soit pas en voie de réalisation. Et à part eux, qui s’en plaindra?

Nous sommes nombreux à avoir à l’esprit un précédent, nommé Vélib’ (propriété de JC Decaux), qui répondait aux mêmes critères, à savoir faire du fric et allécher le bobo parisien sensible aux perfides mélodies du capitalisme repeint en verdâtre. Et c’est d’ailleurs avec une incommensurable délectation qu’on s’est vite rendu compte qu’une autre sorte d’accueil, moins enthousiaste, avait été réservé à cette marchandise sur deux-roues, destinée, comme tous les «moyens de transports» à nous trimbaler de nos cages à poules au turbin, et du turbin au supermarché. Vols, tags, crevaisons de pneus, cadres tordus ou pétés, casses diverses et variées, tout était -et demeure- bon pour faire des cheveux blancs à nos chers promoteurs et vendeurs, tout en se faisant plaisir soi-même au passage.

Aujourd’hui, c’est le même sourire ironique et malicieux qui illumine, l’espace d’un instant, notre visage lorsque nous apprenons que le nouveau hochet à la mode -sur quatre roues celui-là, donc- subit les mêmes avaries. Malgré le fait que quelques 7 500 personnes aient fait le choix de s’abonner au dispositif, de nombreux bâtons sont venus se glisser dans les roues, et pas seulement, de la bagnole-qui-prétend-rendre-libre: vitres pétées, coups de pieds dans la carrosserie et sur les rétroviseurs, pneus crevés, portières fracturées font que 50 voitures sur 300 sont régulièrement hors-service. Si nous disons cela, ce n’est pas seulement par passion du sabotage et du vandalisme diffus -qui dans ces cas-là ne sont jamais «gratuits»- mais aussi parce qu’il nous plaît de savoir qu’un mafieux aussi respectable que Bolloré, et d’une pierre deux coups la mairie de Paris, puisse perdre du blé, et que ses rêves de montagnes de fric puissent se transformer en cauchemar, même si malheureusement nous sommes encore loin du compte. Car ce cuistre, qui se vante de sa «voiture respectueuse de l’environnement», n’est pas seulement propriétaire de grands groupes de presse, ni d’infrastructures gigantesques au service du capitalisme, notamment des grands ports de commerce et de chemins de fer en Afrique ; notre touche-à-tout-ce-qui-peut-rapporter-du-pognon a également les plus grands intérêts dans la production, l’exploitation et la transformation du lithium, matériau utilisé pour la fabrication des batteries avec lesquelles fonctionnent les voitures électriques (à raison de 5 à 15 kilos par auto)…qu’il produit et vend. C’est donc notamment pour rentabiliser ses quelques 1,5 milliards d’euro d’investissement dans Autolib’ (dont 100 millions au départ, plus 80 millions par année de fonctionnement) que ce gripsous court régulièrement en Bolivie pour transformer des déserts de sel en usines à produire du carbonate de lithium, lithium dont le prix à la tonne est passé de 260 à 2 300 euros en cinq ans. On comprend le désintéressement inhérent à la conversion au «développement durable», sans compter que, par la force des choses, ces joujoux sont branchés au réseau électrique, donc au nucléaire. Quand on sait par ailleurs qu’EDF est copropriétaire de la boite qui fabrique les batteries au lithium, le compte est bon !

Alors si un responsable se réjouit du fait que «Les Autolib ne sont pas encore attaquées à coup de battes de baseball», il n’en reste pas moins qu’un simple phare brisé suffit à renvoyer ces dernières à l’atelier, avec de coûteuses réparations en plus. Un jeu d’enfants en somme.

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