Retour à Belleville

Retour sur la récente flambée sécuritaire, réactionnaire et raciste à Belleville

Témoignages, textes et analyses collectés, recueillis et diffusés par des anarchistes du quartier pour que ce genre de choses n’arrivent plus et pour que d’autres émergent

Le 20 juin 2010, avait lieu dans le quartier de Belleville (Nord-Est de Paris) une manifestation pour la « sécurité », organisée par diverses associations censées représenter la « communauté asiatique » pour demander aux autorités le renforcement d’un arsenal répressif qui nous pourrit déjà la vie (plus de flics, de caméras, de sanctions etc.). Durant cette manifestation, des échauffourées ont éclaté dans le quartier entre des centaines de manifestants contre la police, accusée de mal faire son travail, puis après le départ programmé de celle-ci, contre quelques gamins isolés et identifiés par la vindicte populaire comme des « voleurs » à punir par des critères tels que la tenue vestimentaire et la couleur de peau.

Les quelques textes recueillis ici sont des analyses de la situation dans le quartier, sur fond de tensions communautaires, ainsi que des tracts et affiches diffusés et collées aux alentours par quelques anarchistes antagonistes. En réaction à ces évènements d’abord, mais aussi dans l’espoir d’ouvrir de nouvelles perspectives pour la guerre sociale ici comme ailleurs, pour que la haine se retourne contre ceux qui nous dominent au quotidien, qu’il s’agisse des flics et des patrons ou de tout autre représentant officiel ou informel de l’autorité capitaliste, étatique, communautaire, religieuse et patriarcale ; qu’elle ne serve plus à nourrir les intérêts des ennemis de la liberté pour tous par le biais de la guerre entre exploités.

Sommaire

Réflexions à chaud sur les émeutes réactionnaires de Belleville (texte publié le soir du 20 juin 2010, quelques heures après la fin de l’émeute, sur le site
« Base de Données Anarchistes »)
A Belleville comme ailleurs… (texte trouvé en juin 2010 sous forme de tract et d’affiche sur les murs et dans les rues de Belleville)
Non, vraiment, t’aimes ton quartier ? (tract trouvé dans les rues de Belleville à Paris, juillet 2010)
Aprés la vague… (texte d’analyse sur la situation à Belleville, son histoire, et retour sur les événements récents ainsi que sur l’agitation anarchiste autour de ceux-ci)
Au hasard des promenades murales (photographies de quelques inscriptions murales apparues depuis le 20 Juin)
Qui sommes-nous ?


Réflexions à chaud sur les émeutes réactionnaires de Belleville

En revenant d’une balade très peu champêtre, nous nous rendons dans le quartier de Belleville à Paris. Quelques heures plus tôt, une manifestation y avait démarré pour dénoncer, selon les mots des organisateurs : « Les violences chroniques dont est victime la communauté chinoise ». En cause : des vols de sacs, agressions, dépouilles. Une manif aux relents bien réactionnaires, comme en témoignent les slogans criés et inscrits sur les banderoles et pancartes : »Sécurité pour tous », « Vive la citoyenneté », « Stop la délinquance », drapeaux français, chinois et européens, hymne national. On ne comprend pas bien de quelle violence il s’agit (ayant plutôt l’habitude de phénomènes de violence intra-communautaire dont nous parlerons plus tard), mais nous comprendrons plus tard ce qui se cachait derrière cette manifestation.

Après la fin officielle de la manif, l’ambiance est très chaude sur place, des gens sont attroupés, des camions de flics arrivent en masse. On entend à droite à gauche des bruits de casse, puis un torrent de violence se déchaîne sur les flics, attaqués à mains nues et au corps à corps par des centaines de personnes, qui leur jettent œufs, pierres et bouteilles de verre. Des voitures sont retournées, des CRS se font charger et sont obligés de reculer.
Face à ce déchaînement de violence anti-flic, nous hésitons à entrer dans la danse, mais nous attendons, par « prudence éthique ».

Tout d’un coup, les gens se mettent à courir. Nous pensons que tout le monde fuit une énième charge de keufs, mais nous nous rendons très vite compte qu’il s’agit d’autre chose. Des manifestants étaient en train de poursuivre des gamins, qu’ils ciblaient « noirs et arabes », en leur lançant des bouteilles de verre. Un des gamins tombe à terre, et tente de se réfugier sous le perron d’une porte. Courant à leurs côtés, nous devons alors calmer la fureur des lyncheurs. Ceux-ci lâchent prise, cette fois-ci. Nous comprenons, en écoutant les conversations : que « les flics ne faisant pas leur travail, et laissant les voleurs en liberté, les manifestants auraient décidé de prendre l’affaire en main et de se venger eux-mêmes ». Nous comprenons aussi que tout serait parti du vol du sac à main d’une manifestante par un gamin du quartier, puis de la tentative des manifestants de livrer le gamin aux flics, qui n’en auraient pas voulu. C’est à partir de là que les manifestants ont déchainé leur violence contre les flics. Une violence sans retenue, comme on a pas l’habitude d’en voir. Une violence pour punir les flics de ne pas assez bien faire leur boulot.

Les flics décident de battre en retraite, en noyant la place sous un épais nuage de lacrymo tiré dans le tas. C’est plus d’une cinquantaine de cametards de flics qui disparaissent en un clin d’œil, au moment même où la violence commençait à atteindre un pic. Clairement, les flics ont décidé d’abandonner la place, pour laisser se dérouler des violences inter-communautaires, alors qu’une heure plus tôt, c’est contre les flics que tout le monde s’acharnait. Se crée alors un ballet entre trois à quatre cent membres de la communauté chinoise et quelques gamins noirs et arabes, parfois passés à tabac au sol par plusieurs dizaines de personnes, accusés à la va-vite d’être des voleurs, sous les yeux assoiffés des journaflics ayant flairé l’odeur du sang et des gros titres, en bon charognards qu’ils sont. Mais précisons qu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, rien n’est encore sorti de précis dans les médias sur ce qu’il s’est réellement passé. Nous avons pu observer des sortes de milices improvisées, réunissant plus d’une centaine d’asiatiques, allant dans la cité voisine pour casser du noir et de l’arabe, dans une chasse à l’homme rappelant les pogroms.

Durant ces émeutes, nous avons ressenti chez les émeutiers chinois une haine farouche contre les « voleurs ». Par exemple, après qu’une voiture banalisée de flics fut renversée, et son gyrophare coupé, des personnes ont commencé à fouiller dans le coffre, immédiatement prises à partie et lynchées car accusées d’être des voleurs, par les mêmes personnes qui avaient retourné la voiture. Autant dire que l’incompréhension nous gagne à ce moment.

Cette chaude après-midi, et les évènements qui l’ont marquée, semblent préfigurer un scénario de guerre civile qui se développe de-ci, de-là en ces temps de « crise ». L’attitude de la police vient confirmer cette impression, elle qui a quitté les lieux au moment où elle sentait que la rage à son encontre était en train de remplacer la haine ethnique entre les gens. Nous pouvons imaginer que pour le préfet une bonne émeute raciste est préférable à une émeute tournée contre les flics, et autres symboles de l’État et du capital (banques et autres McDonald’s sont restés intacts).
Au fond, quel besoin d’une présence policière dans une émeute contre des « délinquants » ?
Précisons que toutes les semaines, des chinois se font rafler par dizaines par les flics, et ce dans l’indifférence générale, sans qu’une seule manifestation aussi importante ne soit appelée. De même, jamais nous n’entendons une quelconque protestation contre l’exploitation de chinois par d’autres chinois. Cette violence-là, celle de l’exploitation, n’est jamais dénoncée.
Impuissants et tristes face à ce spectacle infâme, nous tenons tout de même à exprimer quelques positions claires.

Cette journée a prouvé que toutes les émeutes ne sont pas bonnes, malgré ce que peuvent en penser les quelques hooligans et nihilistes qui y croient encore, par leur apologie de la guerre civile.
En outre, nous croyons qu’il est nécessaire de déserter les guerres entre pauvres, entre ethnies et entre toutes les communautés imaginaires, entre tous les rôles sociaux tout aussi imaginaires : « honnêtes travailleurs chinois » contre « voleurs arabes ».
La guerre sociale n’est pas la guerre de tous contre tous, mais la guerre qui de tout temps a opposé la domination à tous ceux qui ne la supportent pas.

Encore et encore, il faudra nous battre contre les cancers nationalistes, ethniques, communautaristes, religieux et politiques.

Des anarchistes.

[Texte publié le soir du 20 juin 2010, quelques heures après la fin de l’émeute, sur le site
Non-fides.]


A Belleville comme ailleurs…
Sur un air de guerre civile

Il y a peu, le 20 juin à Belleville, une manifestation organisée par des associations chinoises et soutenue par la mairie du XXe arrondissement (PS), appelait les forces publiques à renforcer les mesures de sécurité et de contrôle dans le quartier (plus de flics, plus de caméras…) sur fond de tensions inter-communautaires (fusillade, agressions…). Ce qui est mis en avant, c’est que la communauté chinoise serait particulièrement visée, selon les manifestants, par la délinquance, en insistant sur le fait que celle-ci viendrait surtout des noirs et des arabes. Ainsi, prétextant un vol de sac par « un délinquant », des affrontements éclatent, à dix contre un, contre des enfants du quartier désignés comme des « voleurs », qui se font alors lyncher à terre sous la bienveillance de la police qui a déserté la place en ayant tout à fait bien compris la situation.

Dans ce quartier qu’on nous a toujours vendu comme un berceau du cosmopolitisme et de l’ouverture multi-culturelle (« le melting-pot bellevillois »), ce qui a éclaté ce jour-là ce sont les images réelles de la fermeture communautaire et de l’absence totale de métissage. Il suffit de se balader dans le quartier pour constater que juifs, français, arabes, bobos branchés, chinois et noirs ne se mélangent pas. Ce sont des décennies d’hypocrisie anti-raciste et humaniste qui explosent d’un coup, laissant éclater au grand jour toute la haine larvée, le racisme et le mépris des uns envers les autres que la gauche bien-pensante a toujours voulu cacher de force à coup de propagande citoyenniste et sécuritaire.

Mais lorsque nous entendons parler de communautés, ethnies, nations religions, patrie, de citoyens et de délinquants, d’honnêtes gens et de voleurs, d’immigrés réguliers et de sans-papiers, nous ne voyons que la volonté de diviser et séparer les individus entre identités imaginaires afin d’universaliser la mainmise de l’État et le règne du capitalisme plutôt que de la liberté. Il nous parait clair, à nous qui voulons supprimer l’État, les frontières, les prisons, l’exploitation, les dominations sexistes et racistes ainsi que le monde qui les produit, qu’il faudra bien s’unir, du moins trouver des terrains d’entente entre des individus librement associés pour détruire cette société qui nous détruit.

Arabes, chinois, renois ? Rien à foutre.
Nique les patrons, la police, la justice, l’État, ses frontières physiques et mentales !
Refusons la guerre entre pauvres, et que la guerre sociale vienne à bout de ce sale monde.

Quelques anarchistes et sans patrie du quartier.

[Trouvé en juin 2010 sous forme de tract et d’affiche sur les murs et dans les rues de Belleville.]


Non vraiment, t’aimes ton quartier ?

Dans ce monde où tout ressemble de plus en plus à une prison (prisons, hôpitaux psychiatriques, maisons de retraites, écoles, supermarchés, temples en tout genre, centres de rétention, transports, usines, urbanisme concentrationnaire, parcs et aires de jeux, logements, administration, etc.) il y a plusieurs choix possibles : la révolte et la lutte contre cet existant qui nous étouffe, la résignation, l’indifférence et la réappropriation des rapports de domination qui régissent cette société.

Se réapproprier la merde, c’est par exemple être fier de ta taule (avec barreaux) de ton quartier (sans barreaux), de ton petit bout de trottoir, de ton boulot de merde, ton « identité » et même de choses totalement anodines ou qu’on nous a collées sur la gueule à la naissance comme la couleur de peau, le nom, les origines, le sexe ou le genre. « 9.3 en force ! » « Fleury-Merogis nique tout ! » « La France aux français ! » « Black Power ! » « Fier d’être juif ! » « Girl power ! » « Corsica nazione ! ». A chacun sa petite fierté identitaire à mettre en concurrence avec celle des autres.
Autant de mécanismes aussi petits et cons que la prétention à l’intégration pseudo-universaliste des républicains, autant de particularismes remplaçant ton individualité en te donnant l’impression de vivre par autre chose que par toi-même. Autant de choses pour nous faire oublier que nous sommes des humains, tous autant que nous sommes, et que nous vivons tous dans le même monde, ce monde de merde.

Ce qui nous différencie les uns des autres, qui nous sépare souvent, nous relie aussi, ce sont nos choix individuels que nous faisons sans l’aide de quelconques directeurs de conscience et sans être déterminés par quelques facteurs « socio-culturels » à la con. Nous entendons être bien plus que du gibier à sociologue et nous ne voulons plus fonder notre cause sur d’autres choses que sur nous-mêmes, ces choses qui nous asservissent comme les frontières, les genres, les communautés, les corporations, les religions, les ethnies, les nations, les patries…

Le 20 juin dernier, des milliers de T-shirts « J’aime Belleville » (avec au dos « Sécurité pour tous » en français et chinois) étaient distribués dans tout le quartier et portés par des habitants de façon joviale et irréfléchie dans une grande messe dominicale de la franche connerie citoyenne, sécuritaire et communautariste. Autant dire que notre sentiment face à cela fut le dégoût, et nous ne parlons même pas des lynchages racistes que nous avons déjà évoqués ailleurs et dont on a déjà discuté ici-même, si tu te souviens.

Au fait, t’aimes quoi au juste dans ton quartier ? Les flics qui jouent aux cow-boys, leurs caméras à tous les coins de rue, l’exploitation, les taudis pourris qu’on te loue la peau du derche, le vigile du ED de la rue de Belleville qui te tripote en permanence, les barres d’immeubles qui te barrent l’horizon, le gardien qui t’ordonne de bouger ton cul parce que le parc va fermer, les cafés pour riches qu’on te refourgue au prix d’un repas de pauvre à cause de l’invasion des bobos et autres artistes branchés accrédités par la mairie de Paris pour laver le quartier des pauvres comme nous, cette saleté de came qui nous endort, nous empêche de nous révolter, qui inonde les rues et fournit aux flics une bonne raison pour justifier leur immonde présence, ces tacherons de contrôleurs RATP et leurs têtes à claques, les poucaves et les indics qui te vendent aux condés à la moindre occasion de se faire bien voir ou de se racheter un casier, ces gros bâtards de politiciens et d’éducateurs qui viennent te faire croire qu’ils sont tes amis et qui t’envoient les keufs dés que t’as le dos tourné, les journaflics qui viennent te filmer comme dans un zoo pour montrer leur image du bon pauvre qui bronche pas et qu’en est fier ; ou peut-être bien que ce que t’aimes dans ton quartier, ce sont les rafles de sans-papiers dans la rue, les transports, à la CAF, à la sortie de l’école, et la chasse à l’homme permanente contre biffins et marchands ambulants ? En gros le même merdier qu’ailleurs.

Belleville comme tout autre quartier, c’est avant tout un gros tas de cibles à attaquer et à défoncer, de flics à dérouiller, de frustration sociale et de colère à exprimer et d’exploiteurs à dépouiller ; et toi tu voudrais te réapproprier tout ca ? En être fier et le revendiquer ?
Non, vraiment, respire un bon coup, réfléchis un peu avec tes tripes et ton cœur plutôt qu’avec l’idéologie du 20H et choisis ton putain de camp face à la domination.

Réapproprions nous la guerre sociale plutôt que de la subir en victimes.

Battons nous pour un monde de liberté plutôt que pour un bout de trottoir occupé.

Quelques anarchistes et sans-patrie du quartier.

[Tract trouvé en juillet 2010 dans les rues de Belleville, à Paris.]


Après la vague…
Réflexions sur une récente poussée communautaire et sécuritaire

Beaucoup de bruit pour pas grand chose, penseront certains. L’encre a en effet abondamment coulé depuis l’émeute du 20 juin à Belleville, et les phénomènes qui y ont brutalement surgi.

Des témoignages assez complets de ce qui s’est passé ce jour-là ont été publiés dans la foulée, accompagnés d’un certain nombre de remarques critiques plus ou moins pertinentes.
Nous n’insisterons pas sur les commentaires des inévitables flics de service cherchant à savoir si les présumés auteurs de tel ou tel texte habitent ou non le quartier de Belleville (avec en arrière pensée la volonté de dire que ces textes n’ont pas la légitimité suffisante), ou affirmant de façon tout à fait scandaleuse que les tracts n’avaient pas été diffusés, et que les affiches n’étaient visibles nulle part dans le quartier. Chacun est capable de se faire un point de vue sur la question, et nous n’allons pas nous enfermer dans une petite quéguerre pour décerner la médaille d’or du meilleur « travail de terrain », que nous laissons volontiers à ceux qui tiennent encore à se définir comme militants.
D’autres questions ont par contre été formulées, posant des problématiques bien plus intéressantes.
Évoquons rapidement, pour commencer, la question émeutière.

Dimanche soir, alors que les affrontements étaient en cours à Belleville et que les lynchages se poursuivaient, des messages sont apparus sur internet, disant à peu de chose près : « les Chinois ont chassé les flics et tiennent la place du métro Belleville, pour la première fois depuis longtemps, les flics ont abandonné le terrain. Venez vite ».
Ce type d’appel était stupide pour plusieurs raisons évidentes.
Tout d’abord, les flics n’ont pas abandonner le terrain, chose qu’ils font de façon très rare, et lorsqu’ils sont réellement débordés (en nombre, en moyen et en détermination) ce qui arrive rarement en situation émeutière.
Les flics ont délibérément choisi de partir, non dans la panique mais dans le calme, sans charger, et appliquant une décision réfléchie de la préfecture. Si la police a alors pris la décision de partir, abandonnant au passage une voiture banalisée qui sera ensuite retournée, c’est qu’elle a jugé qu’il n’y avait pas particulièrement de débordement à contenir, pas de danger réel pour « l’ordre public ». Chose étonnante au premier abord, car durant les affrontements, la police a bien été prise à partie par les émeutiers, parfois avec une violence très intense (contre-charges, jets de bouteilles, de pierres et d’œufs, lutte à main nue, blocages de voitures de flics…), et des groupes de flics en civil ont bien failli se faire dérouiller. Mais d’autre part, et cela a eu beaucoup plus d’importance, aucune banque n’a été attaquée, aucun commerce visé, même si la rumeur a commencé à tourner disant qu’un commissariat avait été attaqué. Certes, des voitures ont été retournées (mais pas incendiées) et des cabines téléphoniques défoncées, faits que la police tolère rarement en général. Les raisons de leur retraite volontaire sont donc à chercher ailleurs que dans la seule violence déployée.
Clairement, les flics ont pris en considération plusieurs facteurs qu’ils jugeaient favorables, et à cause desquels il valait mieux pour eux partir que rester.

Premièrement, les émeutes ponctuaient une manif pour la sécurité, réclamant plus d’intervention de la force publique pour réprimer les vols, qui selon les manifestants toucheraient particulièrement les « membres de la communauté chinoise », et qui seraient le fait de bandes issues d’autres communautés d’immigrés.
Il ne s’agit pas dans ce texte de nier l’existence d’un racisme anti-asiatique, ni d’en faire un racisme particulier, car tous les racismes se valent de par leur connerie-même. C’est aussi pourquoi, même d’un point de vue anti-raciste, le fait d’organiser une manifestation contre une forme particulière de racisme pose bien des questions. Nous imaginons bien que cette maladresse n’en est pas une et qu’il s’agit clairement de monter les gens les uns contre les autres.
Il est vrai qu’à Belleville les patrons “chinois” se font plus voler que les autres, mais il est vrai aussi que les patrons chinois se font plus voler que leurs employés, parce que l’argent ne peut être volé que là où il se trouve.
Le racisme, c’est lorsqu’on va s’imaginer que n’importe quel “asiatique” va se balader avec des liasses de billets sur lui. Ce genre de cliché n’est pas sans rappeler celui du “juif” forcément blindé aux as (voir par exemple l’affaire Ilan Halimi).
D’autre part, et ce dans la pure tradition coloniale française, on entend régulièrement sur des terrasses de bar des réflexions du type « à nous les p’tites chinoises » qui font échos aux regards affamés reflétant le sexisme teinté de racisme à l’égard des femmes “asiatiques” et tous les fantasmes de domination qui vont avec. Ces choses existent bel et bien et il faut les combattre.

Une manifestation bien rance donc, soutenue au départ par la mairie socialiste du XXème arrondissement, socialos qui regretteront a posteriori le caractère trop « communautariste » pris par la manifestation, dans un mélange d’hypocrisie et de mensonge opportuniste propres à tous les charognards politiciens. Si il est paradoxal de parler d’ « émeutes pour l’ordre », il faut bien admettre que celles qui ont eu lieu ce 20 juin en étaient incontestablement.

On se demande pourquoi diable irait-on manifester pour la sécurité ; sécurité de quoi, sécurité pour qui, et contre quoi ? Sécurité pour les flics, pour les commerçants “bienfaiteurs”, qui disent nous rendre service alors qu’ils ne font que nous vendre des marchandises, pour les banques et autres profiteurs de l’exploitation ? Sécurité contre des gamins qui s’amusent en scooter et qui font exploser trois pétards ?
On se demande aussi à qui s’adresse cette revendication et ce qu’elle signifie. Ici la réponse est claire, elle s’adresse directement à l’État, à la mairie, à leurs flics et autres agents du contrôle. Elle relaye aussi toute la propagande sécuritaire qu’on nous fait bouffer dans les médias, surtout lorsqu’une quelconque élection pointe le bout de sa sale gueule, créant la menace permanente de l’ennemi posté à chaque coin de rue, du grand criminel au petit délinquant, rêvant tous de s’attaquer au premier venu, créant aussi la nécessité de regarder derrière son épaule, de se méfier de tout le monde, de se trouver des protecteurs, les flics en premier lieu, alors qu’il y a plus de chances de crever sous les balles et les coups des policiers dans la rue comme en garde à vue, que de se faire agresser en pleine rue.
Il n’est pas question de nier les comportements prédateurs de certaines personnes (car la domination n’est pas le seul fait de l’État, et ne se mesure pas à l’aune d’un code pénal), mais bien de discuter de la question des relations humaines, et ce en d’autres termes que ceux de sécurité, de répression, de prison, d’éducation. De s’intéresser aux causes plutôt que de se focaliser sur tel ou tel phénomène spectaculaire, telle conséquence, de rappeler les liens entre les valeurs, les types de comportements engendrés et encouragés par cette société, et la prédation qui n’en est que le reflet.

De fait, même s’il peut-être toujours plaisant de voir des gendarmes mobiles se faire canarder, il est évident, et il était évident alors, qu’il n’y avait rien à faire dans cette émeute, à part pour ceux qui parviendraient à se convaincre qu’il y a quelque chose d’intéressant à tenter d’engrainer des réactionnaires et des lyncheurs de gamins contre les keufs, l’ennemi contre lequel tout le monde pourrait se mettre d’accord.

Les émeutiers, radicalisant les mots d’ordre d’une manifestation officiellement pacifique, se sont organisés pour chasser des groupes de gamins du quartier, qualifiés de voleurs, attaquant au passage la flicaille en lui reprochant de ne pas faire son boulot, d’une part, et d’autre part, d’en être venue à arrêter des manifestants et à les gazer. Dans leur traque aux prétendus voleurs, ces policiers informels, s’organisant en petites milices privées, ont essentiellement visé des gamins étiquetés « africains », « noirs » et « arabes ».
Nous tenons à préciser que si pour nous ces catégories n’ont aucune réalité en tant que telles (« chinois », « noirs », « blancs » ou « beurs »), les personnes ayant participé aux lynchages se sont organisées comme membres de la « communauté chinoise », et ont poursuivi des gens en fonction de leur apparence (vêtements, couleur de peau) et donc de leur supposée « communauté » jugée hostile dans ce cas-là. D’où le double caractère de ces « lynchages-ratonnades », à la fois réactionnaires, puisque voulant punir physiquement et directement des gens qualifiés de voleurs, et racistes, puisque visant des personnes en fonction de la couleur de leur peau. Au-delà de ce qui a été entendu sur place, lors de cette manifestation, on pouvait lire dans une interview à France Soir, des organisateurs affirmer qu’« il y a toujours eu des agressions contre nous. Aujourd’hui, elles sont le fait d’un groupe d’une trentaine ou d’une quarantaine de jeunes, la plupart des mineurs, derrière lesquels se cachent évidemment des adultes. Des jeunes originaires du Maghreb ou d’Afrique noire que la police arrête, quelquefois, et relâche aussitôt ».


Il a été avancé suite aux émeutes, que la manifestation (donc les émeutes) a été organisée par des groupes influents de l’immigration chinoise, notamment par la « petite bourgeoisie » du quartier, et d’autres coins de Paris (notamment des commerçants du 3ème arrondissement), ramenant au passage et sous la pression collective, tout ce que la dite « communauté » pourrait trouver en soutien. On a effectivement vu des personnes, avant la manifestation, faire le tour des bars et des restaurants, pour inciter les gens à venir à la manif, pour faire du nombre et montrer une image d’ « unité dans la communauté ». Si cela a marché pour la manifestation, l’émeute et les lynchages n’étaient pas aussi consensuels, même si on a beaucoup entendu sur place des remarques du type « Eh ben oui, si c’est des voleurs, c’est normal que les gens se défendent et veulent punir eux-mêmes si les flics ne le font pas ».
Du reste, très peu de gens sont concrètement intervenus physiquement pour empêcher les lynchages, même lorsque cela était possible. Peur de se manger des coups au passage, ou caution tacite aux jugements expéditifs contre les « voleurs », il est difficile de répondre sans verser dans la généralité, mais tout cela fut bien dégueulasse à constater.
On a vu par contre des citoyens tenter de s’interposer entre les flics et les émeutiers, ou essayant d’empêcher les incendies de palettes dans la rue et le renversement des voitures. Comme quoi, la vie de la marchandise a souvent plus de prix que celle des humains…

Il aurait peut-être été possible de porter un message antagoniste à celui avancé par les manifestants, de dire d’une façon ou d’une autre que nous avons nous aussi nos raisons pour haïr tous les dispositifs de sécurité (police, milices, caméras de surveillance, punitions juridiques…) qui visent indifféremment tous ceux que le pouvoir nomme « délinquants ».
Mais ce type de réponse, pour être un minimum réalisable et conséquente, n’est pas facile à organiser, et encore, dans le cas où on estime que la question est importante…

Et la question est grave, que l’on pense que cette émeute est un simple fait isolé, ou qu’elle traduise des phénomènes plus profonds et se développant de façon moins spectaculaire.
Parce que le lynchage collectif nous répugne, que le racisme est une saloperie idéologique dangereuse, tout comme le communautarisme et les revendications sécuritaires.
Aussi parce que le racisme, s’il est clairement une arme de l’ennemi étatique (qu’il utilise souvent lui-même, mais en veillant à être « respectable »), n’est pas son monopole, et que ce genre de lynchage ciblé se solde souvent par des représailles tout aussi ciblées et nauséabondes.

Beaucoup de critiques ont insisté, au-delà de la nécessaire prudence à adopter dans le choix des termes utilisés, pour dire que la situation à Belleville n’était ni celle d’une guerre civile, ni d’une guerre inter-communautaire larvée ; que la haine et le racisme n’étaient pas palpables dans le quartier, et que ces thèses étaient couramment développées par les réactionnaires de tout poil, des identitaires à Zemmour, de Finkielkraut aux divers théoriciens du choc des civilisations, qui prônent au choix l’union nationale, la civilisation occidentale, la souveraineté républicaine, son école, ses valeurs, sa laïcité et sa police, entre autres horreurs.
Il va sans dire que nous n’avons rien en commun avec ces raclures de chiottes. Des intellos du genre de Finkielkraut peuvent très bien critiquer les conséquences sociales de l’utilisation massive du téléphone portable, en terme d’abrutissement généralisé, et nous aussi, sans que cela constitue un « commun ». Il en va de même pour le communautarisme, puisque nous le critiquons dans la perspective d’une libération totale de l’individu vis-à-vis de toutes les normes imposées par la collectivité (qu’elle soit sociale, communautaire, familiale…), alors que des mange-merde à la Zemmour ne font que critiquer une sorte de communautarisme, celle qui remet en cause le socle du républicanisme et son intégration.

Il nous semble que c’est un mauvais procès contre les textes publiés à chaud sur ce qu’il s’est passé, notamment contre le tract-affiche intitulé A Belleville comme ailleurs…Sur un air de guerre civile, qui fut largement boycotté, et parfois qualifié d’ »infâme », voir accusé de relayer la « pensée dominante », même s’il fut tout de même diffusé par des compagnons dans la rue.
Même si ce texte dépeignait de façon quelque peu « catastrophiste » et peu nuancée la situation, et ne prenait la peine de mettre des guillemets autour de chaque terme problématique, il partait d’une réalité vécue et en proposait une critique assez claire, avec un point de vue antiautoritaire et dans le but de réagir (et oui !) le plus rapidement possible.

Il n’y a pas besoin de sociologues pour savoir que Belleville est un de ces rares quartiers en France où cohabitent de si nombreuses communautés et confessions, l’histoire du quartier est d’ailleurs forgée par les vagues d’immigration, d’abord polonaise, arménienne et turque, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, puis kabyle d’Algérie et juive séfarade dans les années 50 et 60. Les décennies suivantes verront l’installation d’immigrés asiatiques, de majorité chinoise de la région de Wenzhou, et plus minoritairement, d’Afrique Sub-Saharienne dans les années 80. Il parait clair que de façon générale, l’entente « inter-communautaire » ne sort que très rarement de sa paisibilité, que l’on peut attribuer à un repli tel qu’on peut le constater à peu prés partout dans les grandes métropoles du monde (Londres, NYC, Berlin etc.).

Il nous parait clair que sans ce repli, des tensions ponctuelles n’apparaitraient pas, comme celles de ce 20 juin, ou encore, aujourd’hui oubliées, celles de juin 1968 qui ont vu éclater un déchainement de violences racistes entre jeunes immigrés « musulmans du Maghreb » et jeunes immigrés « juifs tunisiens ». Ces émeutes racistes, parties d’une dispute quelconque autour d’une partie de carte, aboutirent à la destruction ciblée (selon des critères racialistes) d’une cinquantaine de commerces, et la tentative d’incendie d’un lieu de culte (la synagogue Julien Lacroix), il y aurait eu un mort, ce qui n’a finalement jamais été confirmé.

Dans un quartier où le cosmopolitisme et l’entente inter-communautaire ont été élevés au stade de la mythologie, au point qu’il en est devenu un « élément de décors » pour de nombreux artistes branchés (et la population plus massive dite « bobo », à leur remorque) se livrant à un tourisme social en faisant de Belleville, LE nouveau quartier à la mode, ces deux évènements, aussi rares soient-ils, questionnent ce « mythe de Belleville ». Aussi, il nous parait étonnant que dans les milieux gauchistes, le même engouement soit présent. Il est d’usage de percevoir le quartier comme exceptionnellement tolérant et cosmopolite, mais s’agit-il d’un cosmopolitisme « vrai » où la mixité et le métissage deviennent la réalité, ou plutôt d’un cosmopolitisme de façade, où les communautés distinctes se côtoient et en général se tolèrent, mais ne se mélangent pas ? C’est une des questions que nous voulions poser.

Les arguments avancés pour dire que Belleville est un quartier « métissé », où les gens se mélangent sans distinction d’ »origine », de couleur de peau, ou de religion, consistaient à évoquer quelques endroits précis : bars, PMU, marchés ouverts et autres lieux commerciaux, de circulation de la marchandise. C’est peut-être vrai. Tout le monde ne se retrouve pas « entre renois », entre « bobos branchés » ou entre « juifs » dans la rue, dans les bars, et encore moins sur les marchés, certes. Mais c’est souvent le cas, et ensuite on peut en effet se demander si cela est vécu ou non comme repli, comme regroupement communautaire.
D’un côté, on se fout de savoir si tel ou tel bar est « métissé » ou non, ou si le fait que les gens sont mélangés au marché en dit beaucoup sur les relations sociales en général. Les gens vont au marché pour acheter des marchandises, pas pour « montrer qu’ils aiment tout le monde sans discrimination d’aucune sorte ». On se mélange bien aussi dans le métro, et alors ?
De l’autre, ce n’est pas la guerre civile à Belleville, et d’ailleurs personne ne prétend que c’est le cas. Ce qui était simplement dit, c’est d’une part que les lynchages (qui n’étaient apparemment pas le fait de personnes « membres de la classe moyenne chinoise », ni de riches commerçants) de par leurs cibles, reflétaient une image de ce qui se passe lors d’une guerre civile, dans laquelle le pouvoir s’en sort toujours indemne, contrairement aux dominés, qui s’y affrontent mutuellement. Et d’autre part, qu’une émeute pareille n’est jamais un fait isolé, même lorsqu’elle est préméditée et ouvertement organisée.
Et donc, qu’au-delà de cette soudaine poussée de haine et de violence à caractère communautariste, une certaine ambiance existait peut-être déjà, pouvant mener à ces lynchages, et rendant des actes similaires possibles à l’avenir, sans pour autant que le phénomène ne se généralise, ni qu’à plus forte mesure, tout le monde y participe, et c’est heureux.

Encore une fois, la guerre civile n’est pas faite que de haine raciale et de communautarisme. Elle est aussi guerre de tous contre tous, en fonction de différents facteurs. Et de voir une telle haine exploser contre de supposés voleurs en dit long et ne devrait pas être négligé. On pourrait penser que ces lynchages ont été orchestrés par des groupes de commerçants souhaitant exercer leur main-mise sur une partie du quartier comme sur la main-d’œuvre récemment immigrée de Chine ou d’ailleurs, et que dans ce but, le bouc-émissaire est souvent l’arme communément utilisée pour renforcer un groupe social particulier et ses intérêts. C’est plausible, puisqu’exploiteurs et pouvoir politique sont généralement en bonne entente. Mais personne ne peut nier que les riches ne sont pas les seuls à détester les « voleurs » et à vouloir les corriger. Des pauvres mettent des bâtons dans les roues d’autres pauvres, c’est un fait historique, qui suffirait presque à réfuter la notion de classe sociale dans son acceptation la plus primitive intellectuellement, cette autre communauté qu’on oppose si souvent aux « fausses communautés ». Il serait donc facile d’avancer que ce jour-là, ce sont les riches commerçants, poussant de force leurs esclaves salariés pour aller au carton, qui ont contrôlé tant la manifestation que les lynchages et les affrontements avec les keufs. Mais ceci n’est que pure hypothèse, déterminée par des schémas idéologiques. Ce n’est pas en niant arbitrairement les conflits qui existent entre pauvres que ceux-ci cessent miraculeusement d’exister, malheureusement.

Il est évidemment intéressant d’analyser les rapports d’exploitation, et les rapports mafieux qui peuvent exister dans d’innombrables quartiers, comme il serait intéressant de passer au crible la récupération politique de ces évènements, qu’elle vienne des républicains ou des fachos, ou de dire deux mots sur la pacification/gentrification menée par les artistes, entre autres.
Cela est une entreprise d’ampleur, auquel ce texte n’a pas de réponse.

Habitant ou non d’un quartier, il y a toujours une différence entre l’image publique, son discours officiel, et ce que les gens peuvent vivre à l’ombre des murs, au boulot, et personne n’est dans chaque discussion « privée », ni dans la tête des individus. D’ailleurs seuls les flics, les juges, les sociologues et les journaleux rêvent de cela. Détestant toutes les crevures pré-citées, nous n’allons évidemment pas mener une enquête pour tirer au clair le pourquoi et le comment.
Mais nous pouvons provoquer des discussions dans la rue, en portant un message clair, contre les rapports mafieux, les lynchages, la religion, le racisme, le communautarisme, l’exploitation, les rafles, la police, l’État, contre tout ce qui nous rend la vie si insupportable, et la liberté hors de portée, à Belleville comme ailleurs, et c’est ce que nous avons commencé à faire.

Il reste tant à faire, à faire, à faire…


Qui sommes nous ?

Bonjour, nous sommes des anarchistes

Cela fait déjà quelques temps que nous sommes présents sur ce marché, avec notre table de presse, nos sourires (parfois) et nos yeux fatigués (toujours). Comme beaucoup le savent déjà, nous sommes là pour parler de nos idées, les diffuser, faire connaitre des textes sous forme de brochures qui nous paraissent importants, faire des propositions, toujours sans médiation. Cependant une question nous revient souvent, « c’est quoi les anarchistes ? ».

On connait mal les anarchistes, et souvent on croit connaitre leurs idées alors qu’en fait nous n’en entendons parler que par le biais de faits divers (sabotages, émeutes, actions directes) transmis par la police aux journalistes, qui eux-mêmes redistribuent l’« information » au plus grand nombre. Jamais pourtant ces « informations » n’ont réellement abordé le fond de la pensée de ceux qui luttent pour l’anarchie, hormis dans le but de désinformer et stigmatiser pour  mieux réprimer ensuite. On nous parle souvent de l’affaire de Tarnac et des sabotages de caténaires SNCF dont les médias parlaient tant il y a quelques temps, ou encore de la campagne récente de sabotage de distributeurs de billets de banques balances en solidarité avec les sans-papiers.

Les anarchistes en fait ont à cœur de comprendre pourquoi la terre et tout ce qui s’y trouve ne constitue pas un héritage commun à tous ceux qui la peuplent. Pourquoi certaines personnes ont fait le choix de se l’approprier et de la léguer à leurs héritiers ? Pourquoi, selon le bout de terre, exécute-t-on celui qui vole pour survivre ? Pourquoi enferme-t-on des gens qui n’ont pas le bon bout de papier ? Pourquoi traite-t-on les femmes comme des sous-hommes ?
Pourquoi alors qu’une majorité est exploitée, une minorité tient les rennes de cette exploitation ? Il y a encore beaucoup de questions comme celles-la… Mais parmi elles, la plus importante est certainement : Pourquoi les dominés du monde entier acceptent-ils ce sort alors qu’il suffirait qu’ils se révoltent pour vaincre la minorité de dominants ?

Pour comprendre les idées des anarchistes, il suffit d’imaginer un monde dans lequel l’entraide remplacerait domination et concurrence. Ce monde n’est pas celui que nous connaissons.

Les anarchistes font partie de ceux qui sont en guerre contre l’existant, cet état du monde qui fait froid dans le dos ; qui ne veulent plus accepter cet ordre fou des choses, ce statu quo, qui en imposant sa paix impose la censure de nos désirs. Cette paix qui ne peut que s’imposer par la violence de l’Etat et de l’économie entre directement en conflit avec nos aspirations de liberté, avec la nécessité indivisible de combattre au quotidien. Et comme le disait en 1854 l’anarchiste Joseph Déjacque (que vous avez certainement déjà croisé sur notre table), « par le bras et le cœur, Par la parole et la plume, Par le poignard et le fusil, Par l’ironie et l’imprécation, Par le pillage et l’adultère, Par l’empoisonnement et l’incendie », les anarchistes combattent depuis des siècles la domination et l’autorité.

Nous sommes contre toute forme d’Etat et d’institutions, nous détestons la société parce qu’elle ne fait qu’opprimer les individus qui la composent, nous voulons détruire les prisons parce que l’enfermement sert à notre neutralisation sociale, parce qu’il n’a jamais rien réglé en profondeur, parce que nous ne supportons plus que la société se venge contre nous ou tous ceux qui ne supportent plus ce monde.

Si tout cela ne te fait pas peur, si comme nous tu penses que le jeu en vaut la chandelle, jette ce bout de papier et regarde autour de toi : la domination est partout : agences d’intérim, pôle emploi, boutiques de luxe, commissariats, palais de justice, centres de rétention, prisons, usines, supermarchés, expulseurs, vigiles, tous tirent profit de ta domination. Tous doivent payer pour les marques sur nos mains, pour les blessures mentales et physiques dont ils ont parsemé nos corps et nos esprits.

Et tant que ce monde existera, nous prônerons la haine de ce monde.
Et tant que ce monde existera, nous continuerons de diffuser nos
idées ici comme ailleurs, alors discutons un peu.

Des anarchistes.

[Tract trouvé sur un marché quelque-part dans le nord-est de Paris.]

 

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