Le soir du 14 juillet, pendant plusieurs heures dans le 20ème arrondissement, plusieurs petits bataillons de flics se font arroser par des tirs de mortiers par des groupes mobiles, depuis les carrefours et les toits.
Les flics en bataillon éclairent d’un projecteur puissant les fenêtres et les toits de la rue Tourtille pour repérer les tirs et marquer le territoire, mais tout le monde se moque au balcon et profite d’être haut perché pour indiquer les arrivées de flicaille au loin. Vers 3h du mat’, les pompiers venus éteindre un feu rue Pali-Kao se font canarder à leur tour.
Le lendemain, dans la nuit de dimanche à lundi, rebelote, cette fois avec des barricades pour bloquer la circulation des flics. Les flics rentrent dans les immeubles pour récupérer les personnes sur les toits. Ils se font canarder en beauté et courent dans tous les sens. Ils sont plus remontés que la veille, l’un d’eux s’étant pris un mortier dans la visière.
On espère que l’an prochain, et tous les jours d’ici-là d’ailleurs, on passera des escarmouches aux destructions, et que les meufs ne seront pas là que pour faire les guets.
Le même jour, une caserne de CRS située dans le 20ème arrondissement se prend elle aussi sa volée de mortier, un tir atterrissant dans la cour entraîne une détonation qui projette des éclats jusque dans la chambre d’un keuf, qui s’en sort malheureusement indemne.
Ailleurs en cette période de « fête nationale », on s’en est aussi donné à cœur joie : à Champigny-sur-Marne (94) par exemple, où le commissariat s’est pris des tirs de mortier deux jours de suite, tirs visant également les voitures de keufs garées devant. Ce comico est depuis de nombreuses années pris pour cible, preuve que le classement du quartier du Bois-l’Abbé en ZSP depuis un an ne calmera aucunement la rage contre l’État. A Villeneuve-la-Garenne (92), plusieurs personnes caillassent le commissariat puis incendient voitures et poubelles alentours pour obliger les schmits à sortir de leur terrier. Même scénario à Aulnay-sous-Bois où les keufs doivent se dégager en tirant au flash-ball. Sur l’ensemble de la région parisienne, quelques 21 flics sont blessés, 256 voitures cramées. Alors que la fête anti-nationale se poursuive !
La révolte avant la fête
Des voisins de merde…
À l’angle de la rue Vicq d’Azir et du boulevard de la Villette, à deux pas de la place du Colonel Fabien, il y a un grand bâtiment au bas sombre : la Résidence Capitaine Paoli. Il appartient à la fondation Maison de la Gendarmerie (dont le siège est au 10 rue de Tournon, Paris 6e), qui a pour but d’« aider, assister et secourir » ses associés. Et, comme son nom l’indique, il s’agit d’une association de… gendarmes. Ces braves pandores cotisent entre 4 et 11 euros par mois (selon le grade) et permettent à la fondation de disposer d’un budget qui en 2011 a atteint plus de six millions d’euros. Ces thunes sont surtout employées pour des allocations d’études et pour les centres de vacances des gendarmes et de leurs enfants (« hôtels et centres de vacances pour jeunes »).
La Résidence Capitaine Paoli fonctionne à la fois comme résidence pour étudiants et comme hôtel. En fait, il y a 21 studios meublés avec kitchenette, douche et WC, à 530 euros par mois. Ils sont destinés aux fils et filles de gendarmes faisant leurs études sur Paname (les braves fistons ont aussi accès prioritaire à la Résidence Simone Weil, gérée par le CROUS, à Boulogne-Billancourt). On y trouve aussi 54 chambres doubles (ou familiales) pour les gendarmes visitant Paris quand ils se reposent de leur sale boulot, bien sûr à des prix bien appétissants ! Belleville est déjà plein de touristes et de bobos, il fallait encore les gendarmes ! (qui, d’ailleurs, au cas où ça ne leur suffit pas, ont aussi à leur disposition le Relais Moncey, au 4 rue d’Odessa dans le 14e). Mais si quelqu’un a un mot à dire aux soldats de la loi, voilà où en trouver…
Ni nucléaire, ni gendarmes!
15, rue Louis Lejeune à Montrouge. C’est, depuis janvier, la nouvelle adresse de l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Cet organisme, appelé « le gendarme du nucléaire », est censé veiller au respect des règles de sûreté (règles que l’ASN a elle-même définies) des installations qui utilisent ou transportent des substances radioactives (ou des appareils qui produisent des rayonnements ionisants sans qu’il y ait une fission nucléaire, comme les appareils de radiographie ou de radiothérapie). Il s’agit de centrales électronucléaires, de dépôts de déchets nucléaires et aussi de sources de radioactivité moins connues, telles que les centres de recherche, certaines installations dans des industries non-nucléaires (comme pour la stérilisation de certains produits ou outils etc.), les laboratoires de radiologie et d’autres appareils médicaux (ils appellent ça le « nucléaire de proximité », sérieux !). Bref, des machines des dentistes aux missiles nucléaires de l’armée.
Outre celle de contrôle, l’ASN a aussi une mission d’information. C’est-à-dire que le boulot de ces experts payés par l’État est de nous dire que tout va bien et que les désastres n’arrivent que chez les autres. Que la mort au compte-gouttes que la technologie nucléaire élargit chaque jour à chacun(e) de nous est tout à fait acceptable. Tout va bien et tout irait bien même en cas de désastre majeur, comme la fusion du cœur d’un réacteur (ex. Fukushima, Tchernobyl, Three Miles Island…) ou une grosse fuite d’éléments radioactifs. Une de celles qui passent au JT, car des « petites » il y en a tous les jours dans les centrales, centres de stockages, etc. Et puisque le « risque zéro » n’existe pas, le but n’est pas qu’il n’y ait pas d’accidents, mais qu’on apprenne à faire avec. Avec la pollution nucléaire quotidienne ou avec une vie dans des zones contaminées « à la Tchernobyl » … Bien sûr, « la gestion des situations d’urgence radiologique » revient également à l’ASN. Et pensons que la « gestion » de l’accident de Fukushima au Japon a signifié, entre autres, l’évacuation manu militari des quelques 180.000 personnes vivant dans les 20 km autour de la centrale…
Mais puisque nous sommes dans une démocratie, et des plus illuminées (avec toute l’électricité d’origine nucléaire qu’on a !), voilà que l’ASN pense à informer toujours plus les citoyens. Pour mieux nous leurrer, l’ASN a inauguré, vers la mi-juin, un centre d’information tout neuf au rez-de-chaussée de son siège. Ils y exposent un tas de livres et de revues et sont prêts à y accueillir des groupes scolaires. On sait très bien à quoi sert leur propagande : nous faire avaler la pilule de la nécessité du nucléaire – sans danger, bien sur ! – pour faire marcher ce monde. Mais nous voulons justement en finir avec ce monde et toutes ses technologies mortifères. Pourquoi ne pas aller les informer de ce que nous pensons du nucléaire (et de la société qui va avec), ses risques, ses contrôleurs et ses gendarmes, leurs mensonges ?
Lucioles n°10 – juin 2013
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Pour lire le bulletin texte par texte : Numéro 10
Avec un beau sourire… La RATP contrôle et réprime
Métro et bus ne sont pas des lieux sûrs pour les pauvres. Les contrôleurs traquent les fraudeurs, des hordes de flics de différents uniformes pourchassent les personnes qui n’ont pas les bons papiers ou un toit sous lequel se poser. Et il y en a même, parmi ces sales sbires, qui se plaignent parfois lorsque quelqu’un ose réagir. Sur un des mille blogs qui infestent le monde virtuel, un contrôleur RATP se lamente d’avoir été victime d’une « agression physique et verbale ». Par un parallèle parlant entre contrôleurs et flics, il déplore l’agressivité diffuse envers eux et, plus généralement, tous ceux qui portent un uniforme. Notre très perspicace guignol suggère à la RATP de « faire une campagne sur les contrôleurs », de façon à ce que les gens les accueillent « avec un beau sourire » ! Certes, tous ceux et celles, de plus en plus nombreux, qui fraudent métro, tram et bus partageront l’idée d’une campagne (de dératisation !) contre les contrôleurs. C’est une simple et sincère haine viscérale envers les larbins de la RATP, qui nous harcèlent pendant les déplacements auxquels nous sommes généralement contraints. Mais le rôle de la RATP et de ses semblables dans le fonctionnement de ce monde n’est pas des moindres.
La Régie autonome des transports parisiens est l’entreprise d’État qui a pour tâche de trimbaler de droite à gauche, de leurs dortoirs-cages à lapins aux lieux où ils doivent bosser ou consommer, aller-retour, les habitants de la région parisienne, notamment les pauvres. D’ailleurs, les énormes (et toujours plus envahissants) espaces publicitaires dans les transports en commun en font un lieu privilégié de la prédisposition à la consommation. Dans une métropole qui n’est guère faite à la mesure des individus, mais en fonction du cycle production-consommation et du contrôle du troupeau humain, les transports en commun sont primordiaux. À côté des transports de marchandises et matières premières, d’énergie et d’informations, il est également nécessaire de déplacer cette espèce particulière de matière première et de marchandise que sont les travailleurs et les consommateurs. Voilà donc la RATP et les autres gérants des transports (la SNCF, les compagnies aériennes et les gérants des aéroports, etc.). Tous essayent de nous vendre le mythe de la « liberté de mouvement ». Mais la gentille expression « métro-boulot-dodo » devrait être remplacée par une plus correcte : « produit-consomme-obéit », où les transports en commun sont les tirets entre les mots.
Obéir. N’oublions pas, en effet, l’autre aspect fondamental de la gestion des transports, celui du contrôle et de l’éventuelle répression. Métro, bus et tram sont littéralement remplis de caméras de surveillance. A Paris, la RATP dispose de 8200 caméras dans les métros et RER, auxquelles il faut ajouter les 18 000 embarquées à bord des 4300 bus. A ces vidéos ont accès le centre de contrôle de la RATP et aussi, automatiquement, les keufs de la Brigade des réseaux ferrés. En temps normal, les vidéos sont conservées 72 heures, mais une fois qu’elles sont réquisitionnées par la police il n’y a plus de limites. De plus, les cartes RFID, comme le Pass Navigo, enregistrent et conservent une trace de tous les déplacements de leurs utilisateurs. Et que dire des contrôleurs et agents de sécurité qui sévissent dans les stations ? Ce n’est pas un hasard si la RATP est un important rouage de la machine à enfermer et expulser des sans-papiers. Aux contrôles au faciès suit très souvent l’appel des flics, qui embarquent ces personnes (car l’absence des bons papiers est bizarrement souvent associée au manque de thunes, donc de billet !). Du coup, l’absence de ticket se solde par la case Centre de rétention, parfois en passant par celle du tabassage de la part des molosses de la RATP Sûreté ou des flics, toujours par celle de l’humiliation prodiguée par les deux.
Contrôle et répression sont un ensemble de structures physiques et organisationnelles et de rapports sociaux. Il ne s’agit pourtant pas d’entités abstraites. Ils s’appuient sur des outils bien concrets (caméras, portiques…) et surtout sur l’œuvre parfois effrayante et exemplaire mais bien plus souvent anodine et quotidienne d’hommes et de femmes. Lorsqu’on utilise les transports en commun on ne peut pas éviter d’y voir des uniformes. Sur le réseau exploité par la RATP, on trouve en service environ 1200 contrôleurs « normaux », on ne sait pas combien d’agents CSA (Contrôle Sécurité Assistance, mi-vigiles mi-contrôleurs, ceux en gilets vert) et un millier d’agents du GPSR (Groupe de protection et de sécurisation des réseaux, les cow-boys de la RATP Sûreté). Et si on doit prendre des lignes de lointaine banlieue, celles gérées par la SNCF, on y croise d’autres contrôleurs et d’autres mercenaires, les quelques 1200 agents de la SUGE (la Sûreté ferroviaire). Et est-ce qu’il y a besoin de dire qu’il y a aussi plein de flics ? 1200 chtars de la Brigade des réseaux ferrés (SDRPT Sous-direction régionale de la police des transports) sont affectés au réseau d’Île-de-France. La BAC patrouille elle aussi dans le métro, dans les bus ou encore se poste juste à la sortie des stations, comme le font la BST à Belleville ou les CRS à Barbès. Contrôleur ou agent de sécurité, ce sont des métiers pour lesquels il n’y a pas de crise. La RATP les recrute en permanence. Les spécificités demandées pour devenir contrôleur ? Ne jamais avoir eu de problèmes avec la justice (c’est-à-dire être un bon citoyen, prêt à collaborer avec le Pouvoir), être capable de regarder un billet, de filer une amende, d’emmerder les pauvres. Ils appellent ça la « maîtrise du territoire ». C’est simple, il suffit d’être un lâche ordinaire. Par contre, pour devenir un nervi du GPSR il faut être bien costaud, un vrai gorille (l’agressivité qui va avec mais l’intelligence et l’empathie du primate en moins). Leur tâche est en effet d’« assurer en collaboration avec la police la mission de sécurisation sur les réseaux de la RATP ». La chasse aux pauvres, quoi. Du coup, ces mercenaires sont en uniforme bleu d’« ordre public », assermentés et armés. On les voit exhiber tonfas, gazeuses et flingues. Les bouffons de la presse croient nous impressionner en disant que le niveau de prestation physique qu’on demande aux agents du GPSR est équivalent à celui des super-flics du GIGN. Mais est-ce que ces lèche-culs se souviennent de l’émeute qui a eu lieu à la Gare du Nord fin mars 2007, quand les chiens de la RATP ont couru se cacher derrière les keufs (qui en ont morflé) ? Leur sale besogne leur rapporte 1650€ bruts (hors primes) pour 13 mois pour les contrôleurs en début de carrière, et 1800€ pour les mercenaires du GPSR.
Face aux contrôles dans les transports en commun, on peut sentir une méfiance et une défiance épidermiques diffuses : ce sont des emmerdeurs, qu’ils nous lâchent. D’accord, mais il ne s’agit pas seulement de ne pas payer les transports. Il faut aussi faire payer ceux qui nous transportent comme des objets ou du bétail à l’abattoir de ce monde de merde. Il faut, et c’est possible, mettre un grain de sable dans le bon fonctionnement des transports. Tout en n’oubliant pas que la RATP (et la SNCF etc.), comme toute structure d’exploitation et de répression, est faite de plein de petits rouages : bâtiments, véhicules, ameublement, portiques, machines, caméras, écrans… et êtres humains. Surtout des êtres humains. Et parmi eux il y en a certains, comme les contrôleurs et les agents de sécurité, qui ont bel et bien choisi (et qui l’affirment) leur rôle de flicaille. Il s’agit d’individus qui ont fait et font des choix, et en portent la responsabilité. Ils ont un nom et une tronche.
De notre côté, si être pauvre n’est presque jamais un choix, avoir pleine conscience de la guerre sociale en cours et y prendre partie, ne pas se résigner, mais reconnaître et viser les différents ennemis, c’est bien un choix, ça aussi.
Voilà donc quelques raisons en plus de s’en prendre aux contrôleurs et agents de sécurité. Ils font un taf de flics, ils se croient flics, qu’on les traite comme ils le méritent ! Bien sûr, avec un beau sourire…
Brèves – juin 2013
• Ni démocratie, ni fascisme ! •
Une semaine après l’assassinat d’un camarade à Paris par des fascistes, une semaine après la très démocratique rafle policière de Barbès [cf. page 2], le distributeur de billets d’une banque a cramé à Montreuil (93), la vitre de la section PS du Pré-St Gervais (93) a été transpercée sous les coups, le QG du Front de Gauche situé aux Lilas (93) a été entièrement recouvert de tags. Sur les deux locaux et les murs du quartier, on pouvait notamment lire :« Charognards », « ni 6e République, ni fascisme : révolution ! ». Ni démocratie, ni fascisme ! À bas l’État et le capital !
• 1,70€ •
Dimanche 9 juin, peu après minuit, un gars saute un tourniquet dans la station de métro Châtelet. Il se fait repérer par les keufs de la Brigade des réseaux ferrés, qui essayent de le choper. Il résiste et se sauve. Les flics lui donnent un coup de Taser et le mec tombe dans un escalator, se blessant gravement à la tête. Il est ramené à l’hôpital entre la vie et la mort. Pour les porcs en bleu et la RATP, la vie d’un pauvre vaut donc 1,70€.
• Encore un mort en prison •
Le 20 mai, un homme s’est suicidé à la prison de la Santé. Depuis son incarcération en janvier 2012, il avait déjà essayé à deux reprises de se couper les veines. Il est une des environ 100 personnes qui se tuent chaque année dans les prisons françaises. Bien que le suicide puisse parfois être un acte de liberté, en réalité c’est la prison qui les a tuées. Cet homme, comme tous les autres, est la victime d’un meurtre commis par la Justice et ses juges, l’Administration Pénitentiaire et ses matons. Vengeance !
• Splash ! •
Les rodéos en voiture (ou en moto) c’est plus amusant quand on prend les chtars comme quilles. C’est ce qu’ont dû se dire les gars qui, le 17 mai à Gonesse (95) et un mois plus tard à Compiègne (60), ont renversé deux flics qui voulaient interrompre leur jeu. Mal leur en a pris ! Le premier, un gendarme, a chopé un traumatisme crânien, le deuxième, de la municipale, 5 points…hem, jours d’ITT. Gonesse gagne. Au prochain de jouer !
Lettre d’amour aux émeutiers de Stockholm
« Le feu est la réunification de la matière en liesse. Si on garde cela en tête, chaque incendie doit être considéré comme une réunion, un motif de réjouissance chimique. Fumer un cigare, c’est mettre fin à une longue séparation ; faire brûler un poste de police, c’est rapatrier des milliards de molécules en liesse. »
Pendant cinq nuits au moins, les ghettos de pauvres de Stockholm et des alentours se sont embrasés. Comme souvent, l’étincelle qui a mis le feu à la poudrière fut un assassinat policier. Comme lors des mémorables nuits de novembre 2005 en France ou de Villiers-le-Bel en 2007, d’Athènes en décembre 2008 ou encore celles d’août 2011 en Angleterre et celles plus insurrectionnelles encore qui frappent la Tunisie, l’Égypte ou la Syrie depuis plus d’un an maintenant et dans les dernières semaines en Turquie. Comme à chaque fois, notre solidarité va à tous ceux qui prennent la rue pour en faire baver aux flics et aux institutions qu’ils réussissent à se mettre sous la dent. Elle va à toutes celles et ceux qui, le courage au cœur et la résignation en berne, face à la médiocrité et l’ennui que nous offre ce monde de merde et ses faux-choix entre travail et chômage, école et prison, allument la nuit avec joie et vengeance.
Flics caillassés, commissariats défoncés, une centaine de voitures réduites en cendres, écoles cramées, bref, des vacances en plus pour les indésirables. Et pendant quelques instants, l’inversion de la balance, quand ce sont les flics et les bourges qui deviennent indésirables et que la peur change de camp. Et tout cela, au cœur même de la social-démocratie modèle, la meilleure élève de la classe du concert des proprets États démocratiques. La Suède et son modèle économique et social si parfait, mais ça, c’était avant que les masques ne tombent.
Dictature ou démocratie, il n’y a pas de meilleur mode de gouvernement et il n’y a pas de « moins pire » qui puisse nous satisfaire parce que nous ne voulons plus êtres gouvernés et nous ne voulons plus de leur paix, car elle ne signifie que notre misère et notre domestication. Émeutiers de Stockholm, comme tant d’autres avant vous, vous avez visé juste, vous vous êtes attaqués aux outils de notre domination. Vous avez prouvé que tant que l’humain se condamnera à vivre sous le règne de l’économie et de la domination, il n’y aura de possibilité émancipatrice que dans la destruction et la propagation du désordre.
Et le désordre est fertile…
Paris, le 6 juin 2013 dans l’après-midi
14h : Plusieurs dizaines de cars de flics en tout genre prennent position tout autour de Barbès et de sa fameuse ZSP (zone de sécurité prioritaire). Ils ferment les rues avec les camions et raflent au faciès des vendeurs à la sauvette, sans papiers et pauvres en tout genre.
16h25 : Certaines rues sont débloquées pour laisser l’accès aux sorties d’école ce qui laisse croire que l’opération est terminée. Mais plusieurs personnes sont prises au piège par des groupes de flics en civils réussissant à se fondre dans la population et à continuer les interpellations. Les personnes arrêtées sont ramenées menottées dans les bus d’embarquement stationnés sous le métro.
17h : Passage du Havre un rassemblement appelé par des proches et des camarades de Clément Méric est organisé. Il regroupe plusieurs milliers de personnes venues se recueillir à l’endroit de son assassinat par des fascistes la veille au soir.
18h : Toute la journée les politiciens de tout bord se sont succédés dans les médias. Certains se retrouvent au micro place Saint Michel, pour le rassemblement appelé par le parti de gauche rejoint par toute une clique politicienne allant des centristes à l’extrême gauche.Retour ligne automatique
Heureusement certains ne parviendront pas à intervenir, hués par une foule pas dupe. En effet, ceux-là mêmes qui planifient et organisent la chasse aux sans-papiers veulent aussi récupérer la mort d’une personne qui de par ses engagements luttait contre le racisme. C’est le grand jeu de la récupération politicienne où l’on nous explique que pour lutter contre le fascisme il faut constituer un front commun et défendre la démocratie. Fascisme et démocratie sont les deux faces d’une même pièce, deux modes de gestion de l’État qui font prospérer le capitalisme.
20h : Plusieurs centaines de personnes partent en manif sauvage et traversent la capitale criant « d’Istanbul à Paris, à bas l’État, les flics et les fachos » en direction du local de l’œuvre française, groupuscule fasciste. Le cortège laisse des traces de son passage : poubelles renversées, tags, autocollants, vitrines de banques martelées…
20h30 : Des personnes se retrouvent devant le commissariat de Clignancourt pour visibiliser le départ des personnes raflées vers le centre de rétention. Les coups de matraques et leur petit nombre ne les empêcheront pas d’exprimer leur solidarité.
Face aux rafles, aux violences d’État, aux violences fascistes, aux charognards et à la résignation exprimons notre colère dans la rue ! Faisons en sorte d’entraver concrètement le travail des flics, opposons-nous aux expulsions et ne laissons pas les fascistes et leurs idées envahir l’espace et pourrir nos vies. Organisons-nous pour s’attaquer à toutes les formes de dominations et tendre vers la liberté.
Contre les flics et les fascistes, mort à l’État et au capitalisme.
À bas la France
À BAS LA FRANCE. Parce que nous n’oublions aucune de ses horreurs, parce que ses massacres et ses bombardements qu’ils soient humanitaires, colonialistes, nationalistes, pour du pétrole ou pour son honneur nous ont exterminés, nous ont fait croire qu’il n’était plus possible de choisir la rébellion. Nous lui crachons dessus, nous nous essuyons avec son drapeaux, nous dégueulons sa marseillaise, nous brûlons ses postes-frontières et nous profanons ses sanctuaires et ses idoles tachées du sang de nos frères et sœurs apatrides.
À BAS TOUTES LES NATIONS ET LES FRONTIÈRES. Parce que la prétendue appartenance nationale n’est pas innée, mais enseignée à coup de servitude, parce que c’est un concept religieux, on est français, tunisien, portugais ou malien exactement comme on est chrétien, musulman ou juif, et on vote exactement comme on va à la messe. Parce que c’est au nom des nations que riches et puissants d’endroits différents mais tous de la même puanteur, se font la guerre à coup de chair à canon. A bas toutes les frontières, parce que, comme toutes les autres normes, elles définissent les indésirables et elles séparent les bonnes des mauvaises graines, français ou immigré, avec ou sans papiers, barbare ou civilisé. C’est en leur nom que chaque jour, l’ordure étatique et policière et les collaborateurs de la machine à expulser raflent, enferment, expulsent et tirent à vue le long des lignes de démarcations étatiques.
À BAS TOUS LES POLITICIENS. Parce ce sont eux qui administrent la si banale apocalypse permanente dans laquelle nous vivons depuis des siècles, passant des mains des maîtres à celles des curés puis des propriétaires pour finir sous la coupe de la marchandise et du contrôle diffus. Car que ce soit à coup de frappes chirurgicales, de matraque, de justice, de guerres propres ou de paix sale, de prison et de turbin, de camps humanitaires, de concentration ou d’extermination, de référendum, de beaux discours ou de bombes atomiques, les politiciens n’ont pour seul but que de maintenir leur pouvoir et de l’étendre, se concurrençant les uns les autres pour la mainmise sur le bétail du parc humain.
À BAS LA RÉSIGNATION. Parce que la liberté n’apparaîtra pas miraculeusement, parce que le capitalisme ne s’effondrera pas tout seul, parce que ceux qui tombent sur les lignes de front de la guerre sociale ne doivent pas rester seuls face aux juges et autres croque-morts de ce monde, parce qu’il ne sert à rien de se plaindre et que nous ne voulons plus être des victimes, parce qu’il n’y a qu’une seule entité réelle, la terre, et que dans les conditions qui nous y sont faites, il n’y a qu’une seule façon d’y vivre : à couteaux tirés avec ce monde de fric, de prison, de pouvoir, de contrôle, de médiocrité et d’ennui.
Parce qu’on ne peut entrer dans un monde meilleur autrement que par effraction.
Dans cette guerre sociale, n’écoutons plus les sirènes nationalistes et politiques, car comme les feuilles, les promesses tomberont l’automne venu. Dans un monde où toute liberté est désordre sauf celle de consommer et de choisir son maître, il n’y a rien à défendre, mais tout un ordre à attaquer partout où il se trouve.
Pour un monde sans États, ni patries, ni frontières, ni prisons, ni nations.
Que nos passions détruites se transforment en passions destructrices
[Affiche trouvée sur les murs de Paris, avril 2013.]
Mauvaises rencontres ?
En mai dernier, la préfecture de police organisait dans plusieurs collèges de Paris une opération de prévention des « risques de mauvaises rencontres sur la voie publique ». Un communiqué de la préf nous explique avec gravité que « les ados sont de plus en plus autonomes et effectuent les déplacements du domicile au collège sans être accompagnés ». L’autonomie, ce fléau capable de remettre en cause à lui seul l’idée même de police… Des flics en uniforme sont donc retournés à l’école pour éviter le drame, ce qui, nous direz-vous, ne changera pas beaucoup des profs pour ces bagnards à cartables que sont les collégiens. Déjà obligés de se lever tôt le matin pour apprendre l’esclavage qui les attend plus tard, déjà obligés d’écouter les sermons des pédagogues officiels du régime trente heures par semaine. Manquait plus que les flics, venus leur faire « acquérir les bons réflexes et assimiler les bonnes attitudes en cas de mauvaises rencontres », rien que ça.
Mais fini de rire. Pensons par nous-mêmes un instant au moins et reprenons l’angle de vue qui est le nôtre, et pas celui que nous inculque l’arsenal éducatif et médiatique du pouvoir. Les mauvaises rencontres auxquelles nous sommes confrontés quotidiennement, ce sont bien les rencontres avec la flicaille, ses contrôles permanents, son ordinaire violence, ses caméras rivées sur nous, ses coups de flashballs dans la gueule, ses insultes et ses assassinats (qu’ils soient tolérés ou non par la légalité). Loin de nous l’idée de nier le cannibalisme social qui pourrit tout autant nos vies, cette guerre aveugle entre pauvres et misérables pendant que la bourgeoisie attend patiemment dans les gradins de pouvoir nous dégager à coups de flic et de fric.
Mais nous souhaitons poser une question simple : dans un monde sans fric, sans valeur économique et sans concurrence entre les individus et les groupes sociaux, qui volerions-nous ? Se poser les bonnes questions, c’est identifier l’ennemi, c’est comprendre l’autorité afin de la détruire. Ne vois-tu pas, au bout de ce labyrinthe, la liberté qui nous tend la main ?
Lucioles n°9 – mai 2013
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Pour lire le bulletin texte par texte : Numéro 9
Cher bobo, prends tes flics et DÉGAGE !
Tu les vois fleurir les galeries d’artistes, les bars où ces maudits viennent s’abreuver de gobelets en plastique sur les trottoirs, ces mangeurs de merde en costard qui font visiter des apparts dont les loyers feraient exploser la tête de ton banquier, ces abrutis de journalistes venant filmer pour la deuxième partie du 13 heures comment qu’on est pittoresques nous les pauvres, les ânes en uniforme qui patrouillent dans le quartier pour s’assurer que la rencontre du troisième type entre galériens et bourges ne soit pas trop explosive… Voila qu’après nous avoir parqués dans des ghettos de pauvres, on nous insémine du p’tit bourge à la pelle et du flic au quintal, voila même qu’on voudrait nous virer, nous jeter un peu plus loin dans les oubliettes à pauvres des cités en attendant de nous trouver une poubelle galactique.
Ceux qui se la pètent appellent ça la gentrification, nous on appelle ça LA GUERRE.
Mais quand on veut la guerre, on finit par l’avoir. Faut croire que certains villageois ne se rendent et ne se rendront pas. Le pouvoir et sa flicaille n’arrivent pas tant que ça à nous civiliser. Il y a tant de petites attentions modestes, discrètes et quotidiennes qui leurs sont offertes. Ces petites choses de la vie qui foutent la patate et un bon gros sourire aux lèvres. Là une bande de flics qui se prennent des œufs pourris, des insultes et des pots de fleur sur la gueule, à côté un mur peint de doux torrents de haine dirigée à l’encontre des puissants, ailleurs un distributeur de banque défoncé à la masse, un commissariat aux vitres blindées bleu blanc rouge pas si blindées que ça (as-tu déjà fait un tour du côté de la rue Ramponneau ?). Et puis cet artistouille en pantoufles qui passe la journée sur son Mac derrière la vitrine de sa galerie d’art de 100 m² aux murs blancs, qui se retrouve avec des bouts de sa vitrine sur le clavier ? Et ces caméras là, qui pensaient pouvoir nous intimider de leurs regards discrets et imposants, en mille morceaux par terre pour l’une, couverte de suie pour l’autre ou encore couverte de peinture ou d’autocollants ! Puis cette magnifique baffe dans la gueule du bobo qui nous empêche de circuler vaut bien celle dans la gueule du flic qui nous force à circuler.
Rien n’égale ce petit brin de pagaille, ce bordel permanent, le désordre incontrôlé qui offre aux propagateurs du chaos, aux rebelles, aux amants de la liberté, une base fertile pour l’attaque et la diffusion de la révolte. Non, on n’est pas tous des zombies, prêts à s’agenouiller pour lustrer vos mocassins, tendant l’autre main pour que vous y passiez vos menottes, tendant l’autre joue en signe de dévotion. Nous entendons être libres et sauvages, et vous aurez beau nous dépeindre avec des couteaux entre les dents, nous appeler les « barbares », les « bandes », les « incontrôlables », les « casseurs », les « saboteurs », la beauté est de notre côté, dans la rage d’en découdre avec ce monde, ses institutions, et ses rapports pourris d’argent et de concurrence entre les individus.
Nous n’entendons plus écouter vos sérénades de politiciens-violonistes, car nous ne voulons ni de vos droits ni de vos devoirs, ni de votre sécurité ni de votre contrôle, et encore moins de vos promesses. Vous nous parlez de « zone de non-droit », nous répondons « pas assez ». Vous nous parlez de « zone urbaine sensible », nous répondons « oui, nous sommes de petits êtres sensibles, et c’est pour ça qu’on va niquer votre sécurité ». Parce que la « mixité sociale » de leur rêve, c’est la paix des riches et la guerre aux pauvres.
Alors sans trêve, sans reddition, sans pitié, seuls ou entre amis, continuons à renforcer la guerre aux riches et à leurs laquais, à leur propriété, leurs flics, leurs juges, leur paperasse, leurs galeries d’art subventionnées et leurs cafés branchés.
Qui sait… Peut-être que sur ce chemin nous apprendrons à faire la révolution ?
Brèves – mai 2013
• Je hais le pouvoir
5 avril, une quinzaine d’impacts sont relevés sur la permanence PS du 5e ardt. C’est le 2 mai que les vitres de la permanence PS du 4e étaient défoncées. En devanture, ses mignons petits militants avaient inscrit sur un tableau que « la violence politique est une atteinte à la démocratie ». Certes, oui. Atteignons donc la démocratie.
• Je hais la police
Le 24 avril, des flics se font caillasser à Vigneux-sur-Seine (91), dans le quartier de la Croix-Blanche. Un pavé atteint un keuf à la tête et l’envoie à l’hosto dans un état grave. Les adroits caillasseurs restent inconnus.
• Moi aussi, je hais la police
Soirée de week-end au centre de Paris. Un différend sur la route, un macho qui sort de sa bagnole et se dit agent de police (pas en service)… Il finit sa soirée dans une salle opératoire pour se faire recoudre foie et poumon. Brillante analyse d’un syndicat de flics : « C’est un acte de haine contre la police ». Trois personnes sont interpellées.
• Trouve le bon câble !
Quelques coupures de câbles dans deux locaux techniques de France Telecom privent un millier d’abonnés de téléphone et internet le 25 avril à Saint-Germain-en-Laye et Maisons-Laffitte (78).
• Occasions ratées…
Fin avril, un SDF qui faisait de la recup’ a trouvé un petit arsenal dans une poubelle, place Stalingrad. Un pistolet automatique, quatre grenades, des cartouches et une ogive de char, le tout parfaitement efficient. Les armes auraient appartenu à un collectionneur décédé, et la famille les auraient jetées. Malheureusement, le chiffonnier, en bon citoyen soumis, a appelé la police…
• Un jeu d’enfant
Le 7 mai dans l’Oise, deux personnes âgées d’une quinzaine d’années sont soupçonnées d’avoir saboté la ligne de TGV Lille-Paris et ont été interpellées par les képis. Ils auraient déposé des plaques de béton sur les rails de la ligne TGV dans le sens Lille-Paris. Un TGV, qui effectuait un trajet entre Lille et Rennes, a été « fortement endommagé » après avoir heurté le béton vers 14h45. Il a été immobilisé sur la voie pour vérifier la rame et est ensuite reparti, à vitesse réduite, en direction de Paris. Cet acte a entraîné des retards de 30 minutes environ pour cinq TGV, et un train Lille-Paris a dû être supprimé. Comme quoi il ne suffit pas de grand chose pour perturber les flux de bétail et de marchandises, à part déguerpir plus vite.
Les néons des villes ne font qu’éclairer notre colère
On voudrait nous faire croire que la ville c’est le progrès, mais le progrès ne nous détruit jamais aussi profondément que lorsqu’il construit. Les villes dans lesquelles nous vivons sont à l’image de nos vies civilisées : ennuyeuses, froides et vidées de sens, écrasantes par leur taille, étouffantes par leur manque d’air. Pour combler le vide de nos existences urbanisées, nous avons donné des identités aux villes, comme pour se faire croire qu’elles sont uniques, qu’il peut y avoir une fierté quelconque à en être. Mais quoi qu’il en soit, les villes se ressemblent toutes. Qui peut encore différencier d’une ville à une autre un supermarché, un centre commercial, une gare, un aéroport ou une prison ?
Qui veut encore se réapproprier la ville, la gérer, ou même l’auto-gérer, plutôt que de la détruire ?
À quoi servent donc ces bancs sur lesquels nous ne trouverons jamais de position confortable, à quoi servent donc ces toits en pente sur lesquels nous ne pouvons pas stocker de pierres pour caillasser la flicaille, et ces lampadaires qui nous éblouissent pour mieux nous rendre visibles aux yeux menaçants des caméras de surveillance toujours plus nombreuses, puis ces patrouilles de flics qui nous interdisent de nous rassembler ici ou là, ces barbelés sur lesquels nous déchirons nos jambes lorsque nous sautons les murs qui nous enferment, ces rues tellement immenses que nous nous y sentons trop petits pour les barricader, ces pompiers qui partout tentent d’éteindre nos feux de joie et de colère, ces médiateurs qui cherchent à orienter notre révolte au service de ce monde sans saveur et ces politiciens qui voient en la ville l’espace idéal pour nous contenir, nous parquer et stériliser notre rage. Mais l’urbanisme n’est que l’un des rouages de cette société de domination, il fonctionne de pair avec le système judiciaire, le maintien de l’ordre, la traque des indésirables, le système éducatif et carcéral et toutes les autres institutions du pouvoir et de l’autorité. Son but est de construire des villes optimisées pour le contrôle exercé par les flics et les citoyens. Il n’y a pas un urbanisme qui serait émancipateur, il n’y a que des villes à détruire de mille feux.
La ville ne tend qu’à la massification et la standardisation des individus, son aménagement, lui, ne vise qu’à prévenir le débordement et assurer la pacification qui garantit la bonne marche sociale des rapports de domination.
Le moindre recoin de chaque ville ne répond qu’à deux besoins : le contrôle social et le profit.
Ainsi, nous ne voulons pas nous réapproprier les villes ni les gérer nous-mêmes, car elles ne nous ont jamais appartenu, elles n’ont jamais rien été d’autre que des instruments de notre domination, que des prisons à ciel ouvert, et nous n’en voulons plus. La seule chose que nous pouvons faire des villes, c’est les transformer en terrains de jeu où libérer nos désirs insurgés.
À ceux qui veulent nous civiliser, nous répondons par la sauvagerie de nos passions destructrices, jusqu’à la fin de toute domination. La ville, nous ne voulons ni nous en évader ni nous la réapproprier, nous voulons détruire intensément et dans la joie le monde qui la produit, et elle avec. Pour l’insurrection.
Des sauvages.
[Affiche trouvée sur les murs de Paris, mars 2013.]
Deux ennemis ?
Pendant que dans les palais du pouvoir, la majorité PS approuve la loi pour le droit au mariage et à l’adoption pour les personnes du même sexe, se multiplient les exploits gerbants de ses opposants.
D’un côte l’obscurantisme religieux, de toutes les religions avec leur morale mortifère commune, et sa cohorte de fascistes. De l’autre le progressisme d’État, avec sa rhétorique droitdelhommiste et son contrôle, toujours plus sournois car enrobé de « droits », sur nos vies, sous forme de police, école, CAF, Pôle Emploi, Sécu etc…
Mais les deux « ennemis » qui s’affrontent à propos du droit au mariage pour les couples homosexuels (comme si des catégories comme hétéro/homo pouvaient définir toute la diversité et la créativité de nos sentiments et de nos désirs…) sont des frères jumeaux.
Entre une morale médiévale et des droits accordés par l’État, il n’y a qu’une différence de niveau, pas de principe. En effet, au fin fond des deux il y a bien solide le principe d’autorité. Pour les deux, il s’agit de nier la liberté aux individus. Il y aura toujours, dans leur esprit, des normes, des lois divines ou républicaines, une croyance religieuse dans la nécessité d’une quelconque autorité pour dire à l’individu qui, quand et comment il doit aimer, quel usage il doit faire de son corps, de ses sentiments, de sa vie.
Derrière la loi sur le mariage pour les personnes du même sexe, il y a la volonté, de la part d’une société qui se modernise, de normaliser les personnes jugées jusque là « différentes ». Cette société « accepte » ce qu’elle abhorrait encore hier, pour ne pas changer de fond. On accepte l’homosexualité afin de mieux l’intégrer. Pour faire des personnes « homosexuelles » de bons consommateurs, des familles, des citoyens sur lesquels fonder cette société, plutôt que des entités obscures et menaçantes à ses marges. Car le prix de la « reconnaissance » est toujours une plus grande fidélité au bon patron.
Dans ce faux combat entre les supporteurs des « droits » des personnes « homosexuelles » et les fascistes religieux, le choix des anarchistes, de tout individu épris de liberté, ne peut qu’être ailleurs. Au delà de toutes les catégories identitaires (homo, hétéro, femme, homme, mari, épouse) et des rapports sociaux figés (couple, mariage, famille) qui nous enferment dans un rôle prédéfini. Contre toute religion et toute morale asservissant l’individu, contre tout État, donc contre ses droits et ses devoirs. Car les deux camps ne sont que deux maillons également morbides de la même chaîne asservissant l’individu.
Pour la liberté, pour que chacun(e) puisse choisir quand, comment et avec qui vivre ses relations, son amour ou ses amours, les différents aspects de sa sexualité.
C’est seulement par la liberté, une liberté qu’il faut arracher à ce monde, que nous pourrons trouver l’espace pour des relations passionnantes. Assurément pas dans des mairies et de la paperasse. Nous ne voulons pas de mariage. Nous ne vouons pas de droits plus ou moins étendus. Nous voulons une liberté complète pour chacun(e), tout court.
GEPSAccage !
Peu de monde connaît Gepsa. Pourtant il s’agit d’une entreprise majeure dans son secteur (tout comme son concurrent principal : Sodexo Justice Services). En effet Gepsa, Gestion établissements pénitenciers services auxiliaires, est spécialisé dans la « prestation de services d’aide au fonctionnement d’établissements pénitentiaires » c’est-à-dire la maintenance et le nettoyage des taules, l’entretien des (peu d’) espaces verts, la restauration, la « cantine », le lavage du linge, la formation professionnelle et les ateliers de travail pour les détenus, leur soi-disant « réinsertion ». Mais ils assurent aussi (à Fleury-Merogis, par exemple) la gestion des dispositifs de sécurité. Ils se présentent eux-mêmes comme les « principaux partenaires de l’Administration Pénitentiaire ». Bref, ce sont de sales collabos des matons.
Gepsa gère, seule ou en consortium avec d’autres entreprises (souvent Eurest, du groupe Compass, pour la nourriture) une petite quarantaine d’implantations. Ce sont presque toutes des taules : Fleury-Merogis, Le Havre, Bourg-en-Bresse, Roanne, Béziers, Mont de Marsan, Lyon Corbas, Bordeaux Gradignan, Poitiers, Rennes, Argentan, Le Mans, Nancy…
Gepsa détient aussi la gestion complète des centres de rétention de Bordeaux, Palaiseau, Vincennes, Rennes et Toulouse et celle partielle (pour ce qui concerne les draps, le nécessaire de toilette et le nettoyage des vêtements des retenus) des CRA de Hendaye, Lyon et Plaisir. Encore, à Roubaix elle fournit ses services à l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ). Pour le Ministère de la Défense elle gère la base militaire de Satory (Versailles) où se trouvent des services techniques de l’Armée de terre et les sièges du Groupement blindé de gendarmerie mobile et du GIGN.
Dans le cadre d’un partenariat public-privé, Gepsa participe à un consortium chargé de construire puis gérer quatre nouvelles prisons : Lutterbach, Riom, Valence et Beauvais. Le Ministère de la Justice payera un loyer à ce consortium, afin de garer les détenus dans leurs geôles privées, et payera également Gepsa pour l’entretien des bâtiments et les « services » aux prisonniers. Ainsi, depuis 2008, les matons de Gepsa ont participé à l’ouverture de dix nouvelles taules.
Enfin, à l’étranger, Gepsa participe, avec d’autres coopératives, à la gestion du centre de rétention de Gradisca d’Isonzo, le deuxième plus grand d’Italie.
Gepsa est une filiale de Cofely (groupe GdF-Suez), et a donc parmi ses entreprises-sœurs Cofely Ineo, qui vient de gagner un marché pour la fourniture des uniformes des 120 000 fonctionnaires de la Police Nationale. GdF-Suez, tout le monde les connaît : ce sont ceux qui s’enrichissent avec nos factures, ceux des bagnoles blanches qui se promènent ou sont garées un peu partout dans la ville…
Gepsa a été créé en 1990, suite à l’ouverture aux entreprises privées du marché de la gestion et de la construction des prisons. Cette décision du gouvernement a fait suite à la décision d’augmenter le nombre de places disponibles dans les prisons françaises (le tristement célèbre « plan 13000 »). Pour emprisonner toujours plus, l’État a besoin de collabos privés, qui se font du fric avec. Gepsa, qui compte 360 employés et sert 145 000 repas (dégueulasses, pour la plupart) par jour, avait en 2010 un chiffre d’affaire de presque 66 millions d’euros.
Mais Gepsa ne fait pas du fric qu’avec l’État : sous le prétexte de la formation professionnelle et de la réinsertion, ils font bosser les détenus pour des entreprises tierces. On ne parle pas des quelques 650 personnes détenues qui sont exploitées directement dans les travaux de gestion dans les prisons, aux ordres du personnel/matons de Gepsa, qui, eux, se prennent peut-être pour des grands frères aidant des malheureux. En effet, des centaines d’autres détenus travaillent tous les jours pour des entreprises clientes de Gepsa, dans les ateliers internes des taules. Ils effectuent surtout des tâches de sous-traitance industrielle : confection, assemblage, conditionnement, montage, tri, etc. pendant que Gepsa se fait payer, comme une quelconque agence intérimaire. Bien sûr, tout cela sans les petites contraintes du code du travail et en payant ses esclaves à vil prix. Gepsa affirme pouvoir « mobiliser » (mettre à la tâche) 2700 « opérateurs » (détenus) chaque jour dans ses 18 ateliers situés dans différentes taules. Les détenus travailleurs seraient « tous volontaires et polyvalents, […] habitués à passer d’une tâche à l’autre et fourniss[a]nt des travaux particulièrement soignés » clament les matons/esclavagistes dans leur pub. Mais on sait bien à quel point la pauvreté de la plupart des prisonniers, liée à leur situation de privation de liberté, participe au chantage du travail en prison.
Pourtant ces salopards se présentent comme des bienfaiteurs : selon les matons/esclavagistes de Gepsa, l’exploitation des prisonniers « contribu[e] à l’amélioration de leurs conditions de détention » et en travaillant pour eux le détenu est censé « évoluer dans un environnement professionnel qualifiant et s’inscrire ainsi dans une dynamique positive de retour à la vie civile ». C’est-à-dire le retour dans une société qui est elle-même une prison…
Si vous voulez dire à ces matons ce que vous pensez d’eux :
Gepsa
8-10, rue Henri Sainte Claire Deville
92563 Rueil-Malmaison Cedex
Tél. : 01.47.10.32.40
M. Pascal Roger : Directeur général et Président du Conseil d’administration.
Mme Christelle Roux : Directrice général déléguée.
La Santé fait peau neuve
Alors que l’Observatoire international des prisons ne cesse d’alarmer sur l’insalubrité de plusieurs taules, le Ministère de la Justice finit par se voir obligé de réagir, pour sauver son image de « protecteur » de la société, souhaitant le bien de tous les citoyens. Ainsi, Christiane Taubira (actuelle ministre de la Justice) a récemment annoncé le déblocage de 800 millions d’euros pour financer un plan de rénovation de quatre prisons : Fleury-Mérogis, Aix 2, Les Baumettes 2 (à Marseille) et la maison d’arrêt de la Santé, dernière taule à abattre à Paris dans le 14e arrondissement. Elle a été inaugurée en 1867 et plusieurs blocs y sont déjà fermés à cause de leur état de vétusté. Selon de récentes annonces officielles, elle ne devrait plus accueillir de nouveaux détenus à partir du 31 décembre 2013 (sachant qu’elle en compte actuellement environ 680 pour 483 places), et devrait être entièrement vidée pour le 31 juillet 2014. Les détenus restants seront transférés dans d’autres prisons comme Fresnes ou Fleury-Mérogis, déjà surpeuplées. Les pros de la truelle chargés de la rénovation n’ont pas encore été désignés, mais l’organisation des travaux, prévus sur une durée de quatre ans, a été confiée à l’Apij (Agence Publique pour l’Immobilier de la Justice). Leurs détails ne sont pas encore connus, mais on entend principalement parler, du côté des responsables du projet, d’une augmentation du nombre de cellules individuelles, de la création de places de semi-liberté (pour la réinsersion, mot-clé de l’opération), et de nouveaux dispositifs de surveillance. Comme les charognards du système pénitentiaire sont bien obligés de laisser sortir un jour ou l’autre la plupart des personnes incarcérées, il ne leur suffit pas de détruire les individus par l’isolement et l’humiliation : il souhaitent également en profiter pour en faire de petits rouages de la société, bien huilés et bien rangés. D’où leur intérêt pour la (ré)insertion…
Mais nous n’avalerons pas une miette des discours de ceux qui voudraient nous faire croire que l’on améliore les conditions de détention « pour notre bien », car perfectionner le système carcéral signifie avaliser et légitimer les prisons, donc perpétuer leur existence. Et nous, ce que nous voulons, c’est danser sur leurs cendres après que notre rage et notre désir de liberté les aient fait partir en fumée !
Vert-de-gris, blanches ou dorées, les cages seront toujours des cages, donc à détruire !
Une nouvelle prison à Beauvais ?
La prison de Beauvais s’écroule. Une bonne nouvelle, penseront, peut-être à tort, les amants de la liberté. Une bonne nouvelle pour l’État et ses bourreaux : ça veut dire construire une nouvelle taule, plus grande et plus sûre. Une bonne nouvelle pour les patrons du ciment et les investisseurs : ça veut dire des affaires.
Dès juin commenceront les travaux de construction de la nouvelle prison, à la sortie sud de la ville, en direction de Saint-Martin-le-Nœud. Elle devrait « ouvrir ses portes » en octobre 2015, pour un total de 594 places dans les trois bâtiments principaux, plus un pour les femmes, le quartier disciplinaire et le quartier de semi-liberté. Elle remplacera l’ancienne taule du centre-ville (qui compte 117 places) et la prison de Compiègne (82 places), celle-ci étant aussi destinée à la fermeture. Dans l’Oise, la prison de Beauvais restera en mauvaise compagnie avec la prison de Liancourt, où l’ancienne taule a déjà été partiellement remplacée par un nouveau bâtiment, ouvert en 2004 (actuellement 636 places).
La forte augmentation des places disponibles en dit beaucoup sur la volonté de l’État d’enfermer toujours plus de personnes dans des taules toujours plus « sécurisées ». Celle de Beauvais, notamment, sera un carré de 240 x 240 mètres, contrôlé par quelques 300 matons, dont la plupart vont s’installer en nouveaux arrivants dans le chef-lieu isarien.
La nouvelle taule, dont le coût est estimé à 75 millions d’euros, sera construite dans le cadre d’un partenariat public-privé : la prison restera propriété privée et l’État s’engage à payer un loyer aux constructeurs/propriétaires. Un consortium d’entreprises dirigé par Spie Batignolles a gagné l’appel d’offre pour bâtir (et ensuite entretenir) quatre nouvelles prisons, d’ici à 2016 : Beauvais, Riom (Puy-de-Dôme), Valence (Drôme) et Lutterbach (Haut-Rhin).
Spie Batignolles est un grand groupe de BTP, ayant participé à la construction du tunnel sous la Manche, du Pont de Normandie, des métros de Lille, Toulouse, Lisbonne et Le Caire, des Lignes à Grande Vitesse Méditerranée, Rhône-Alpes et Est et (pour les ouvrages de génie civil) de la centrale nucléaire de Koeberg, dans l’Afrique du sud de l’apartheid.
Pour ce qui sera de l’entretien et de la gestion de la prison quand elle sera terminée (et pendant 25 ans), il y a Gepsa, filiale de Cofely-GdF-Suez, leader dans les services à l’Administration Pénitentiaire.
Et pour la thune, voilà les investisseurs : Barclays Infrastructure Funds Management, filiale de la grande banque anglaise, et FIDEPPP, Fonds d’Investissement et de Développement des Partenariats Public-Privé, du groupe BCPE, c’est-à-dire des Caisses d’Épargne et des Banques Populaires.
Une nouvelle prison est une mauvaise nouvelle pour les amants de la liberté… mais elle n’est pas encore construite ! Et qui sait si elle ne pourrait pas revenir plus cher que prévu aux vautours de l’enferment ?
Lucioles n°8 – avril 2013
[Après un hiatus d’une petite dizaine de mois, nous sommes heureux d’annoncer la sortie d’un nouveau numéro de Lucioles, sous une autre forme. Dorénavant le bulletin sortira plus régulièrement, et son format sera plus réappropriable qu’auparavant.]
Cliquer sur l’image pour lire le pdf
Pour lire le bulletin texte par texte : Numéro 8
Quand le paquebot rencontre l’iceberg – Contre la construction de la nouvelle cité judiciaire
Vous avez peut-être déjà remarqué les projets d’urbanisation affichés le long de l’Hôtel de ville ? On y voit clairement le souhait de la ville de Paris de « moderniser » toute la capitale, sans laisser de répit au moindre quartier. Parmi ses multiples projets pour y parvenir, la ville de Paris a lancé un grand programme de construction dans le 17e arrondissement, l’éco-quartier Clichy-Batignolles, qui devra se situer entre la gare de Pont-Cardinet, le métro Brochant et le périph’. Et comme la ville pacifiée qu’ils souhaitent est indissociable du système de répression qui la fait tenir, le ministère de la Justice a aussi un grand projet : un nouveau palais de justice pour reloger le Tribunal de Grande Instance (TGI) de l’île de la Cité, jugé trop petit pour la tâche qui lui incombe, c’est-à-dire protéger la société contre tout ce qui pourrait lui nuire. L’idée est donc de construire un bâtiment tout neuf, qui sera appelé la « Cité judiciaire », près de la porte de Clichy, dans l’éco-quartier en prévision. Le ministère de la Justice a choisi d’en confier la construction à Bouygues, suivant les plans réalisés par l’architecte Renzo Piano, principalement connu pour avoir dessiné en 1977 l’infâme Centre Pompidou, mais également concepteur d’une bonne quantité de musées, aéroports et autres édifices dans le monde entier [nous vous proposerons dans un prochain numéro un portrait plus détaillé de cette starlette de la domination. En attendant, notons déjà que son agence se situe au 34 rue des Archives, 75004 Paris].
Le site devra rassembler le TGI de Cité (seules la cour d’appel et la cour de cassation y resteront), les tribunaux d’instance de chaque arrondissement de Paris, le tribunal de police, la Direction Régionale de la Police Judiciaire (actuellement basée au tristement célèbre 36 quai des Orfèvres), ainsi que de nombreux services du système judiciaire (dont le service de l’application des peines).
Le projet : une tour en verre de 160m de hauteur, construite en trois blocs superposés sur le socle (lui donnant une allure de paquebot), ornée de jardins suspendus sur chaque toit pour faire plus vert. Au total, plus de 60 000 m² de surface, 90 salles d’audience, un parvis immense avec cafés et restaurants, des « papillons » ou « branchies photovoltaïques » pour donner un style « tendance », un jardin d’hiver et un ascenseur panoramique. Et pour « urbaniser » encore le quartier et acheminer magistrats, flics et visiteurs, les lignes de métro 14 et de tramway 3b seront prolongées et passeront par la station porte de Clichy, sur le parvis du nouveau tribunal.
L’édifice a été conçu suivant les critères à la mode du capitalisme vert : sa consommation d’énergie devrait être divisée par deux par rapport aux autres tours de cet acabit. Et comme les promoteurs du « développement durable » se satisfont très bien de l’idée de construire partout plein de tours en verre et en béton, du temps qu’il y a quelques arbres plantés dessus pour faire joli, pour faire « nature », alors le bâtiment est parfaitement conforme au style en vogue. De plus, notre bienfaiteur Renzo Piano n’oublie pas le futur usage qui sera fait de son œuvre : « c’est un endroit qui va accueillir des gens fragiles, en attente d’être jugés. J’ai donc voulu quelque chose d’accueillant, qui dégage de la luminosité et de la sérénité. […] On doit créer un esprit de confiance pour la personne qui va être jugée ». Délicate attention ! Au moins, une fois en prison, ces « gens fragiles » pourront le remercier d’avoir rendu leurs interrogatoires, détention et procès plus agréables et sereins. « Le palais sera clair, léger, transparent et ouvert sur la ville, l’antithèse du palais intimidant, hermétique et sombre du passé. » Nous voilà rassurés ! Oui, parce que même si les bonnes vieilles méthodes de répression ne changent pas, ou peu (on enferme quiconque a fait un faux pas, et on brandit la menace de la prison à tous les autres pour effrayer et faire marcher au pas), il est tout de même conseillé de mettre au goût du jour le visage de la vieille justice. Maintenant qu’on a transféré les bidonvilles dans de lugubres barres HLM, qu’on construit des prisons aux murs de plus en plus blancs, qu’on sait bien faire croire que l’on enferme ceux que la société considère comme « fous » pour les soigner, qu’on jette de la poudre aux yeux en faisant passer les intérêts du patron pour ceux des employés, les nécessités des dominants pour le produit de la volonté générale, on veut faire passer un tribunal pour un « lieu accueillant ». A entendre tant parler d’absurdités comme des prisons plus « humaines », des guerres justes, des camps humanitaires, des métiers passionnants, c’est que la mode doit être à l’oxymore, alors pourquoi pas un palais de justice « accueillant », tant qu’on y est ?
Voyons les mots-clés du projet : sûreté, efficacité, confort. La sûreté, cela paraît évident pour un palais de justice où le pouvoir va transférer, interroger, enfermer, juger ses ennemis ou ses concurrents. De l’efficacité, car la Justice, il ne faut pas que ça traîne ! Et le confort, sûrement pas pour tout le monde… Sûrement pour ces pourritures de magistrats qui auront un bureau avec vue sur la ville, pourront se déplacer en ascenseur panoramique ou profiter du jardin d’hiver du palais entre deux assassinats judiciaires. Le confort ne sera sûrement pas pour ceux, peut-être nous, qui se retrouveront sur le banc des accusés ou dans les cellules du dépôt, cela serait presque absurde puisque tout le mal que l’on se donne pour cette bâtisse et le système répressif qui la requiert a pour but de mieux nous traquer, nous pourchasser, nous sermonner, nous enfermer, nous humilier, nous éduquer, nous (ré)insérer… Notre architecte mégalomane n’a pas oublié les fauves à dompter, pour qui est généreusement prévu un « espace sécurisé », pour assurer la « protection du palais » (des cellules pour les détenus et prévenus, fonction qu’assurent actuellement le dépôt et la souricière de la Cité, célèbres pour leur état glauquissime).
Avec le lancement de ce nouveau projet, le sens du souhait du maire de Paris Bertrand Delanoë d’une « justice plus ambitieuse » apparaît sans équivoque : pouvoir juger plus, et donc inévitablement condamner plus. Ils veulent que la répression s’accentue et que la pacification progresse pour garantir l’ordre dont ce monde a besoin pour tourner sans encombres, pour assurer le maximum de profits aux puissants. Et si la paix sociale coûte cher (elle coûte notre résignation et tout ce que l’État compte de flics, de prisons, de tribunaux, de collabos, de balances, de pôles emploi et autres outils de contrôle), c’est que d’un autre côté elle rapporte beaucoup à ses vautours : les célèbres Bouygues, Eiffage et Vinci ainsi qu’une multitude d’autres entreprises rapaces qui remplissent à craquer leurs immenses poches en construisant prisons, centres de rétention ou tribunaux, en installant partout des caméras de vidéo-surveillance, en assurant la maintenance de commissariats, en participant activement à la restructuration urbaine, en bétonnant de plus en plus le monde, etc.
Côté technique, la construction du palais revient donc à Bouygues Bâtiment Île-de-France (filiale de Bouygues Construction), dans le cadre d’un partenariat public-privé, moyennant quelques 600 millions d’euros, et le contrat précise que la maintenance de l’édifice sera effectuée par la société Exprimm, elle aussi filiale de Bouygues, pendant 27 ans et en l’échange de plus ou moins 90 millions d’euros chaque année. Ce coût exorbitant a tout de même fait hésiter quelques politicards, et le gouvernement est actuellement en train d’essayer de renégocier le contrat, mais Bouygues a tout prévu lors de sa signature début 2012 pour ne pas pouvoir se faire avoir ensuite : en cas d’abandon total du projet, l’État devrait lui verser des indemnités à hauteur de 80 millions d’euros. Du coup, le projet est maintenu, les travaux devraient commencer mi-2013, pour une mise en service en 2017… à moins que nous ne l’empêchions, en attaquant ces politiciens et leurs collabos partout où ils se trouvent !
Faisons en sorte que ce paquebot géant finisse comme le Titanic,
contre l’iceberg de nos passions destructrices !
Brèves – avril 2013
● 1,2,3… Le 4 avril, dans le comico du VII, un keuf s’est suicidé. Le 2, un autre flic, à Denain (59), a mis fin à ses jours lui aussi. Le même jour, à Saint Germain-Laxis (77), rebelote : c’est le tour de Noël Rabin, boss des keufs de son état, de libérer le monde de sa présence. On attend avec impatience les nouvelles des jours suivants… Entre temps, chez Monop’ de Couronne, on peut pecho assez facilement du champagne !
● Feu au tribunal ! Dans la nuit du lundi 8 avril, quelqu’un a mis le feu au Tribunal de commerce de Beauvais. Une vitre du greffe a été cassée et un engin incendiaire a été lancé à l’intérieur. Malheureusement, le tribunal continue son activité, bien que des dossiers soient partis en fumée.
● Un architecte de Vinci obligé de se mettre au vert. Fin mars dernier, Jacques Ferrier, architecte choisi par le groupe Vinci pour participer à l’élaboration du nouvel aéroport prévu à Notre-Dame-des-Landes près de Nantes, « l’un des architectes les plus engagés en matière de développement durable » d’après les promoteurs de ce nouveau tas de béton, a retrouvé le hall de son agence (77 rue Pascal, Paris 13e) repeinte à l’aide d’extincteurs. Les couleurs? Vert comme le bocage, marron comme la m…
● Paf les matons ! Quatre matons de Bois-d’Arcy sont reconnus par d’anciens détenus dans une boîte de nuit des Yvelynes le 17 février, ils sont copieusement tabassés.
● Paf les syndicats de matons ! Le 28 janvier et le 3 février, les vitres des locaux CGT des 19e et 20e arrondissements ont été défoncées en réponse aux protestations des matons qu’elle syndique, et en solidarité avec les prisonniers en lutte de Roanne et d’ailleurs.
● Mais qui peut bien en vouloir aux banques ? Dans la nuit du 10 février, la quinzaine de distributeurs de banque de la rue de Belleville s’est retrouvée dans l’impossibilité de fonctionner grâce à de la colle dans la fente qui prend la carte.
● Elle fait mal hein ta lacrymo ? Le 8 mars dernier, une quarantaine de jeunes trublions s’introduisent de force dans le MacDo du centre commercial de Saint-Quentin-en-Yvelines. Les flics interviennent mais quelques minutes plus tard, un nouvel affrontement éclate devant un magasin. D’après les flics, « L’un des jeunes a projeté une adjointe de sécurité contre la voiture alors qu’elle menottait un autre suspect. C’est alors que celui qui avait réussi à se libérer a donné un coup de poing dans l’extincteur à gaz lacrymogène tenu par un autre policier. » La flic reçoit alors la bonbonne qui lui explose à la gueule, elle est sérieusement brûlée au visage et aux yeux.
Coupures
● 14 janvier : Pas de courant pour les bourges ! Dans la nuit, un incendie s’est déclaré dans un poste ERDF de Levallois-Perret et a privé d’électricité jusqu’à 70 000 foyers de Levallois et Neuilly.
● 14 février : à cause d’un accident sur un transfo, une partie du quartier du Chaperon vert, à Arcueil, a été privé d’électricité pendant quelques 24h. Idem comme ci-dessus.
● 24 février : l’incendie d’une installation électrique le long de la ligne U (La Verrière-La Défense) du Transilien bloque complètement la circulation des trains. Une armoire électrique et informatique qui commande les feux de signalisation, les aiguillages et les systèmes de sécurité est partie en feu. Aujourd’hui, pas de taffe ! Et demain, le bus… ou non ?
● 4 mars, encore à Arcueil : un pâté de maison reste sans électricité à cause d’un câble souterrain brulé.
● 5 mars, Créteil et environs : 60 000 clients EDF sans électricité durant une heure. Court-circuit sur une ligne à très haute tension enterrée dans le sol, probablement à cause d’un coup d’excavatrice sur un chantier de travaux routiers. Le courant est remis en raccordant le réseau à une autre ligne THT.