Édito n°2: Travailler c’est se constituer prisonnier

« Un édifice basé sur des siècles d’histoire ne se détruit pas avec quelques kilos d’explosifs »
Pierre Kropotkine.

Nous sommes tous à un moment ou un autre de notre vie des prisonniers, car travailler c’est se constituer prisonnier. Pourtant le travail tue bien plus que la prison, c’est même le plus grand meurtrier de masse de l’histoire. Il l’a toujours été, certes, mais le mode de production capitaliste et son organisation du travail ont largement participé à intensifier violemment les rapports d’exploitation au sein des entreprises, dans les usines et les commerces. Concrètement, il faut produire toujours plus, toujours plus vite, faire du chiffre, donner de sa personne. Mais toute cette machinerie ne pourrait pas tourner sans l’idéologie qui accompagne le Travail, et qui est souvent forcée d’employer la menace et la contrainte pour s’imposer.

Un peu partout, des individus sont aux prises avec des conditions de vie plus que merdiques et inacceptables, la pauvreté gagne du terrain parmi toujours plus de gens, et même chez ceux qui se croyaient à l’abri. Cette misère qui s’impose de guerre lasse est aujourd’hui l’une des raisons qui poussent beaucoup d’employeurs, des grands patrons qui jonglent avec les millions aux petits commerçants de quartier, à serrer drastiquement la vis sur les diverses latitudes de l’exploitation de leurs salariés. Dans ce serrage de vis général, certains abusent plus que d’autres et certains, même, se permettent de dépasser les cadres légaux et le code du travail. Parfois au JT, certains sont épinglés sur des cibles de jeu de fléchettes pour que la foule puisse se défouler, et oublier par ailleurs ce qui constitue le vrai problème: que le travail et l’exploitation sont en eux-mêmes des abus, que notre dignité ne sera pas retrouvée tant que nous n’en aurons pas fini avec l’économie, le capitalisme et la marchandisation.

Du grand patron de la finance qui a gratté des milliards sur le dos de pauvres endettés et expulsés de leurs logements au petit gérant de supérette, de restaurant ou du bâtiment qui a licencié à tour de bras, qui s’est rendu responsable d’humiliations et de traitements dégueulasses sur ses employés, qui a employé des sans-papiers en les payant moins qu’il ne payerait un âne, tous peuvent du jour au lendemain se retrouver sous les feux de la rampe. On les appelle, de façon bien commode, les « patrons voyous », et les racailles politiciennes des partis et organisations de gauche et d’extrême-gauche comme de droite et d’extrême-droite font leur beurre électoral dessus tandis que les charognards médiatiques en font leur quatre-heure dans leurs pages « sociales ». On peut maintenant tous se défouler sur quelques salauds désignés par la vindicte populaire et oublier tous nos problèmes.

Cependant, la notion de « patron voyou » nous semble bien superficielle. Certes, certains patrons outrepassent leurs droits, en cela, ils sont des voyous vis-à-vis de la loi, mais cela ne nous intéresse pas. Notre problème est plus épineux, c’est qu’il existe encore des patrons et des employés, des maîtres et des esclaves, des riches et des pauvres, la hiérarchie et l’argent. Il faut refuser d’accepter la catégorie des « patrons voyous », parce que celle-ci créé une autre catégorie, celle des « bons patrons », des « bons gérants ». Cela est inacceptable, parce qu’endosser les habits du patron, c’est accepter les règles d’un jeu qui n’a d’autres conséquences que l’avilissement de l’humain par l’humain. Le « bon patron » aura beau éclairer le monde de sa beauté intérieure, il reste celui qui donne des ordres. De plus, la notion de « patron voyou » impliquerait que l’exploitation ne serait que le fait d’un petit nombre de patrons abusifs dans un monde qui respire la joie au travail, alors que non, nous vivons dans une société de merde qui est elle-même le produit du travail, et qui en est profondément malade.

C’est aussi le mensonge qui affirme que la souffrance du travail n’est imputable qu’à quelques individus facilement isolables et pas à un mode d’organisation de la vie, qui la soumet à des impératifs de production et qui transforme tout ce qui est, vivant ou non, en marchandise. Et même si demain une bande de justiciers avant-gardistes exécutait chaque patron voyou d’une balle dans la tête en pleine rue, le problème resterait là, dans les marques laissées sur nos corps par des années de turbin, dans l’état de léthargie dans lequel se trouve le travailleur après une journée de travail.
Aussi vrai qu’un édifice basé sur des siècles d’histoire ne se détruit pas avec quelques kilos d’explosifs, le travail ne sera pas détruit par la simple critique de l’exploitation.

Pour la destruction totale du travail.

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Brèves

Nouveau projet pour divertir les pauvres, la mairie socialiste du XIXe a décidé d’installer 7 salles d’art et d’essais à la porte des Lilas pour la fin 2011. « On espère créer avec ces futurs cinémas un cœur battant pour ce secteur, un lieu de convergence entre Paris et les communes limitrophes » assure François Dagnaud, premier adjoint (PS) du XIXe. S’inspirant du modèle du MK2 des quais de seine à Stalingrad/Jaurès, ils espèrent ainsi faire baisser la délinquance et les trafics. Mais nous ne sommes pas dupes, ni terrain de foot, ni politique, ni urbanisme culturel ne calmeront notre rage.


Dernièrement, des directives ont été données dans plusieurs départements par des préfets pour que les sans-papiers ne puissent pas accéder aux « centres d’hébergement d’urgence », d’immondes taudis dans lesquels se protéger du froid quelques heures. Il s’agit de resserrer l’étau sur les sans-papiers, à l’heure où de nombreuses personnes crèvent du froid dans la rue, dans un silence glacial.


Dimanche 26 décembre à Montreuil, des inconnus s’en sont allés dire leur façon de penser à ceux qui s’enrichissent sur notre misère, en l’espèce, des agences immobilières. Trois d’entre elles ont vu leurs serrures sabotées à la soudure à froid, enrichie de petits bouts de bois, et leurs façades maculées de tags : « Nik les proprios », « Nik la propriété », « Père Noël, je voudrais qu’il n’y ait plus de prisons du tout », « spéculateur de la misère », « Liberté pour tous », « Feu aux prisons ».
C’est bien là les seuls cadeaux qu’ils méritent.


À Argenteuil. Un supermarché Franprix et ses 1500 m2 de marchandises partent en fumée, le 26 décembre, un jour après la grande communion de fin d’année. Un coup de colère inattendu du Père Noël ? Il serait monté sur le toit, puis, en guise de cadeaux, aurait déversé un beau petit paquet de cocktails Molotov, ravageant ce grand temple du capitalisme, et faisant tomber en larmes ses adorateurs. Adorateurs qui réclament illico la mise en place d’un commissariat juste en face. Quelques semaines auparavant, le magasin avait été pillé par une quinzaine de personnes peu soucieuses de passer par les caisses. Rebelote quelques jours plus tard, avec le double de joyeux participants. Enfin, le 8 décembre, c’est la voiture du gérant qui part en fumée, en guise de cerise sur la gâteau.

Voilà le genre d’illuminations qui réchauffe nos cœurs. Vivement la nouvelle année !


Le dernier week-end précédant Noël, les flux d’argent ont été perturbés par de vilains profanateurs, qui ont englué quelques distributeurs automatiques de billets des quartiers bourges de la capitale. Voici le communiqué anonyme retrouvé sur le net:
« Comme DAB. Dans la nuit de vendredi 17 à samedi 18/12 à Paris, une dizaine de DAB ont été sabotés à la colle forte (fente + clavier) dans le quartier des grands magasins, la veille du jour où ces derniers réalisent leur plus gros chiffre d’affaire de l’année. Mort au père noël ! Vive l’anarchie ! »


En 2010 dans toute la France, c’est 42 000 voitures qui ont été incendiées, un sport national bien plus passionnant que le foot. La moyenne s’élève donc à 115 bagnoles cramées par jour. Vous aussi participez au concours, choisissez bien vos cibles et faites péter les stats ! Bonne année 2011 à tous les flambeurs.


Un homme de 20 ans a été arrêté à Paris, accusé d’avoir effectué en 18h chrono, un peu moins de 200 appels d’insultes pour encombrer les lignes de plusieurs commissariats de police (5e, 15e et 8e arrondissements, Villepinte, Bagnolet, Pantin, Aubervilliers), ainsi que des casernes de pompiers militaires des 15e et 10e arrondissements. On remarquera que les hôpitaux n’ont pas été visés par cette petite attaque téléphonique, pour preuve que les cibles n’ont pas été choisies par hasard. Il a été interpellé à sa sortie du tribunal de grande instance de Paris où il était convoqué le jour même. Chacun sa façon de saboter le système et ses laquais à sa petite échelle, en voici une autre, félicitation pour la créativité ! (Mais pensez quand même à ne pas le faire de chez vous) Bien sur, ne pas supporter l’oppression est traité comme un symptôme de maladie, c’est pour cela qu’il a été interné de force à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police. Bon courage l’ami !


L’installation de caméras de vidéosurveillance dans les transports n’est pas que dissuasive. Chaque mois, la police demande environ 500 fois leurs bandes à la SNCF ou à la RATP. Dans 60 % des cas, il s’agit d’affaires qui se sont déroulées sur les réseaux ferrés, ce qui veut dire que dans les autres, ces caméras ont permis de retrouver des gens en lien avec des affaires liées à l’extérieur. N’oublions pas que la bleusaille est toujours aux aguets, même si elle n’est pas systématiquement efficace : des caméras peuvent être hors-service (ou mises hors-service), et un bon nombre d’entre-elles laisse des angles morts. Ne l’oublions pas.

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L’arme, celui qui la tient, et ce qu’il sert

Le 29 novembre dernier, un homme mourait entre les mains de la police dans un immeuble à Colombes, dans les Hauts-de-Seine. Le 13 décembre, c’est à Marseille que les flics tuaient un homme à coups de flashball. Le 1er janvier enfin, un homme était abattu de plusieurs coups de feu à Courtry, encore en banlieue parisienne.

Que les flics soient des assassins n’est pas une nouveauté, et nous n’allons pas faire ici la morbide liste de leurs états de service en la matière.
Sans surprise, les médias, toujours là pour lécher le cul du pouvoir, se sont succédés pour poser de fausses questions et relayer la parole des flics. Les policiers, c’est bien connu, ne font que se défendre, et répondre pas des « tirs de riposte » contre des individus « agressifs et particulièrement violents », « hors de tout contrôle », « des forcenés »: entre les assassins et les personnes tuées, on ne sait plus qui est qui.
Les « morts » (on notera au passage comment le mot « mort » évacue toute responsabilité, et insère une part de naturel dans l’assassinat) étaient-elle due au Taser, au flashball? Les types qui se sont faits descendre par les cognes étaient-ils asthmatiques ? Cardiaques, peut-être ?
La polémique enfle. « Ah, le Taser et le flashball, on avait bien dit que c’était dangereux ! », s’empressent de dire quelques démocrates indignés dans les deux premiers cas. « Faux ! », répond la préfecture, « Le premier homme est mort d’une asphyxie. Et rien ne prouve non plus que les gaz lacrymogènes soient responsables du décès. Dans le deuxième cas, la personne a jeté une tasse sur les policiers, c’était de la légitime défense ! ». Pour un peu, on entendrait dire qu’il y avait une peau de banane dans les couloirs, et que le premier malheureux a glissé dessus alors qu’il fuyait.
Alors, le Taser, les lacrymogènes, le flashball, la maladie, la faute à pas de chance, ou la peau de banane ?
Il ne faut pas rire avec ça, trois hommes sont morts, et ce ne sont pas les premiers.
Mais nous sommes très sérieux. Reprenons.
Ce n’est ni le Taser, ni les lacrymogènes, ni le flashball, ni des flingues qui ont tué ces hommes –les objets ne sont responsables de rien- mais les agents qui ont utilisé ces armes.
Seraient-ils encore vivants que ça ne changerait pas grand chose quand au fond de l’histoire. Le terme « bavure » est depuis toujours utilisé par ceux qui, étant du côté des flics, veulent débattre de quelle police, et du comment la rendre acceptable aux yeux de tous et toutes. Ceux qui sont embêtés quand la police assassine, mais qui n’ont pas grand chose à redire sur l’existence des flics en tant que tels, et sur leur rôle de gardiens de l’ordre des choses. Ceux qui utilisent ce terme entendent masquer la normalité qu’est la violence policière, elle-même étant une incarnation de la violence de l’État, elle-même simple reflet de la violence inhérente à tout rapport autoritaire. Ils préfèrent militer pour « Désarmer la police » (en clair : leur enlever le Taser et le flashball, en leur laissant les armes plus classiques : menottes, flingues, matraques, gazeuses), et pour une « police de proximité ». Ou comment se focaliser sur des violences particulières, pour masquer le reste de leur sale boulot : contrôles, rafles, tabassages, insultes, coups de pressions, gardes à vue, déportations, etc..
Mais pour nous, la police est toujours trop proche. Et même quand elle assassine, matraque, enferme et livre à la Justice des personnes qui nous sont inconnues, parfois à des milliers de kilomètres de distance, nous ressentons les effets de sa besogne au plus profond de notre cœur. Parce que nous sommes nombreux à en avoir déjà fait l’expérience. Parce que, dans un État démocratique comme dans tout type d’État, la police est constituée d’individus ayant fait le choix de défendre en armes la légalité, et donc, de faire en sorte que rien ne change. Nous qui étouffons dans la société, nous savons que nous aurons la police en face de nous, et contre nous, un jour ou l’autre. Parce que le pauvre est pour l’État une menace qu’il faut surveiller comme le lait sur le feu, un indésirable en soi. Parce que l’État sait pertinemment que le capitalisme qu’il protège, gère et accompagne, crée autant de misère que de raisons de se révolter. Parce qu’étant révoltés, et cherchant les moyens (en nous foutant de savoir s’ils sont «légaux » ou non, la loi n’étant pas notre boussole) de nous sortir de cette misère sociale, la Justice trouvera toujours quelque chose pour nous condamner, à l’aide de ces ridicules bouts de papier qu’elle nomme lois, cartes d’identité, code pénal, code civil, et qui n’ont jamais été autre chose que des cautions morales et des outils pratiques pour l’oppression politique, la domination économique, la dépossession et l’exploitation de nos vies.

Alors disons les choses clairement : on s’en fout du Taser et du flashball, de telle ou telle arme. Certes, les armes ne sont pas des instruments anodins. Elles servent toutes à menacer, à blesser physiquement, à torturer ou à tuer. Mais le problème n’est pas tant l’arme que celui qui la tient, et pourquoi il s’en sert. En ce qui concerne la police, le pourquoi est clair depuis la nuit des temps, depuis que l’État a été créé pour défendre les riches et les puissants. La police sera là tant que l’État sera là. Et tant que l’État sera là, les « alternatives » que la société nous laissera seront les mêmes : travaille et tiens-toi tranquille, ou alors va croupir en prison, ou alors va crever. Dans tous les cas, la misère, la servitude et la mort sont les dernières promesses crédibles que peut nous faire le capitalisme.

Il n’y a pas trente-six solutions possibles pour ceux qui désirent encore vivre librement : la révolte ou l’esclavage.

À bas les flics, à bas l’État.

[In italiano]

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Quand les flics se roulent dessus

Sept policiers jugés à Bobigny pour avoir accusé à tort un homme, ont été condamnés à des peines comprises entre six mois et un an de prison ferme. Cette peine sera «inscrite au casier judiciaire pour cinq d’entre eux, ce qui entraîne une radiation de la police» (AFP).

Le 9 septembre, à Aulnay-sous-Bois, un keuf avait été blessé à la jambe après avoir été percuté par une voiture lors d’une course-poursuite. Dans un procès-verbal, ses collègues et lui chargeaient le conducteur de la voiture qu’ils poursuivaient. Toutefois, ce dernier, lors de sa garde à vue pour «tentative d’homicide sur un fonctionnaire de police dans l’exercice de ses fonctions », niait catégoriquement les faits que ces derniers essayaient de lui mettre sur le dos pour blanchir des collègues. En effet, il apparaissait peu à peu qu’un autre véhicule était en cause, en fait une bagnole de flic conduite par des collègues du policier blessé. Le gardé à vue, lui, sortait de garde-à-vue avec une incapacité totale de travail (ITT) de cinq jours: en des termes moins juridiques, il s’est fait tabassé par les condés.

Rien de neuf sous le soleil! Quoi d’étonnant au fond à ce qu’un « dépositaires de la loi » soit le premier à la contourner à son avantage? D’abord cela nous montre bien à quel point la Loi est une farce, cela nous montre aussi à quel point il est absurde de penser qu’en créant un corps de métier spécialisé dans la violence armée, l’enfermement et la torture, cela attirerait de gentil humanistes prêts à payer de leur personne pour sauver la veuve et l’orphelin!

Non, lorsque la société programme un individu à tuer et à enfermer, il ne faut pas s’étonner lorsque cette violence se retourne contre tout ce qui peut gêner cet individu, à la maison (sur ses enfants et conjoints), dans la rue (sur tout ce qui est indésirable pour le pouvoir qu’ils représentent) ou dans des procès-verbaux ou la Loi est toujours manipulée dans leur sens. Il en va de leur survie.

Nous détestons la police, et pourtant cette nouvelle n’est pas une réjouissance, parce que rien dans la prison n’est réjouissant. A tel point que nous ne la souhaitons pas même à nos pires ennemis. Cependant, voici une raison de plus de ravager ce monde qui a besoin de la police et de la prison.


Postscriptum du 10 décembre: Comme prévu, le parquet, censé suivre les recommandations du ministère de la justice et pérenniser les versions des flics, a fait appel. Hortefeux estime «disproportionnée» la peine infligée aux policiers tout en soulignant avoir «pris acte» de la décision du parquet de faire appel. Peu avant, le préfet de la Seine-Saint-Denis, Christian Lambert, s’est déclaré «très étonné» par cette condamnation. Aujourd’hui, environ 200 policiers se sont rassemblés devant le tribunal de Bobigny pour protester, sirènes hurlantes, contre la décision du tribunal.

Qu’ils se « mort suspecte » les uns les autres !

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J’adôôôôre La misère !

Depuis la fin de l’été dernier, un marché aux puces de stands non déclarés en préfecture, après avoir été délogé de plusieurs endroits de Paris, a élu domicile dans le quartier. C’est presque tous les jours que, de la rue du Faubourg du Temple aux métros Belleville, Couronnes et plus loin, s’invite une petite cinquantaine de vendeurs, habitants du quartier ou biffins traditionnels, pour fourguer à d’autres pauvres que les prix du commerce excluent toujours plus de la marchandise souvent récupérée dans les poubelles, les étals de commerce, les encombrants ou « tombées du camion ». Lors de ses grands jours, ce petit marché peut compter de 200 à 300 vendeurs, plus une moyenne équivalente d’acheteurs. Le marché bouge d’une rue à chaque fois que les policiers d’un arrondissement le repoussent dans un autre. Une seule des chaussures d’une paire, un walkman des années 90, des boites de conserves et des packs de lait périmé, un short troué, le tout à des prix sur-cassés.

Mais la clientèle pauvre n’est pas seule, le « marché libre », tel que l’appellent les bouffeurs de foin qui trouvent pertinent d’accoler ces deux mots cotes-à-cotes, sert aussi de zoo social où conclure quelques affaires sur le dos de la misère et prendre quelques photos pittoresques. Certains bobos adorent. Ces pauvres qui fouillent les poubelles d’autres pauvres pour survivre, ils sont vraiment plein de ressources. Puis il y a des noirs, des jaunes, des verts, des violets et des bleus, on y entend des dizaines de langues, c’est si exotique, J’adôôôôre! Après un sandwich triangle bio allégé à 6€ au monoprix du Faubourg du Temple et un petit déca-crème au Follie’s, rien de mieux que d’aller faire des bonnes affaires au « marché libre » de Belleville.

Seulement voilà, le spectacle de la misère n’est pas du goût de tout le monde. Patrick Bloch, Député-Maire du 11e a demandé à la Préfecture de Police de Paris de mettre un terme à ce marché sauvage. Il ne fait en ce sens que répéter ce que le Conseil de Paris et le Conseil d’arrondissement avaient déjà votés il y a quelques mois de ça. Devant l’ampleur et le développement à grande échelle de ce phénomène, le député-maire PS du 11e demande une action renforcée et permanente avec des effectifs de policiers, seule solution, dit-il, pour mettre un terme à cette situation qui ne peut perdurer. Et en effet, du bleu il y en a ! Des sales gueules des agents de proximité de la mairie de Paris aux CRS qui stationnent « au cas ou », personne ne peut les rater, ils nous rappellent chaque jours que cette société est une prison et qu’ils sont nos matons, et c’est insupportable.

Personne ne peut rater le ballet permanent, la flicaille se ramène, les vendeurs disparaissent. Quelquefois la police reste un certain temps mais dès son départ le marché se réinstalle. Quelquefois elle reste et appelle une benne à ordure de la ville de Paris et tout est jeté. Quand des vendeurs signalent que dans un sac il y a leurs effets personnels et leurs papiers, rien à faire, dans la benne. Souvent, en attendant la benne, les policiers cassent à coup de talon les objets et déchirent les livres devant l’assistance médusée. En retour, des insultes contre les flics, et il y a quelques mois, deux fliquettes sont tabassées pendant leur ronde. Souvent, les flics emmènent les marchandises dans leurs coffres ou dans leurs poches.

Si le spectacle de la misère nous rappelle qu’il faut en finir avec cette société, à vrai dire, c’est cet autre spectacle qui nous dérange le plus, celui de l’occupation policière de la ville, celui des rafles discrètes et incessantes de sans-papiers dans le métro et la rue, celui des flics en civil qui nous menacent du regard, celui du dénuement de la misère élevé en « hype », celui des bobos qui viennent ici comme à Disneyland en nous prenant pour de gentils animateurs déguisés en tenue de Mickey, toujours prêts à les renseigner sur le chemin à prendre pour aller au magasin bio du coin ou pour trouver quels sont les bars les plus «de la balle» pour passer la nuit sous bonne garde des flics et des citoyens-balances.

« C’est où l’after ? » lui demande le riche.
« Dans ton cul ! » lui répond le pauvre.

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Nique sa mère la réinsertion !

«Je ne veux pas d’écoles bunkers, d’écoles prisons. L’école doit être ouverte sur la société»
L. Chatel, ministre de l’éducation nationale.

Entrez…Entrez! En rang, deux par deux! Allez plus vite que ça! Silence! De l’ordre, de la discipline! Fermez vos gueules tas de morveux! Tous en classe, fermez la porte, bien fermée la porte! La leçon maintenant, silence! Allez, on sort, les carnets, un par un. A demain, huit heures.
C’est sûr, ça donne envie. Selon les partisans de l’éducation, il paraît même qu’on tuerait père et mère pour avoir droit à ça. Bien entendu, plus de Salut au drapeau, pas de Marseillaise à tue-tête. Les temps ont changé, n’est-ce pas? Aujourd’hui, plus de coups de règle en bois sur le bout des doigts. Eh quoi? Les gendarmes chevauchant sabre au clair pour saigner les grévistes ont aussi disparu des rues, non?

La modernité, c’est si beau. On peut obtenir le même résultat (de bons petits français) avec d’autres méthodes. Ah le progrès, la démocratie! La trique molle, le maître clément et bienveillant, le chauffage dans chaque salle, et même un ballon de foot. Les enfants sont vraiment trop gâtés. Évitons les parallèles hasardeux, mais de nos jours, on peut même avoir la télé en prison.

L’école prépare les pré-insérés, le travail absorbe tous les insérés, les vrais, les beaux, les propres, la prison réinsère les désinsérés. La boucle est bien bouclée. Mais la machine tousse un peu. Des futurs insérés coincent dans l’insertion. On a du mal à les insérer. Ils ne rentrent pas. Le moule est-il mal conçu, ou sont-ce les enfants qui sont mal formés? Ils menacent de désinsertion, on va les perdre. L’État essaye autrement. Voyons-voir: les gens n’aiment pas les vieux remèdes, ils veulent du neuf, du tendance, de l’inédit. Établissements Pénitentiaires pour Mineurs? Hm, non, non, ça c’est plus tard. Pourquoi pas Centre Éducatif Fermé? Déjà fait, et puis, c’est vrai, la prison doit être ouverte sur la société. Euh, non, l’école! L’école doit être ouverte sur la pris…sur la société! Un peu d’imagination que diantre. Établissements de Réinsertion Scolaire. Voilà, ça fait doux, ça fait soft, ça fait démocratie. Hop, une bonne vingtaine pour commencer, on verra ensuite. Et de préférence, décentralisés en dehors des grandes villes, pour réapprendre ailleurs, loin, les bonnes vieilles valeurs.

Au programme: cours le matin, activités sportives et ateliers l’après-midi. Sur la citoyenneté et la santé notamment (miam miam). La pédagogie «mettra l’accent sur l’apprentissage de la règle, le respect de l’autorité et le goût de l’effort». Ah le goût de l’effort! Et la suite: l’acquisition du «socle commun de connaissances», la «prise de conscience de l’importance du respect des règles de la vie sociale et scolaire» et la «construction d’un projet de formation et d’orientation». Waouh, ça va chier! La cible: collégiens, de 13 à 16 ans, multi-exclus, en extra-difficulté; 15 à 30 par centre, à côté de collèges «normaux», mais séparés quand même, pour éviter que ne se créent des complicités. La peine: un an renouvelable. Pour mettre les points sur les i, une note officielle précise que des partenariats seront créés, notamment avec le ministère de la Défense et celui de la Justice, pour appuyer les «intervenants»: profs, associations, pions, volontaires du service civique, et autres membres de la protection judiciaire de la jeunesse. Le tout avec la collaboration obligatoire des parents. Quoi ? des voix s’élèvent: «Mais est-ce que grouper ensemble dans une structure spéciale des gens tous en difficulté peut être la solution?», s’interroge un quelconque représentant des chefs d’établissement. «La suite le dira, mais on peut être sceptique, car on les met à l’écart, on crée un milieu à risques, et l’histoire montre qu’il n’y a eu que des échecs en la matière», citant l’exemple des «colonies d’enfants difficiles» fermées au cours du XXe siècle. Effectivement, on ne transforme pas si aisément la matière humaine en chair à démocratie, mais ce que le cuistre ne dit pas, c’est qu’il en va de même pour toutes les écoles, qu’elles soient «classiques» ou «spéciales».

Le 19 octobre, en plein mouvement contre la réforme des retraites, un collège partait entièrement en fumée au Mans, tandis que dans pas mal d’établissements, les bureaux et les véhicules de membres de l’administration scolaire étaient attaqués en nombre. Rebelote le 13 octobre, une maternelle de Bagnolet était découverte saccagée en beauté.

Ces deux faits rappellent on ne peut plus clairement que certains parmi les promis au bagne, à l’intégration dans la société du travail ne l’entendent pas de cette oreille, et qu’à défaut de pouvoir tout foutre en l’air d’un coup, il faut bien commencer par quelque chose.
Bien entendu, ces temples du formatage citoyen sont sacrés. «Des méchants ont cassé l’école», tente d’expliquer un responsable de la FCPE à une gosse de 4 ans. Les parents se plaignent aussi, alors que les inconnus, bonnes âmes, leur ont épargné quelques journées de turbin.
Ingrats!

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Des belles, des feux de joie, des cendres de rétention !

Les centres de rétention, appellation officielle pour les prisons destinées aux personnes sans-papiers, sont souvent présentés comme de simples « lieux d’accueil », où les conditions seraient sans comparaison possible avec les prisons (comprendre beaucoup moins dures). Pourtant ils ne diffèrent pas tellement des autres lieux de détention : murs, barbelés, enceintes sécurisées, unités de plus en plus réduites pour un contrôle resserré, gardiens armés. Tout y est fait pour empêcher les révoltes, et pour les étouffer quand elles ont lieu, afin que ça ne se sache pas au « dehors ». Comme pour l’ensemble de la société qui produit ces camps pour indésirables, la norme est la paix sociale, le calme, la résignation, l’acceptation des conditions qui nous sont imposées. L’État voudrait que rien ne s’y passe, à part la routine de l’enfermement et des expulsions.
Mais la réalité, c’est heureux, dépasse régulièrement ces prévisions et ces plans morbides. Et les humains qu’on fout en cage, lorsqu’ils ne sont pas labellisés citoyen-travailleur en règle, ne sont pas malléables comme des morceaux de terre cuite.

Ainsi, le week-end du 19 au 21 novembre dernier, plusieurs personnes détenues au centre de rétention de Vincennes ont réussi à se faire la belle, profitant d’une révolte à l’intérieur de la prison, durant laquelle du matériel fut défoncé, et plusieurs flics blessés. Ces derniers ont réagi rapidement : chasse aux évadés, bouclage du centre, troupes en renfort, réveil musclé au milieu de la nuit pour des fouilles collectives, suspension des visites. Le tout pour créer un black-out sur la situation à l’intérieur, black-out qui n’a pas fonctionné, puisque des témoignages ont tout de même circulé les jours suivants.
Pas de doute, la révolte incendiaire qui avait réduit cette taule en cendres en juin 2008 est restée dans les esprits. Cet épisode est d’ailleurs loin d’être clos, puisque les dix sans-papiers condamnés en mars 2010 pour cette mutinerie à des peines de prison ferme allant de 8 mois à 3 ans vont passer en appel, et que plusieurs personnes accusées d’actions en solidarité restent inculpées.

Toutefois la justice n’est pas la seule à s’activer : ainsi dans la nuit du 1er au 2 décembre, deux véhicules de la Croix Rouge (présente dans les camps pour étrangers en Italie et en Belgique, en France dans certaines zones d’attente, elle donne une précieuse caution humanitaire au sale travail de l’État) sont partis en flamme rue Desgoffe, dans le 6e arrondissement de Paris, en solidarité avec les évadés de Vincennes. La nuit du 31 décembre, un feu d’artifice est tiré juste devant le centre de rétention du Mesnil-Amelot (situé en bordure de l’aéroport de Roissy), suivi d’échanges de cris entre les artificiers et les détenus.
De tout cela, nous retenons que les murs et les flics ne viendront jamais à bout de nos désirs de liberté, et que les possibilités d’attaquer sont nombreuses.

Prenons une bonne résolution pour les temps présents : détruisons la machine à expulser, et avec elle, toutes les prisons.

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Nuit de fête

Dans la nuit du 13 au 14 juillet 2010, pendant que certains communiaient dans le sacro-saint engouement de la connerie nationale, la rue Olivier Métra se faisait joliment redécorer, les vitrines des “petits commerces” volant en éclats et les pares-brises des voitures se retrouvant défoncés. Réaction à quelques articles de journaflics (toutes les citations viennent de chez eux)…

Selon les journalistes et les habitants, ce saccage aurait été l’œuvre de plusieurs dizaines de personnes, entendre ici “jeunes-méchants-désaxés-mal éduqués-sans repères-à casquette”, déterminés, tels des robots de l’Apocalypse, à “systématiquement” tout détruire. Des décérébrés agressifs quoi. Ces jeunes foufous du 14 juillet auraient pris la peine de mettre les lampadaires hors service (bien joué), avant de s’exprimer dans un joyeux bordel destructeur à coup de parpaings et de barres de fer.
Bien entendu, tout le monde n’a pas vu cette petite sauterie d’un bon œil. S’est alors créé un collectif, baptisé “Olivier Métra 13/07/10”, par le biais duquel des habitants de la rue ont déposés conjointement 14 plaintes contre X, pour “dégradation de biens, mise en danger volontaire de la vie d’autrui et blessures psychologiques profondes infligées de façon prolongée et répétée”.
Ces plaintes, accompagnées d’une pétition de soutien qui aurait été signée par plus de cent habitants du quartier, ont été déposées le 17 Décembre 2010 auprès du Procureur de la République de Paris (crève). De braves gens bien décidés à punir ce qu’ils considèrent comme le “résultat d’un sentiment d’impunité que certains jeunes développent à ne jamais être inquiétés”.
Les habitants auraient donc tous subis des “blessures psychologiques profondes et répétées” et comme le précise si finement un honnête citoyen : “en l’absence de répression [ce phénomène] ne peut qu’augmenter”. Notre belle équipe de citoyen reconnaît néanmoins que “réponse sécuritaire ne réglera pas tout”: “ Il faut aussi une action sociale. Dans notre quartier, il y a vingt à trente jeunes qui posent des problèmes. Il faut leur donner des portes de sortie en leur trouvant un travail. Des commerçants du quartier l’ont bien compris et ont permis à certains de rentrer dans le droit chemin en leur proposant un emploi chez eux.” Rentrer dans le droit chemin par le travail, en voilà un programme alléchant!
Il faut cibler chaque action pour faire des choses simples avec peu de moyen .[…] La mairie et le commissariat sont trop loin du terrain pour analyser la situation et apporter des solutions concrètes. En tant qu’habitants, nous pouvons les aider à faire ce diagnostic.[…] Si notre action résout ce problème précis de la semaine du 14 juillet, nous pourrons passer à un autre objectif. C’est une méthode par étape pour retrouver un quartier sûr. Nous voulons agir sur le long terme avec des résultats concrets. “ Heureusement qu’on peut faire confiance aux collabos pour travailler main dans la main avec les flics et les élus. Sinon, où irions nous ma bonne dame?

Heu… Mettre une ville en cendres peut-être?

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L’important ce n’est pas de savoir d’où on vient mais de décider où on va

En décembre dernier, nous avons décidé d’écrire et de diffuser sous forme de tract ce texte dans le quartier et ailleurs, parce qu’il essaye de répondre à des problématiques qui nous semblent entrer en conflit avec notre volonté de nous libérer de tout ce qui nous maintient en captivité. Être fier (ou honteux) de ses origines, de l’histoire de ses « ancêtres », de son pays ou de son nom est de plus en plus courant. Nous avons déjà parlé dans le premier numéro ou ailleurs du repli identitaire qui semble gagner du terrain, chose que l’on ne peut plus nier dans le Nord-Est de Paris, surtout après les émeutes réactionnaires de Belleville, mais plus insidieusement dans le quotidien non événementiel de chacun, dans les rapports et les regroupements communautaires et identitaires choisis ou forcés.

« Les racines, c’est des cache-misère romantiques pour dire de jolie manière qu’on a suivi les migrations industrielles comme les mouettes le chalutier… Histoire de grappiller les restes. Alors aujourd’hui c’est à la mode d’avoir des racines, de-ci, de-là. Conneries, oui ! Ça nous cloue au sol, ça nous empêche d’avancer. Les racines, c’est bon pour les ficus ! »

Parlons un peu de nous-mêmes, nous les humains. On nous a rangés dans des cases qui sont autant de cages, quand nous ne l’avons pas fait nous-mêmes, on nous a séparés sur des critères qui n’étaient pas les nôtres et en fonction de causes ou d’identités qui n’ont jamais été les nôtres. On nous a compartimentés, classifiés, on a transformé ce qui pourrait être des relations simples entres humains en de sinueux labyrinthes semés de séparations imaginaires rendues réelles et entretenues par une armada de lois, qu’elles soient inscrites dans des codes pénaux ou dans des codes sociaux, moraux et traditionnels. Mais au fond qu’est-ce qui nous différencie vraiment ?

Ce qui peut nous séparer comme nous relier, qui nous différencie vraiment les uns des autres, c’est l’ensemble des choix qui fait de chacun ce qu’il est vraiment, et non pas les diverses étiquettes collées sur notre dos par les autres, à notre naissance, selon la couleur de peau, le milieu social ou les origines, tout cela dans le but de nous uniformiser, nous intégrer, nous formater, nous domestiquer et nous soumettre. C’est parce que nous refusons toute notion de « nature humaine », ou toute nécessité historique et parce que nous pensons que l’individu n’est rien d’autre que la somme de ses choix, de ses désirs et de ses rêves, que nous ne sommes pas solidaires des conditions qui sont faites aux plus opprimés mais de la vigueur et des perspectives avec lesquelles ils résistent et combattent leurs oppressions.

Nous ne reconnaissons pas le statut de « la victime », cette nouvelle catégorie construite par la justice ou la norme et qui pose l’État et les humanitaires charitables comme seul remède, tout comme nous ne reconnaissons aucune généralité qui se place au dessus de l’individu, ni la responsabilité collective qui en découle. Par exemple celle de tous les « blancs » sur tous les « noirs » par rapport à la traite des noirs, de tous les « hommes » sur toutes les « femmes » par rapport au patriarcat, de tous les « hétérosexuels » sur tous les « homosexuels » pour l’homophobie, de tous les « allemands » sur tous les « juifs » pour le nazisme ou de tous les « juifs » sur tous les « arabes » pour les massacres commis par l’État d’Israël au Moyen-Orient. Se reconnaître comme « victime » ou « bourreau » pour des actes qu’on n’a pas subi ou commis nous-mêmes, c’est en quelque sorte reconnaître les catégories qui n’ont toujours servi qu’à subordonner l’individu à quelque chose de plus haut, à le sacrifier au nom d’une Raison Supérieure, à recruter des armées pour les guerres entre États. En tant qu’antimilitaristes, par exemple, nous ne sommes pas responsables des massacres commis en Afghanistan par l’État français au nom d’un « peuple de France » imaginaire, unifié et homogène. C’est pour la même raison que nous refusons des slogans tels que « Nous sommes tous des juifs allemands », « Nous sommes tous des palestiniens ». Ainsi, la seule responsabilité que nous reconnaissons est la notre car c’est à nous mêmes que nous répondons de nos actes.

Il est de bon ton, aujourd’hui, de trouver ses racines, de s’interroger sur ses origines, d’aller se ressourcer au bled ; de commander des recherches sur son arbre généalogique, d’être « roots », comme si le sol ou le sang pouvaient apporter une quelconque réponse à nos désirs de liberté ; comme si le rabaissement des autres « identités » était le moyen d’atténuer ses propres souffrances. Chacun a sa petite identité à mettre en concurrence avec celle des autres, chacun a sa petite fierté insipide à mettre en valeur, chacun fait de sa petitesse une force, alors que tout le monde vit dans la même merde, et que toutes ces divisions et fausses-oppositions font le jeu du pouvoir.

À contrario, des individus font quotidiennement le choix de se révolter, dans les prisons, les centres de rétention, les écoles, envoyant chier famille et traditions, armées, frontières et nations. Chaque amant de la liberté n’attend que d’en rencontrer d’autres pour enfin détruire tous les rôles et les catégories sociales qui les empêchent de se retrouver et de vivre enfin ce qui n’a jamais été vécu, en se coupant de toute racine qui nous rattache encore à ce monde de domination.

Attaquons tout ce qui nous détourne de notre liberté.

Des anarchistes.

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Il y a des coups de tête qui se perdent (ou petites histoires du sexisme ordinaire…)

« Ah bah toi on peut dire que t’es
une nana qu’a des couilles !! »
Un spirituel.

Métro. Fatiguée, sortie de taf, vraiment envie d’être peinarde. « Hé mad’moiselle ! »
Putain…
« On peut discuter ? Vous êtes super charmante sérieux! » Bah non, en fait on peut pas discuter, j’ai pas envie. Je tente le refus poli « c’est-gentil-mais-j’ai-envie-d’être-seule ». Visiblement, c’est un échec. « Vous êtes sûre ?»
Ok, il va être relou. Je me répète. Il ne me lâche pas pour autant :
« Vas-y juste 5 minutes franch’ment ! Et sinon si t’as pas le temps pas grave donne moi ton numéro! »
Pas grave… Je rêve. Je deviens désagréable, il renonce. Je crois percevoir un « salope ». Super.

Terrasse de café. Je bouquine tranquillou. Je renverse mon verre et lâche un « putain » sonore. Et le mec d’à côté, d’y aller de son petit avis :
« Ah mademoiselle qu’est-ce que c’est laid dans la bouche d’une jolie jeune femme… ».
Si j’avais été un mec moche, ç’aurait été moins grave? Ducon.

Trottoir, 1h du mat’. Le mec s’approche, je le vois venir à trois kilomètres.
« Bonsoir, vous voulez discuter ? J’ai été ébloui par vos yeux ».
Bah tiens. Notons qu’il m’a demandé si je VOULAIS discuter, mais n’a visiblement pas enregistré ma réponse. Ni un ni deux refus ne le repoussent, il me suit jusqu’à ma porte. Pour finir par me dire, bien posé devant le digicode, qu’il cherche une fille comme moi. Avec des seins et un cul quoi. Et d’avoir le culot, en plus de m’emmerder, de me demander pourquoi je fume. « C’est mauvais pour votre santé et votre argent vous savez. » Prends toi donc un peu de fumée dans la gueule, ça t’immunisera peut-être, moraliste à la con. Je ne peux toujours pas accéder au digicode, il me barre le chemin le bras appuyé contre la porte; dominer doucement mais sûrement ça à l’air d’être son rayon. Je vire son bras sans ménagement. Il me demande si c’est parce que je suis mariée que je ne veux pas venir avec lui. Si si. J’ai encore le bras dans les mains, en profite pour bousculer le reste, rentre dans l’immeuble. Lui aussi. Je suis obligée de lui poser les deux mains sur les épaules pour l’envoyer valser. Il se vautre, bien fait. Je suis en rage quand je rentre enfin chez moi.

Tout ça, c’est juste quotidien, juste ordinaire, juste insupportable. Ça donne envie de hurler, de taper, de tuer. Oppression, domination physique, psychologique. Vieilles pratiques dégueulasses de vieux monde dégueulasse. Je me dis que bordel, qu’est-ce que j’en ai marre. Qu’il n’est pas venu le temps où les femmes ne seront plus considérées comme des bouts de chair à jouir, à soumettre. Qu’il est loin aussi le temps où l’on me considérera comme un-e quelqu’un-e avant de me considérer comme une composante du genre féminin. Le temps où, hommes ou femmes, ou ni l’un ni l’autre on s’en fout, nous serons des individus avant d’être des sexes. Détruisons cette domination, détruisons-les toutes.

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L’État nous observe, crevons lui les yeux !

Les travaux pour la mise en place du plan de videosurveillance de la ville de Paris (« Plan 1000 caméras ») viennent de commencer. Ce dispositif a pour but de doter la préfecture de police de 1226 nouvelles caméras (dont 250 avant la fin 2011) qui s’ajouteront aux 400 qu’elle possède déjà. Il s’agit aussi de créer un réseau afin d’interconnecter les caméras de la préfecture avec celles de leurs collabos (En particulier les 10 000 caméras des réseaux de transport mais aussi 2000 autres dans différents magasins, stades, musées….). Ce qui revient à créer un système de visionnage depuis les commissariats de plus de 13 000 caméras dont les images, qui peuvent identifier une personne à 250 mètre et lire une plaque d’immatriculation jusqu’à 70 mètres, pourront être vues en direct et conservées pendant 30 jours. Permettant ainsi d’arrêter après coup des personnes qui auraient évités le flag. Tout cela dans le but de renforcer encore plus le contrôle, de nous faire sentir leur présence à chaque coin de rue, de jour comme de nuit qu’ils soient présents physiquement ou non. Des liens vers des plans et des listes détaillées des nouvelles caméras du quartier sont disponibles sur le site du bulletin.

Quelques petites techniques :

  • Obstruer la caméra : Il suffit d’entourer la caméra d’un sac plastique opaque, d’un foulard (sans ADN), d’un tissu, d’un sticker (sans empreintes)… ce qui permet à la caméra d’être aveugle mais elle reste cependant en bon état.
  • Rendre la caméra aveugle :(Prévoir des fringues à usages uniques sans ADN dans le cas où tu te salis). Prendre un pistolet à eau pour enfants assez puissant et le remplir de peinture diluée à l’eau. Il suffit ensuite de projeter la peinture sur la caméra pour obstruer sa lentille. Ça évitera un peu d’escalade, et on peut espérer saboter une dizaine de camera en une heure.
  • Le sabotage des câbles : Il est possible de couper les câbles électriques lorsqu’ils sont apparents à l’aide d’une grosse cisaille. Assurez vous toutefois que les outils soient bien isolés afin d’éviter l’électrocution. Les fils coupés, toute l’installation est alors à remplacer.
  • Le Laser : Un laser d’au moins 5 milliwatt peut aveugler temporairement une caméra.
  • Le boîtier : Si la caméra possède un boîtier visible, nique-le (marteau, feu…)

Pour preuves que les caméras sont loin d’être intouchables :

  • Grasse, 2008 : A peine installées, les caméras de la cité de la Blaquière sont détruites avec des jets de pierre.
  • Sartrouville (58 caméras sur la commune), avril et juin 2009, février 2010 : Quartier des Indes. Une demi-douzaine de caméras détruites par des tirs de fusil en avril 2009. Le maire fait installer des appareils blindés. Fin juin, trois caméras (5000 euros chacune) appartenant au bailleur Logement francilien sont détruites avec un pistolet 22 long rifle. En février 2010, rebelote, trois caméras sont mises hors d’état de nuire au fusil.
  • Carpentras, 9 et 10 décembre 2009 : La caméra de vidéosurveillance installée dans la cité des Amandiers (3000 euros pour la seule caméra) n’aura pas tenu 24 heures. Le 9, elle est explosée à coups de fusil à pompe. En partant, les ingénieux tireurs déversent des clous sur la chaussée pour ralentir l’arrivée des flics. Le lendemain, le mât et les installations électriques sont arrachés. Juste avant son installation, des coupures sauvages d’électricité avaient été réalisées dans le quartier. A noter que dans le même quartier, les lampadaires sont souvent caillassés, ou neutralisés par le feu au niveau du boîtier d’alimentation électrique.
  • Dijon, 20 février 2010 : Pour « dénoncer le caractère liberticide de la vidéosurveillance », manifestation dans le centre-ville. Trois caméras sont emballées dans des sacs poubelles portés par des ballons d’hélium. Deux personnes sont arrêtées et écopent d’un rappel à la loi après un passage en garde-à-vue.
  • Grenoble, mai 2010 : deux caméras sont démontées par des participants à la manif du premier mai.
  • Toulouse, mai/juin 2010 : Deux caméras sont mises hors service par le feu, rue Caubère.
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La chronique du Père Padetan : À deux pas

Il est parfois étonnant comme certains événements sont perçus de façon proche ou lointaine. En octobre dernier, lors du mouvement contre la réforme des retraites, si on en discutait pas mal dans la rue et les bars du quartier, on était pourtant beaucoup à n’avoir pas très envie d’aller s’entasser avec les syndicats une fois par semaine, ou à courir de « secteur stratégique » en « secteur stratégique » (les raffineries ou les incinérateurs) assez éloignés de notre écrasement quotidien. Même si la colère était présente contre la perspective d’une vie passée à travailler toujours plus longtemps pour des miettes, il y avait peu d’espaces pour l’exprimer. Peu de rencontres possibles dans la rue pour faire enfin exploser tout ce qui nous mine. On était loin des blocages offensifs de Barcelone lors de la grève générale du 29 septembre 2010, des manifestations enflammées qui éclatent en Grèce depuis décembre 2008, ou de l’émeute de Rome du 14 décembre dernier. Paradoxalement ou pas, beaucoup se sont alors sentis plus proches de ces milliers de révoltés situés au-delà d’une ou deux frontières, que des protestataires pacifiques qui défilaient drapeaux syndicaux au vent sur les grands boulevards de Paname.

En ce début janvier 2011, de nouvelles émeutes se développent à nouveau à deux pas de nous, cette fois en Tunisie et en Algérie. Dans un cas, la police -et désormais l’armée- en sont à des dizaines de morts depuis le 17 décembre 2010, pour tenter de freiner les pillages de masse, les attaques de bâtiments administratifs ou de banques, et les manifestations de Kasserine, Kairouan, Thala ou Regueb. Dans le second cas, on compte plus de 800 keufs blessés d’un côté, plus de 1400 arrestations et au moins trois morts. Là aussi, les pillages de supermarchés, les incendies de tribunaux ou de commissariats, les saccages d’écoles et de sièges de partis politiques ou les barrages coordonnés de pneus enflammés semblent gagner du terrain. Ce n’est pas, comme le commentait un patron de bar à Belleville, « quelques jeunes des quartiers d’Alger qui foutent le bordel », mais des dizaines et des dizaines de villes (de M’Bila à Tizi Ouzou, d’Alger à Oran, de Boumerdès à Sétif ou Tlemcen) où une partie de la population s’insurge pour se réapproprier à la fois nombre de biens matériels, et surtout exprimer toute sa rage contre l’État et les riches.

Là encore, ces émeutes, même si elles se déroulent sur l’autre rive de la Méditerranée, nous sont proches. Si on prend l’exemple algérien, les appels au calme des partis politiques et des religieux pour manifester tranquillement sont dépassés, les incendies touchent aussi bien les entreprises étrangères (qu’on pense au grand garage Renault d’Alger dès le 5 janvier) que nationales (Sonelgaz, Air Algérie….), les saccages n’épargnent aucune institution étatique (des tribunaux aux 40 lycées et collèges touchés à ce jour). Mais surtout, on retrouve les jeunes quartiers mêlés aux chômeurs et à toutes sortes de gens qui descendent dans la rue (ou bloquent le port en dehors des syndicats comme à Alger). Les uns jettent des pierres, les autres discutent autour des barrages de routes, pendant que les derniers, parfois âgés, se fournissent en produits de base ou en ordinateurs dans les bâtiments forcés. De Barcelone à Rome le temps d’une journée, ou de la Grèce à la Tunisie et l’Algérie pendant de longues semaines, l’espace de la révolte offre le temps de rencontres enflammées. Des pratiques offensives parfois différentes et complémentaires (blocages fixes de routes autour des petites villes et villages et affrontements mobiles dans les quartiers périphériques ; pillages de grands supermarchés et incendies d’administrations) peuvent gagner les rues.

Pourtant, il y a aussi quelque chose d’autre qui nous donne ce sentiment de proximité. Bien sûr, cela ne peut que nous réjouir lorsque la révolte trace des camps en renvoyant les autorités (religieuses ou étatiques) provisoirement dans les cordes. Bien sûr, cela nous parle lorsqu’on cesse de quémander des miettes et qu’on va se réapproprier directement la rue ou quelque marchandise. Bien sûr, cela nous fait réfléchir lorsque des milliers de révoltés affrontent la police et l’armée en risquant la mort, ou lorsqu’ils détruisent sans médiation beaucoup de structures qui marquent l’oppression quotidienne. Mais surtout, oui surtout, nous prenons cela comme une possibilité qui nous est aussi offerte. A nous, ici. Un vieux barbu disait, il y a longtemps déjà, que la liberté des autres étend la mienne à l’infini. A présent, il ne s’agit pas de faire bêtement comme en Grèce, ou comme en Algérie. D’autant plus que nous disposons également d’expériences de révoltes chargées de liberté sur ce bout de territoire : qu’on pense à novembre 2005 ou aux émeutes qui ont parcouru le CPE au printemps 2006.

On peut recueillir beaucoup de ces événements si proches : tout d’abord que la solidarité n’a pas de frontières, comme en témoigne par exemple la petite explosion devant le consulat tunisien de Pantin le 8 janvier. Et bien d’autres gestes individuels ou collectifs peuvent être imaginés pour appuyer ce qui se passe autour de nous. Ensuite, c’est que non seulement il est possible de se révolter en dehors des partis et des syndicats, mais surtout que c’est une des conditions indispensables pour que s’ouvrent enfin des espaces d’auto-organisation et d’attaques directes. Enfin, c’est que si l’aggravation des conditions de survie que nous subissons tous, ici comme là-bas, sont communes, la révolte sans médiation peut le devenir à son tour, car ce sont les possibilités qu’elles contiennent qui nous en rendent si proches et même complices. La question n’est en réalité alors pas le caractère plus ou moins autoritaire du régime en place, mais celle de liquider définitivement dès maintenant ce système qui nous oblige à nous vendre ou à mendier pour vivre, à supporter le quadrillage policier et l’enfermement de toutes les autorités qui voudraient fermer nos gueules, celle de se réapproprier l’espace et le temps, celui d’expérimenter d’autres rapports, basés sur l’individu et la liberté, sans domination aucune.

P . Padetan, 11 janvier 2011

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La rue de l’avenir est une impasse

Nous sommes dépossédés chaque jour de nos propres moyens de mener nos vies en nos termes. A l’école comme au travail, à l’ombre d’une cellule, dans nos cages à poule comme dans la rue sous étroite surveillance, tout nous rappelle chaque jour que notre avenir est entre leurs mains et qu’il n’y aura pas de liberté future.

As-tu remarqué, dans le XXe prés de Ménilmontant, qu’il y a une rue qui s’appelle Rue de l’Avenir? As-tu remarqué que c’est une impasse? L’ironie que peux se permettre cette société de merde est significative de sa victoire. La vie qu’elle nous impose n’a aucun avenir, elle le sait, elle en rit.

On pourrait croire qu’à force de se briser le dos dans des tafs immondes ou sous le poids des matraques, la volonté de reprendre notre avenir en main deviendrait une pulsion, mais non, la fatigue physique et cérébrale réussit même à pulvériser cela, un peu comme les médocs qu’on nous fait bouffer en HP. Alors oui, il est difficile d’imaginer un futur un tant soit peu digne sans ravager totalement ce monde qui nous en empêche.

Mais bordel, qu’est-ce qui nous en empêche vraiment? Les flics? La Justice? L’État? La fatigue due au Travail? Non, c’est trop facile, trop simple. Il y a bien plus que cela, il y a le flic dans nos têtes, le juge dans la tête des autres, l’État jusque sous nos couettes et le chantage du travail auquel nous cédons avec résignation ou entrain. Il y a une montagne cosmique de contraintes que nous n’avons pas l’audace d’éventrer.

Notre avenir est entre nos mains, il est dans nos têtes. Qu’il devienne le calvaire des briseurs de rêves. Que nos rêves se transforment en menace et que la réalité surpasse nos rêves!

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Lucioles n°1 – novembre/décembre 2010

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Édito n°1: Et si nous vivions enfin ?

Une nuit noire. Une interminable nuit, glaciale, sombre, répétitive et ennuyeuse. Certains la passent dehors, sur le trottoir, un bout de carton et des habits ramassés ici ou là, d’autres se réfugient dans les couloirs sordides du métro, chassés par les agents de la RATP ou de la mairie de Paris. Tout le monde se croise. Ceux qui se démerdent comme ils peuvent dans cette non-vie. Telle va vendre son corps pour quelques euros, l’autre va devoir se casser le dos sur un chantier, l’autre se faire chier derrière un bureau, l’autre aller servir les gros bourgeois aux cafés des quartiers chics ; l’autre encore doit changer dix fois de trottoir et raser les murs afin d’éviter les flics qui patrouillent, parce qu’il ou elle n’a pas les maudits papiers que l’État nous impose pour pouvoir nous contrôler tous et toutes. D’autres encore doivent se planquer pour fumer, certains pour éviter la brigade des stups’, d’autres parce que la famille les surveille étroitement, ou que la religion qu’on leur a imposée (ou qu’ils s’imposent tous seuls…) leur fait tomber sur la tête des interdits et des obligations en tout genre.

Vendre son corps à un patron, tomber dans les mains de la police d’État, ou de la police familiale, ou de la police communautaire ou religieuse. Devoir travailler à en crever ou se retrouver à la dèche, ou alors atterrir en prison. Être soi-même une marchandise, et devoir courir sans cesse derrière d’autres marchandises : pour se loger, s’habiller, bouffer, aimer, lire et voyager. Chair à travail, chair à école, autrefois chair à canon… c’est notre lot à tous, ça nous oppresse tous, quotidiennement.

Et il faudrait qu’on baisse la tête, qu’on encaisse les coups, qu’on ferme notre gueule, qu’on attende une illusoire retraite, un illusoire paradis, un illusoire Grand Soir. Il faudrait qu’on s’évite mutuellement, qu’on ne se regarde pas ni qu’on ne se parle, qu’on reste entre petites bandes fermées, entre gens de telle origine. Qu’on se tape dessus pour une embrouille à dix euros, pour un bout de shit, pour une histoire de jalousie, pour une connerie de drapeau, une connerie de religion, une connerie de nationalité… pour des conneries d’identités.

Partout sur cette terre c’est la même chose : partout les pauvres, les exploités et les dominés s’en prennent plein la gueule, sont acculés dans des quartiers qui sont comme autant de prisons à ciel ouvert, pour qu’ils se marchent dessus et s’entre-tuent. Alors parfois, on pense obtenir quelque chose en se réappropriant cette prison, ce bidonville, ce ghetto. « Belleville nique tout ». Parfois on se retranche dans « notre » quartier parce qu’on nous a parqués là, comme on parque les animaux dans des cages.

S’identifier et s’accrocher à la misère à laquelle l’État et l’économie voudraient nous réduire ? Ou alors combattre cette foutue misère, s’attaquer à tout ce qui la produit, à tout ce qui nous tient enfermés : aux rôles et aux identités qu’on nous colle sur la gueule, aux usines dans lesquelles le capitalisme nous fait crever à petit feu, aux écoles dans lesquelles on nous bourre le crane et on nous apprend la peur, aux banques qui s’enrichissent sur notre exploitation, aux prisons et aux commissariats dans lesquels l’État nous enferme derrière des barreaux en fer, aux tribunaux et à ces salopards de magistrats qui nous jugent et nous condamnent, aux temples dans lesquels toutes les religions nous menacent de tel ou tel châtiment terrible si jamais nous osons être trop libres à leur goût.

Défaire aussi tous ces comportements, tous ces rapports pourris qui nous empêchent de nous rencontrer, de communiquer et de nous associer librement : les regards, les propos et les gestes sexistes, homophobes, racistes, les séparations débiles entre « honnêtes et innocents citoyens aspirant à vivre en paix » et « méchants voyous casseurs et délinquants », entre « braves travailleurs » et « fainéants profiteurs du système », etc.…

Cette société de merde, nous y sommes dedans jusqu’au cou. Cette guerre sociale, qu’on ne peut pas ne pas voir (à moins d’être aveugle, sourd et malhonnête), nous en sommes au cœur, tous autant que nous sommes. Alors puisque nous n’avons qu’une vie, autant faire nos choix le plus vite possible, et aussi le plus clairement possible.

Nous avons fait un choix : celui de diffuser la révolte contre tout ce qui nous rend la vie impossible, en joignant autant qu’on peut l’acte à la parole, en sapant la paix sociale, à commencer par là où nous vivons, parce qu’on y trouve à portée de main les structures et les personnes qui nous empoisonnent le quotidien.

Mais nos cœurs et nos pensées vont bien au-delà de ce petit bout de territoire et des barrières qui l’enserrent. La révolte explose partout ailleurs, et nous pouvons reconnaître le violent désir de liberté partout où il émerge de cette triste vie, en un grand éclat de lumière, avec un grand fracas.

Nous voulons nous aussi faire exploser cette révolte, sans attente ni médiation, nous réchauffer dans de grands feux de joie où la domination brûlera pour de bon.

Et nous avons soif de rencontres complices.

À bientôt donc, ici ou ailleurs.

[in italiano]

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Le feu au village – Contre la guerre aux pauvres dans le Nord-Est de Paris

Le texte ci-dessous a été distribué sous forme de tract dans le quartier de Belleville à la mi-septembre, sous une banderole où était inscrit «Nous avons la rage – La mairie de Paris, ses éducateurs, ses artistes et ses flics ne nous calmerons pas !», alors que débutait dans les 20e et 19e arrondissements, la biennale d’art contemporain de Belleville et ses limousines que vous n’avez pas pu rater. Selon ses initiateurs, il s’agissait « d’investir sans l’envahir ce quartier animé, populaire, encore un village, en tenant compte de ses cultures étrangères et des activités déjà existantes ». Autant dire que pour des anarchistes du quartier, c’était une belle occasion de se (re-)poser ensembles la question de la mixité sociale et de sa guerre aux pauvres menée cette fois-ci au nom de la Culture, et de foutre un peu de désordre, de diverses manières.

Il se trouve que la mairie de Paris veut nous civiliser. Ça tombe bien, nous on veut en découdre avec elle et tous ceux qui participent au triomphe de la civilisation, avec ses valeurs et sa morale cadenassée par le fric, ses flics et ses avant-gardes culturelles, militaires et politiques. Par le biais de ses artistes, la ville voudrait nous faire croire que cette vaste cage qui nous sert de monde est un havre de liberté et d’harmonie. Elle pose la création artistique comme un moyen d’exorciser les tensions sociales pourtant bien présentes. On nous avait déjà vendu le foot, la politique et la religion pour nous calmer, pour servir d’exutoire à la guerre sociale. Ouais, mais non. On préfère encore faire exploser les stats des voitures cramées et poser la conflictualité en acte comme seul rapport au système.

A vrai dire, la création en soi ne nous pose pas de problème, mais sa récupération et son utilisation par le pouvoir, oui. Il s’agit alors d’aseptiser et de nettoyer les quartiers destinés à accueillir les nouveaux riches, les classes moyennes et autres populations plus solvables, avec leurs belles gueules et leur sale pognon.
Ça marchera pas.

Belleville est en train de devenir un zoo où les bobos peuvent se promener à loisir dans les rues taguées où ce que l’on considère ailleurs comme du vandalisme est ici transformé en marchandise rentable économiquement et électoralement, en art officiel ; où les artistes sponsorisés par la mairie peuvent faire croire à un semblant de différence et de contestation citoyenne (imagerie gauchiste et appel au vote favorable à la mairie) ; où les éducateurs de quartier présentent une image plus douce que la flicaille en uniforme pour mettre un voile doré sur sa présence quasi-permanente et son sale travail. Le cosmopolitisme de la pauvreté est ici présenté aux bobos comme un « élément de décor », comme on exhibe dans un zoo la variété des animaux encagés. En quelque sorte, du tourisme social de proximité, un film de Ken Loach en vrai. La mairie peut ainsi donner à Belleville l’image d’un village paisible de mixité sociale.

Mais foin de tout cela ! Nous avons retenu de la mixité sociale qu’elle n’était que guerre aux pauvres.
Nous, les animaux de ce zoo, nous ne voulons que grignoter les barreaux et brûler la cage.

De fait, la mairie cherche par divers moyens à virer les pauvres et les indésirables des rares quartiers de la ville-musée où ils survivent encore : occupation policière, augmentation du « coût de la vie » (comme si la vie et l’argent étaient liés), rafles de sans-papiers, enfermement des plus réfractaires à la loi, tolérance sélective sur la diffusion de la came, contrôles, multiplication des gardes-à-vue pour apprendre à se tenir à carreau où pour provoquer l’exil, mobilier urbain conçut pour conjurer l’oisiveté ; chaises ovales, bancs glissants, cactus sur les rebords, du bitume à en crever, des portes, des murs, des verrous pour les pauvres et des clés pour les riches, des barrières. Le tout sous la protection bienveillante des caméras de surveillance et des vigies citoyennes.

Contrairement à ceux qui ont tout à y perdre, leur fric, leur pouvoir et leurs rôles sociaux, nous entendons fissurer la paix sociale à toute occasion. Nous voulons poser le problème de l’exploitation et de la domination partout où elles existent, de jour comme de nuit. Nous ne voulons plus voir les riches exhiber leur tranquillité au coin des rues, des ateliers de travail et des ateliers d’artistes, dans les bars branchés… Car elle est inséparable de la misère qui l’accompagne et qu’ils essayent de repousser en zone 5 du RER ou sous un pont du périph’.

Nous ne venons pas en paix, la conflictualité et la destruction subversive pour seule catharsis.

Si Belleville est un village, alors sortons les fourches.
Contre les riches, les flics, l’État, les politiciens, les agents immobiliers, la guerre aux pauvres, la mairie et ses artistes de boutique.

Quelques relous indomptables,
anarchistes de surcroît.

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La prison à ciel ouvert

L’architecture urbaine réussit de moins en moins à dissimuler sa véritable fonction sociale. Au fur et à mesure que ses avancées nous enferment toujours plus, le vernis de désintéressement et d’« étude du phénomène urbain » craquelle. L’aménagement de l’espace urbain, du choix des matériaux, de l’emplacement et de la forme du mobilier urbain jusqu’à l’optimisation des possibilités de contrôle et de parcage, n’est pas une science innocente visant à rendre la vie urbaine douce, confortable et adaptée aux besoins de tous.

Il s’agit de permettre aux flics de mener sans entraves matérielles leur chasse aux pauvres. Il s’agit de séparer les pauvres des riches pour assurer la sécurité de ces derniers. Il s’agit de parquer des populations indésirables dans des tours et des quartiers de merde avec des commerces et des terrains de foot pour les occuper. Il s’agit de briser et de rendre la vie invivable à tous ceux qui ont le malheur de vivre dans ou de la rue (prostituées, biffins, sans-abris). Il s’agit de maximiser la rentabilité humaine d’une rafle de sans-papiers. Il s’agit de transformer des quartiers pauvres en quartiers branchés, en augmentant les prix pour repousser les pauvres un peu plus loin dans des banlieues souvent plus étouffantes encore. Tout cela sous la fière bannière de l’urbanisme et de ses diverses formes d’auto-justification: Prévention situationnelle, mixité sociale, assainissement, aménagement, circulation… L’urbanisme est l’un des rouages de cette société de domination, il fonctionne de pair avec le système judiciaire, le maintien de l’ordre, la traque aux indésirables, le système éducatif et carcéral et toutes les autres institutions du pouvoir et de l’autorité.

Il n’y avait donc pas de quoi s’étonner lorsque le 6 septembre dernier, une circulaire interministérielle prévoyait « d’accroître le rôle de la police dans les choix urbanistiques relevant de la politique de la ville ». Avec la circulaire du 6 septembre 2010, la police et les préfets, jusqu’ici limités à un rôle consultatif, sont invités à participer à l’installation de ces dispositifs. En effet, le texte demande aux préfets de généraliser les « études de sécurité publique » à l’ensemble des projets en cours de rénovation urbaine. Des études souvent conduites par des flics ou des gendarmes spécialisés, ou bien confiées à des prestataires privés.

On aménage la ville en fonction des lubies policières, par exemple, ne plus construire de toits plats (pour éviter que des émeutiers y stockent des pierres), améliorer l’éclairage public (qui joue sur le sentiment d’insécurité), ne plus construire d’auvents (pour limiter les rassemblements dans les halls d’immeubles) ou interdire les coursives (perçues comme vectrices de trafics et qui compliquent la surveillance).

Derrière la prise de conscience que la ville est truffée d’espaces propices à toutes sortes de désordres et de subversions, ou plus banalement, d’actes illicites, il y a l’opportunité de réduire encore la cage de chaque pauvre jusqu’à ce qu’il apprenne à ne plus broncher pour se contenter de quelques miettes sociales de pain rassis. Et tout cela s’ajoute au creusement des fossés imaginaires entre « communautés », particularismes et « identités », entre « honnêtes gens » et « délinquants casseurs » à l’intérieur de la ville.

La guerre civile, entre pauvres, ne vise qu’à renforcer le pouvoir. Notre guerre à nous, enragés et révoltés contre l’autorité, ne vise qu’à sa destruction.

En chemin, urbanistes, flics, bourgeois, politiciens, leurs alibis culturels ou humanitaires et tous ceux qui nous ont volé le contrôle de nos vies devront mordre la poussière. Nous vivrons, parole de sauvages.

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Acharnement thérapeutique

Brrrr… il fait froid, ma couette ne cesse de s’envelopper autour de moi comme un serpent charmeur, c’est bien la dernière chose que j’ai envie de faire, mais c’est le prix de la couette, de la salle de bain, ma cage à poule de logement, beau l’aménager à mon goût, reste une cellule… C’est pour avoir ça que je me lève le matin, bordel, quand j’y pense, grrrmf, j’ai envies de céder à l’appel de l’oreiller, mais non, non non non, c’est l’heure du turbin. On enfile quelques fringues, un petit café, quand on a le temps, un coup de dentifrice, on se prépare à une journée de merde, mais de merde bien fraîche, fraîche comme ce dentifrice au goût faux, comme avaler un laboratoire. Métro Belleville, on se presse, un coup d’œil à droite à gauche, visiblement pas de contrôleurs, hop hop hop, on saute le portillon, mon petit sport en carton, merde, ils sont là ces gros bâtards, cachés derrière le mur, techniciens de la sournoiserie. « Monsieur ! », je cours, je suis plus proche des portiques de sortie qu’eux, battements de cœur, sprint, aïe, ouf, changement de programme: métro Couronnes, biiiip, huile de coude, ça pue le vomi, je VEUX cette place, dégage connard, biiiiip, porte, escaliers, rue, boulot, contrainte, obligation, devoir, justifications, fatigue, café, cris réprimés dans les chiottes, clope mâchée en vitesse, café, pulsions de baston, ongles rongés, manger, café, éclater la gueule de ce connard prétentieux, non quand même pas, c’est fini, je souffle, biiiip, je rentre. La vie, la mort, aujourd’hui j’ai encore rencontré la mort, je me vengerai, c’est sur, un jour, j’espère, peut-être, j’sais pas trop, mouais, non, mmmh, bon d’accord… Merde, j’suis crevé, couette, dodo.

(respiration)

(pim pam poum)

Hey mais au fait, POURQUOI?

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Non vraiment, t’aimes ton quartier ?

Dans ce monde où tout ressemble de plus en plus à une prison (prisons, hôpitaux psychiatriques, maisons de retraites, écoles, supermarchés, temples en tout genre, centres de rétention, transports, usines, urbanisme concentrationnaire, parcs et aires de jeux, logements, administration, etc.) il y a plusieurs choix possibles : la révolte et la lutte contre cet existant qui nous étouffe, la résignation, l’indifférence et la réappropriation des rapports de domination qui régissent cette société.

Se réapproprier la merde, c’est par exemple être fier de ta taule (avec barreaux) de ton quartier (sans barreaux), de ton petit bout de trottoir, de ton boulot de merde, ton « identité » et même de choses totalement anodines ou qu’on nous a collées sur la gueule à la naissance comme la couleur de peau, le nom, les origines, le sexe ou le genre. « 9.3 en force ! » « Fleury-Merogis nique tout ! » « La France aux français ! » « Black Power ! » « Fier d’être juif ! » « Girl power ! » « Corsica nazione ! ». A chacun sa petite fierté identitaire à mettre en concurrence avec celle des autres.
Autant de mécanismes aussi petits et cons que la prétention à l’intégration pseudo-universaliste des républicains, autant de particularismes remplaçant ton individualité en te donnant l’impression de vivre par autre chose que par toi-même. Autant de choses pour nous faire oublier que nous sommes des humains, tous autant que nous sommes, et que nous vivons tous dans le même monde, ce monde de merde.

Ce qui nous différencie les uns des autres, qui nous sépare souvent, nous relie aussi, ce sont nos choix individuels que nous faisons sans l’aide de quelconques directeurs de conscience et sans être déterminés par quelques facteurs « socio-culturels » à la con. Nous entendons être bien plus que du gibier à sociologue et nous ne voulons plus fonder notre cause sur d’autres choses que sur nous-mêmes, ces choses qui nous asservissent comme les frontières, les genres, les communautés, les corporations, les religions, les ethnies, les nations, les patries…

Le 20 juin dernier, des milliers de T-shirts « J’aime Belleville » (avec au dos « Sécurité pour tous » en français et chinois) étaient distribués dans tout le quartier et portés par des habitants de façon joviale et irréfléchie dans une grande messe dominicale de la franche connerie citoyenne, sécuritaire et communautariste. Autant dire que notre sentiment face à cela fut le dégoût, et nous ne parlons même pas des lynchages racistes que nous avons déjà évoqués ailleurs et dont on a déjà discuté ici-même, si tu te souviens.

Au fait, t’aimes quoi au juste dans ton quartier ? Les flics qui jouent aux cow-boys, leurs caméras à tous les coins de rue, l’exploitation, les taudis pourris qu’on te loue la peau du derche, le vigile du ED de la rue de Belleville qui te tripote en permanence, les barres d’immeubles qui te barrent l’horizon, le gardien qui t’ordonne de bouger ton cul parce que le parc va fermer, les cafés pour riches qu’on te refourgue au prix d’un repas de pauvre à cause de l’invasion des bobos et autres artistes branchés accrédités par la mairie de Paris pour laver le quartier des pauvres comme nous, cette saleté de came qui nous endort, nous empêche de nous révolter, qui inonde les rues et fournit aux flics une bonne raison pour justifier leur immonde présence, ces tacherons de contrôleurs RATP et leurs têtes à claques, les poucaves et les indics qui te vendent aux condés à la moindre occasion de se faire bien voir ou de se racheter un casier, ces gros bâtards de politiciens et d’éducateurs qui viennent te faire croire qu’ils sont tes amis et qui t’envoient les keufs dés que t’as le dos tourné, les journaflics qui viennent te filmer comme dans un zoo pour montrer leur image du bon pauvre qui bronche pas et qu’en est fier ; ou peut-être bien que ce que t’aimes dans ton quartier, ce sont les rafles de sans-papiers dans la rue, les transports, à la CAF, à la sortie de l’école, et la chasse à l’homme permanente contre biffins et marchands ambulants ? En gros le même merdier qu’ailleurs.

Belleville comme tout autre quartier, c’est avant tout un gros tas de cibles à attaquer et à défoncer, de flics à dérouiller, de frustration sociale et de colère à exprimer et d’exploiteurs à dépouiller ; et toi tu voudrais te réapproprier tout ca ? En être fier et le revendiquer ?
Non, vraiment, respire un bon coup, réfléchis un peu avec tes tripes et ton cœur plutôt qu’avec l’idéologie du 20H et choisis ton putain de camp face à la domination.

Réapproprions nous la guerre sociale plutôt que de la subir en victimes. Battons nous pour un monde de liberté plutôt que pour un bout de trottoir occupé.

Quelques anarchistes et sans-patrie du quartier.

[Tract trouvé en juillet 2010 dans les rues de Belleville, à Paris.]

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Quelques coups rendus

Ça t’emmerde pas toi, que des bâtards qui construisent des prisons ne se prennent pas leurs propres responsabilités dans la gueule ? Selon un communiqué publié ici et là, dans la nuit du 17 au 18 octobre, dans le 18ème arrondissement, un magasin Bouygues a été attaqué, sa vitrine fracturée et un tag « Feu aux prisons » a été laissé sur la devanture. Bouygues n’est pas seulement un vendeur de laisses électroniques, c’est aussi un des plus gros constructeurs de prisons et de centres de rétention en France. Il en est de même pour Eiffage en mai dernier, constructeur de taules également, dont l’agence du Passage Melun dans le 19ème arrondissement a été défoncée avec un tag laissé sur place : « Construit des taules. Feu aux C.R.A. ».

Tu te souviens peut-être, rue de Belleville, le 17 mars dernier, jour où des sans-papiers étaient foutu en taule pour avoir cramés la prison pour étranger de Vincennes (construite notamment par Bouygue et Eiffage), une boutique SNCF (co-organisateur de rafles et expulseur de sans-papiers) s’est faite occuper. Après que ses clients soient parti (dont plusieurs solidaires avec ce qui se passait), la boutique a entièrement été taguée dedans comme dehors : « la SNCF collabore aux expulsions de sans-papiers », « non aux rafles », « feu aux CRA », « solidarité avec les inculpés de Vincennes ». avec collage d’affiches, banderole, tracts… En passant, la boutique SNCF couverte de tags est restée fermée toute la journée du lendemain. Juste après, le gérant du magasin Bouygues qui observait jusque là l’occupation de la SNCF en se marrant, a commencé à rire jaune lorsque les assaillants se sont dirigés vers son enseigne. Il s’est vite enfermé dans ses murs pendant que sa vitrine se faisait recouvrir de tags (« Bouygues construit des taules », « feu à toutes les prisons »). Tout cela faisait suite à une occupation du même genre à l’agence Air France (expulseur) d’Opera. Les sans-papiers inculpés de l’incendie de Vincennes ont été condamnés d’avance à plusieurs mois de taule.

N’oublions pas qu’ici comme ailleurs, on rafle les sans-papiers, on fout des gens en taule. N’oublions pas qu’il est possible de leur rendre la monnaie de leur pièce, de refuser tout cela avec fracas.

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Correspondants de nuit : des agents de proximité de la guerre aux pauvres

correspondants

Tu les as sûrement déjà croisé à Belleville ou ailleurs dans les quartiers que la mairie veut « civiliser », leur uniforme est un polo vert avec un logo de la mairie de Paris au niveau du cœur et un brassard vert, ils se déplacent généralement en patrouilles de 3 à 4 agents (voir photo) et interviennent 7 jours sur 7, chaque soir de l’année, de 16h à minuit. Recrutés chez les ratés des écoles de police et de gendarmerie, ils sont environ 120 fonctionnaires municipaux payés (1 300 euros par mois plus les primes) à marauder chaque jour dans ce que cette société nomme « quartiers sensibles », expression rose bonbon pour parler des quartiers où les pauvres ne se laissent pas dominer sans broncher, et rendent les coups.

Chaque patrouille rédige quotidiennement des fiches de signalement traitées par un bureau central qui se charge de les transmettre aux services concernés (police, services techniques ou sociaux de la mairie, mafia associative, bailleurs sociaux…). Ils sont pilotés par les élus locaux pour effectuer un travail de fichage sur les populations indésirables (sans-abris, sans-papiers, squatters, prostituées, toxicos, repris de justice et autres pauvres). Leur rôle est principalement tourné vers une assistance aux flics et la répression des « incivilités ». Des protocoles d’échange d’information sont établis avec les flics, les GPIS, les proprios et les diverses mafias associatives de grands frères de quartier et de pompiers de la révolte, ils sont en quelque sorte les couteaux-suisses du pouvoir, un nouvel aspect de cette nouvelle philosophie policière appelée « Prévention de la délinquance ».

Pour résumer, ce sont des balances professionnelles, qui rédigent des fiches de signalement pour les élus sur les individus socialement suspects, qui préparent le terrain à des interventions policières, qui participent de fait à l’occupation policière du quartier. Ils sont des agents de proximité de la guerre aux pauvres, cette guerre qui vise à virer les pauvres du quartier pour y installer des populations plus riches, plus solvables avec un meilleur pouvoir d’achat et un goût pour la tranquillité sociale de leurs porte-monnaie.

Sous leur allure « sympathique » (comprendre « des flics sans la gâchette facile »), se cache en fait des flics en mission de fichage et de répression pour la mairie, ils sont des facilitateurs du travail des keufs, des juges et des proprios, dans une mentalité purement démocratique. Ils achètent la paix sociale au prix d’un sourire sur une matraque. Sache qu’ils se désinfectent les mains après te l’avoir serrée.

Démasquons-les ! Dégageons-les !
Eux comme tous ceux qui veulent nous éduquer, nous civiliser : nous fliquer

Nous opposons la guerre sociale à cette paix sociale qu’ils essayent d’imposer à coup de fric, de médiateurs et de flics.

Quelques anarchistes incivils du quartier.


Communiqué du site non-fides.fr

Selon des informations parvenues jusqu’à nos oreilles, le tract « Correspondants de nuit : des agents de proximité de la guerre aux pauvres » ferait l’objet d’une plainte déposée par la Mairie de Paris suite à sa publication sur le site Base de Données Anarchistes.

Ce tract anonyme avait été publié auparavant sur divers sites en open-publishing, avant d’être relayé sur d’autres, comme le notre. Nous assumons pleinement avoir contribué à sa diffusion, trouvant un intérêt clair à son contenu.

Ni guerre aux pauvres, ni guerre entre pauvres.
Guerre sociale contre le pouvoir et ses agents, déguisés ou non.

Quelques contributeurs à la Base de Données Anarchistes.

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