Il a fallu que tu l’ouvres !

Tu aurais pu fermer ta gueule, laisser ce type tranquille, ne rien dire, laisser les gens faire ce qu’ils ont à faire, chourer quelques marchandises s’ils le veulent.

Tu aurais pu garder ta foutue loyauté, ton « honnêteté », ta morale putride en toi et pour toi, payer tes courses en intégralité, si ça te fait plaisir.

Sale balance, il a fallu que tu l’ouvres, ta grande bouche de délatrice, il a fallu que tu zieutes dans le sac de ce mec et que tu dises à la caissière: « Il a caché un pack de lait au fond de son cadis ». Trois fois en plus, pour être sûre qu’elle ne ferme pas les yeux et qu’elle finisse par appeler le vigile.
Heureusement, le vigile semble n’avoir rien trouvé, et le type est parti.

Espèce de connasse. Tu aurais voulu faire ta sale besogne de larbin de la marchandise sans conséquences. Tu t’es même étonnée que je te couvre d’insultes, que je te gueule dessus devant tout le monde, que je te crache ma colère comme le moment l’exigeait. Tu voulais le consensus, l’accord tacite, l’Union Sacrée des braves consommateurs honnêtes contre le misérable voleur que tu as désigné à la répression.

Maudite flique bénévole !

Esclave revendiquée, qu’est-ce que ça peut bien te foutre que les gens chouravent dans les rayons d’un supermarché ? Ils offensent simplement ta morale imbécile et servile: «On ne vole pas. C’est mal. Ça mérite punition. Ça ne se fait pas. Sinon c’est l’anarchie. C’est une question d’honnêteté.»
Question d’honnêteté ? Tu as raison. Mais vois-tu, l’honnêteté on te la fout au cul, parce qu’elle ne sert que la loi, les riches, l’État et les marchands. Elle ne sert qu’à nous maintenir esclaves pour toujours. Et toi, non contente d’être cette esclave volontaire à vie, tu voudrais contraindre tous les autres à vivre dans la même merde, jusqu’à en étouffer et à en crever.
Lâche, vile poucave, tu n’as pas le «courage» de ta sale morale et tu confies l’exécution de la répression à d’autres: au vigile, à la caissière, aux flics…

Toutes les bordées d’injures ne seraient pas à la hauteur de ce genre de comportement; et il ne s’agit pas d’une anecdote, car tout cela en dit long sur les innombrables maillons qui tiennent solidement cette vieille société et l’empêchent de crouler. La connasse en question est pauvre, et elle dénonce un autre pauvre, qui ne faisait qu’agir contre la marchandise selon son intérêt.

Nous autres pauvres enragés, nous allons continuer à œuvrer, patiemment mais activement, à la lutte contre ceux qui nous dépossèdent de nos vies, car leur existence et leur pouvoir signifie notre mort quotidienne.
Malgré les balances, malgré les honnêtes citoyens qui ont trop souvent le vent en poupe.

Le vent de la révolte les emportera !

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