Un de nos fins limiers s’est rendu à un débat public de “l’association des amis de la Place des fêtes”, parce qu’il faut savoir se divertir un peu dans la vie. Et lorsque l’on est pas sensible à l’humour de videogag, il faut bien pouvoir se rabattre sur quelque chose… Alors dans ces cas-là, il y a toujours une petite poignée de citoyens concernés pour faire l’affaire. Ils sont tellement choux, tellement mignons, si naïfs que ça nous mettrait l’arme à l’œil, pardon, la lame à l’œil, euh mille excuses, la larme à l’œil. C’est qu’avec leurs grands yeux de caniches et leurs illusions de Pangloss, ils feraient passer n’importe quel révolté pour un serial-killer assoiffé de sang.
Les amis de la Place des fêtes, se présentent comme des « riverains, promeneurs, parents d’élèves, commerçants et usagers intéressés par l’avenir de la Place », qui souhaitent « aller au-delà d’une simple consultation et participer aux transformations de notre lieu de vie. Il est temps en effet de donner à cette place les investissements qu’elle mérite et aux habitants toute leur place ». Ils organisent pour cela des « promenades exploratoires » dans lesquelles ils nous font découvrir la « mixité sociale » dont ils sont si fiers, mais qui n’est en fait que la guerre aux pauvres. En témoignent les déplacements répétés de populations pauvres depuis les années 60 dans le quartier et celles en préparation. En témoignent aussi que vous n’entendrez jamais les pauvres la demander, cette fameuse « mixité sociale » des riches. Ils organisent aussi des débats publics où ne sont présents que des bourges bien éduqués, très polis et propres sur eux. Alors chacun y va de son petit rôle, celui de droite qui veut débusquer les planques de shit, celui de gauche qui veut installer des pépinières d’entreprises et des start-ups pour redynamiser le quartier, les bobos de service en demande de plus de culture subventionnée et ce bon vieux boutiquier concerné par la propreté de son pauvre trottoir… tous viennent se chatouiller l’ego ensemble, parce que l’impuissance c’est toujours plus drôle à plusieurs.
Mais ces gens-là ne font pas que rêver, non monsieur ! Ces gens-là veulent peser dans les décisions de leurs maîtres, les élus, qui ne daignent même pas pourtant leur jeter la baballe pour les occuper quelques jours. Ce qui ne les empêche pas bien sûr de remuer la queue avec obéissance, la bave aux lèvres essuyée avec un mouchoir en soie.
Notre fin limier, qui pensait trouver là quelques élus et autres porcs à se mettre sous la dent fut bien déçu de cet étalage de niaiserie et de poltronnerie sans enjeu réel. Mais consolé fut-il lorsque sur le chemin du retour il aperçut une agence d’intérim frappée de mille coups déterminés, des affiches aux messages clairs et sans illusions contre l’État et le fric, il se dit alors que des gens essayaient vraiment, eux, de transformer le quartier de la seule manière qui vaille : de façon autonome, et sans jamais compter sur l’autorité pour se détruire elle-même, du simple bon sens quoi.
Et pendant ce temps-là, les citoyens peuvent bien rentrer à la niche et laisser place aux artisans du chaos qui ont déjà dépassé, eux, la « simple consultation » depuis des lustres.