Le vendredi 14 octobre, notre squat a été expulsé suite à une plainte pour dégradation avec flagrance. Ceci n’est que l’histoire rageusement ordinaire, d’une expulsion ordinaire, d’une garde-à-vue ordinaire et de ses suites… Le 18 rue Olivier Métra (Belleville, XXe ardt) était une grande maison occupée depuis une semaine. Ce bâtiment vide depuis des années faisait rêver bien des habitant-e-s du quartier. Nous l’avons occupé avec l’intention d’y habiter.
Mardi 11 Octobre, en début d’après-midi, débarquent deux personnes se disant architectes, ils attendent Mme Mathieu la propriétaire : elle aurait acheté le bâtiment au mois de Juin. Mme Mathieu arrive et s’énerve. Elle essaie de nous faire croire qu’elle est sans le sou, qu’elle est dans une plus grande galère que nous. Difficile d’y croire ! Qui peut se payer une telle maison en plein Paris ? Qui peut investir des millions pour se loger ? Bref, elle repart avec sa clique.
A 16h, nous sommes assis-e-s sur le rebord de la fenêtre du 1er étage quand des keufs en tenue nous braquent avec un TASER en nous ordonnant de sortir immédiatement. Nous refusons. Très vite, des ami-e-s, voisin-e-s, squatteuses et squatteurs du quartier arrivent, les renforts des bleus aussi. Des voisin-e-s expriment leur solidarité en témoignant auprès des keufs que nous habitons là depuis une semaine, en refusant d’ouvrir la porte de leur immeuble à la police, en appelant leurs ami-e-s. Cela est malheureusement trop rare pour que nous ne puissions pas les en remercier et saluer leur solidarité, leur prise de position immédiate.
La propriétaire et ses amis de la police finissent par s’en aller après trois heures de siège. Le lendemain, une autre occupation est constatée par la police au 194 rue des Pyrénées, dans le même arrondissement. Une rumeur parle d’une expulsion dès le lendemain pour ce dernier, elle n’a pas, pour l’instant, eu lieu.
Le lendemain, veille de la trêve hivernale, à 7 heures, entre cinquante et cent flics et gendarmes bloquent la rue. Un groupe d’intervention, sans écusson, ni insigne, nous réveille à coup de bélier et de meuleuse. TASER avec pointeur laser. « Personne ne bouge ! Main sur la tête ! Au sol ! Ferme ta gueule ! ». Genou qui t’écrase contre le sol. Serflex ou menottes. Des officiers de police judiciaire débarquent. Notification immédiate de Garde-A-Vue. Il est 7h15. Embarquement immédiat. Pas le temps de réunir des affaires. Dans la rue, du monde aux fenêtres. Nous arrivons tou-te-s les six au commissariat du XIXe transporté-e-s par les gendarmes. Le chien qui était avec nous a disparu. Nous sommes en colère, l’ambiance est tout de suite tendue avec les condés. Pendant l’expulsion, des flics en civil font le pied de grue devant les autres squats du quartier. Nous sommes mis-es en cages. Femmes et hommes séparé-e-s dans des cellules proches. Médecin, avocats, auditions, nous n’avons rien à déclarer, refus empreintes et ADN. Les auditions sont faites par des OPJ du XX°, et le SIT. Certains essaient de la jouer sympa, ils nous paient des clopes, nous proposent des verres d’eau pendant et après les auditions. Nous nous méfions, mais pas assez. Ils veulent notre salive pour leur fichier ADN, le FNAEG. Nous verrons sur un bout de papier « ADN eau : non / ADN mégot : OK ». Nous foutons le bordel en cellule pour obtenir à boire, des tampons périodiques ou pour aller pisser. Cela fonctionne et nous permet de ne pas nous sentir trop impuissant-e-s malgré les provocations, les intimidations, les menaces de tabassage. Au bout de quelques heures, notification d’une garde-à-vue supplétive pour refus de se soumettre aux empreintes. Re-médecin, re-avocats, re-auditions. Nous répondons la même chose refusant les déclarations, les questions, le fichage.
Nous sommes transféré-e-s vers le dépôt de Paris-Cité à 18H30. Au bout d’une heure on voit des vice-procureurs. Une convocation pour un procès le 16 novembre, « destruction du bien d’autrui commise en réunion et refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques intégrés dans un fichier de police » [Ndr. Le procès a depuis été reporté, la proprio, elle, a demandé 17 000€ de réparations !].
Retour sur le banc du dépôt, dans l’attente du « bon de liberté » et de nos fouilles. De retour devant la maison, on ne peut pas récupérer nos affaires : les portes et les fenêtres ont été murées. La voiture est à la fourrière, le chien restera dans une cage durant quatre jours : 300 euros dans leurs poches et une puce sous la peau du chien ! Et ce qui est resté à l’intérieur ? Nous n’en savons rien.
Nous recroisons quelques voisin-e-s avec qui nous échangeons des mots amicaux. « C’est du gaspillage de maison ! », nous dira une gamine du quartier.
Ce que nous voulons, c’est un lieu pour vivre à plusieurs. Un endroit que l’on habite sans vouloir attendre d’avoir les bons papiers, les bons revenus, le bon piston à la mairie. Ce que nous refusons c’est le contrôle. Dans les transports, dans la rue, dans les écoles, face aux institutions qui nous exploitent et qui nous gèrent, le fichage est partout. Les rafles quotidiennes, la vidéo-surveillance, le puçage du vivant, toutes les chaînes sécuritaires, toutes les prisons et le monde qui les a créées. Ce que nous refusons c’est l’exploitation, la spéculation, de devoir payer pour exister, de crever sur l’autel de la propriété privée. Ce que nous saluons, c’est la solidarité des habitant-e-s du voisinage, de nos ami-e-s, de nos camarades.
Les ex-occupant-e-s du 18 rue Olivier Métra.
Nota Bene : Nous nous sommes permis de reprendre ce récit en effectuant des coupes pour des raisons d’espace et non de contenu. Pour aller plus loin, nous vous invitons à le lire dans son intégralité ici: http://nantes.indymedia.org/article/24532