On ne le répétera jamais assez, l’Etat devrait soigner ses services publics. Pour preuve, ceux-ci lui rendent de précieux services en matière de gestion des conflits, ou plus simplement encore, des populations et individus indésirables.
Première illustration le 31 août dernier à Saint-Denis. Vers 6h30, des dizaines de condés débarquent dans un camp de fortune où vivaient quelques 150 personnes, venues de Bulgarie et de Roumanie. Après avoir rasé le lieu et embarqué tous ses occupants, se pose la question de l’évacuation de ces derniers. Peut-être en mal de bus servant au transport des personnes arrêtées, toujours est-il que ce jour-là, la police trouve un moyen fort simple de résoudre le problème. Emmenant tout le monde de force vers la ligne 1 du tramway, les flics tentent de faire monter les indésirables dans des rames déjà occupées par des passagers. Constatant le souci, des cadres de la RATP décident de faire venir une rame spéciale depuis le dépôt de Pavillon-sous-bois, afin « de ne pas entraîner de désagrément pour les usagers ». La RATP précisera bien n’avoir répondu à aucune réquisition de la police, d’où le caractère hautement généreux et spontané de leur coup de main, et d’ajouter : « notre rôle d’exploitant est d’acheminer les voyageurs jusqu’à leur destination en temps et en heure ». Question de sérieux… Le trajet de déportation durera une bonne heure, le temps que le convoi escorté par neufs cars de CRS à l’extérieur, des dizaines à l’intérieur en plus de quatre employés de la RATP, arrive à la gare de Noisy-le-Sec, où les familles seront poussées dans le RER, direction… le plus loin possible pour le pouvoir. Pour mémoire, on rappellera qu’au début du XXème siècle, plus précisément entre 1907 et 1914, l’État s’était doté des cadres légaux pour réaliser ce type d’opération de déportation. Clémenceau avait à l’époque créé des unités spéciales -les Brigades mobiles- dont le rôle consistait à déplacer les populations Tziganes aux confins d’un département donné. Leçon bien apprise.
Des membres d’un syndicat gauchiste de la RATP (SUD en l’occurrence) s’émeuvent, et demandent « que les transports franciliens ne soient plus utilisés pour ce genre d’opérations », comprendre, que l’État fasse ses rafles tranquillou, mais autrement, et qu’on ne nous embête pas avec. La direction se lavera les mains de cette sale besogne en déclarant qu’il s’agissait d’une décision locale et exceptionnelle.
Autre exemple, le 4 novembre au RER Saint-Lazare, où un homme est assassiné par une meute composée de trois contrôleurs SNCF, d’un agent de l’unité nationale d’intervention rapide (l’Unir, créée en 2011), dépendant de la Surveillance Générale (SUGE), et trois flics de la Brigade des Réseaux Ferrés (BRF). L’agent de sécurité l’aurait d’abord frappé à coup de matraque télescopique, avant que les flics le menottent par terre. L’homme perd connaissance, souffrant d’un hématome à la tête, puis tombe dans le coma. Il décède un jour plus tard. Pour la forme, les sept personnes précitées seront placées en garde-à-vue, le temps de conclure qu’il n’y pas eu usage excessif de la force. On est soulagé, un usage excessif de la force aurait pu entraîner une sur-mort. Pour en finir avec cette vilaine histoire, le pouvoir s’empresse de déclarer qu’un « infarctus » était à l’origine du décès. C’est fou le nombre de personnes cardiaques tombant dans les mains des chiens de garde de l’ordre, ça n’arrête pas. Mais nous laissons aux cardiologues et autres sociologues le soin de faire les comptes en cette matière. Il y a plus important que de compter les morts : reconnaître les responsables et en tirer les conséquences.